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2025-03-14-La grande histoire-Florence et Irma

Jos travaille toujours comme bûcheron l’hiver et le bois qu’il coupe s’en va à la pulperie. Les usines tournent à plein régime et les journaux sortent à tous les jours. Les nouvelles vont vite et Jos, qui a toujours été friand des histoires racontées dans la gazette, ne manque pas l’occasion de lire le dimanche, jour de repos.

 

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C'est écrit p'ti, Marie.

 

 

Nous sommes en 1906 et c’est la routine chez les Desmeules. Il ne se passe pas grand-chose de nouveau. Une nouvelle apparait sur le journal et pour une rare fois, on ne parle pas de politique. Il est écrit que qu’un certain monsieur Ouimet de Laval a inauguré, le premier janvier dernier, la première salle de cinéma au Québec à Montréal. Elle s’appelle simplement la Ouimetoscope et ça coûte entre 10 et 25 cents pour aller voir des vues.

 

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On va au Ouimetoscope

 

 

Au printemps, la sève ne monte pas que dans les arbres. Marie tombe enceinte et, replaçant ses cheveux noirs, poursuit ses travaux de jeune mère jusqu’à la naissance de Florence le 27 décembre, en plein dans le temps des fêtes. Heureusement, les pâtés à la viande étaient déjà faits et heureusement, l’enfant sera « réchappé ». Ils seront de plus en plus « réchappés » ces enfants grâce à Irma, une femme hors du commun, une pionnière qui mérite son histoire dans La Grande Histoire.

 

L’hôpital Sainte-Justine fondée en 1907

 

Irma LeVasseur est une fille de Québec. Elle est la seule fille de la famille, ses deux frères ainés n’ont pas été « réchappés » et sont morts en bas âge. Son autre petit frère a une dysfonction comportementale et elle le voit dépérir et mourir. Elle décide de devenir pédiatre.

 

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Irma LeVasseur, 29 ans en 1906.

 

Elle veut bien devenir médecin mais au Québec, une province du Dominion, ce n’est pas facile. Elle réussit quand même à étudier à l’Université Bishop’s de Sherbrooke, une université de langue anglaise chez les « Loyalist » des Eastern Township (Cantons de l’Est). Pour obtenir sa licence de pratique, elle doit s’exiler au Minnesota, aux États-Unis à l’âge de 17 ans.

 

Lorsqu’elle revient au Québec pour exercer sa profession, elle frappe un mur d’injustice. Les femmes n’ont pas vraiment le droit de faire de la médecine. Seulement quelques-unes le font et elles sont anglophones et protestantes. Même, elles, sont des exceptions.

 

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Une fois et une autre fois

 

 

Irma LeVasseur est déterminée et persévérante. Elle finit par obtenir son droit de pratique. Cependant, elle va passer deux ans en France, à Paris, pour se perfectionner et revient s’installer à Montréal. En mars 1907, elle est consternée par le fait qu’il n’y a pas d’hôpital pour enfants francophones. La mortalité infantile est pourtant élevée et surtout causée par la mauvaise qualité de l’eau et du lait. La métropole est le deuxième endroit au monde où les enfants meurent après Calcutta en Inde. C’est à cette période que la pasteurisation du lait est devenue obligatoire.

 

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On chauffe et on refroidit

 

 

C’est cette année là qu’Irma LeVasseur fonde l’Hôpital Sainte-Justine. D’autres médecins se joignent à elle mais le Collège des Médecins est très hostile et lui met des bâtons dans les roues. Il ne tolère pas trop la présence des femmes dans les professions masculines et pour la bonne « réputation » de l’hôpital qu’elle a fondée, Irma LeVasseur se fait évincer de son propre institution et aucune femme n’a plus le droit de pratiquer la médecine.

 

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L'hôpital à ses débuts

 

 

Irma quitte le Québec et s’en va en Serbie pour guérir les malades du typhus et travaille comme médecin militaire en France pendant la première guerre mondiale.

 

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Une canadienne errante, bannie de ses foyers.

 

 

Après un séjour aux États-Unis, elle revient finalement dans sa ville natale à Québec et achète une grande résidence sur Grande-Allée en face du Parlement de Québec. En 1923, elle fonde, avec le pédiatre René Fortier, l’Hôpital de l’Enfant-Jésus. Quelques mois plus tard, la religion s’impose et comme Irma veut un hôpital laïque, elle est évincée une seconde fois de l’institution qu’elle a initiée.

 

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L'hôpital Enfant-Jésus

 

 

En 1950, elle est honorée à grands coups de discours, d’applaudissements et de poignées de mains. Elle meurt le 18 janvier 1964 dans la pauvreté. Elle est inhumée au cimetière Saint-Charles et son nom ne sera inscrit sur sa pierre tombale que quarante ans plus tard.

 

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Fin de l’histoire

 

 

Pendant ce temps, Jos ne fait que des petits contrats tout l’été, rien d’envergure. Finalement, il se trouve un travail au nord de Sainte-Anne. Il va construire une chapelle grâce au beau-père. Il faut se rappeler que Marie a du sang indien tant par sa mère Kate que son père Jimmy et qu’il y a beaucoup d’indiens autour du lac Clair, justement ceux qui viennent planter leurs tentes sur la rue Saint-Alexis à Ste-Anne pour la fête de Ste-Anne. Tout ce beau monde fraternise gaiement. Ça fait un bout de temps que feu le curé David Roussel s’occupait de la colonisation au lac Clair. Il y allait de temps en temps, célébrer une messe dans la petite chapelle qu’il avait fait construire. Pour les nouveaux célébrants de messe, il apparait beaucoup plus pratique d’avoir une chapelle plus près de Ste-Anne et en plus elle pourrait desservir de plus en plus de colons qui s’installent autour des rangs 7 et 8. Jimmy, le beau-père qui brassent des affaires avec tout ce monde, fait engager Jos pour la construction d’une chapelle à St-Honoré, une paroisse qui n’est pas encore fondée.

 

C’est ainsi que Jos participe à la construction de la chapelle de St-Honoré qui se termine dans les temps en 1907 et sans dépasser le budget. Les livres comptables affichent la somme totale de 1357,70 $, somme qui n’est pas soumise à l’impôt pour deux raisons, la première est que les institutions religieuses ne paient pas d’impôts et la deuixième est que l’impôt n’existe pas encore, ha ha.

 

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La première chapelle de St-Honoré

 

 

Nouvelles du pont de Québec

 

Il est tombé. C’est une grande tragédie. Tous les gens de Québec voyaient s’ériger la structure et tous étaient émerveillés. Mais il y a eu des erreurs de calcul et le poids réel du pont était beaucoup plus grand que la structure pouvait supporter.

 

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Ça tire à sa fin

 

Le pont était presque terminé lorsqu’on a remarqué des problèmes structurels. Les pauvres ingénieurs du Québec n’ont pas su se faire entendre par le grand patron, l’ingénieur américain, dans son bureau aux États-Unis. Il faut dire que les communications étaient lentes et le moyen le plus rapide était le télégraphe. Aujourd’hui, ça clique. On a ordonné l’arrêt des travaux mais le 29 août à 17h37, le pont s’effondre dans le fleuve du côté de Lévis entrainant 100 travailleurs dans sa chute dont 76 trouvent la mort.

 

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Quel dégât !

 

 

Légendes urbaines

 

La construction du pont de Québec, suite à son effondrement, est devenue mythique. Elle a suggéré des histoires rocambolesques.

 

On raconte que quelque part dans la structure du pont actuel, il y a un boulon en or massif. C’est faux et c’est dans l’imaginaire de certaines gens. D’ailleurs la structure du pont est assemblée avec des rivets, pas des boulons.

 

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C'est pas un boulon, c'est un rivet.

 

 

Pour rappeler aux ingénieurs leur responsabilité, au moment d’entrer sur le marché du travail, ils se livrent au rite d’Engagement de l’ingénieur. Pour leur rappeler cet engagement, on leur remet un anneau en fer martelé et rugueux qu’ils portent à l’auriculaire pendant toute leur carrière. Avec les années, l’anneau se polit comme le caractère et l’expérience de l’ingénieur. Ça, c’est vrai. On dit que l’anneau est fabriqué avec le fer de la structure du pont qui est tombé. Ça, c’est faux, mais c’est toujours drôle de le raconter ainsi.

 

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Un nouvel ingénieur, c'est sûr !

 

 

Les vraies affaires

 

On se rappelle que le maire de Québec, aussi chef du parti libéral provincial, aussi premier ministre de la province, Simon-Napoléon Parent, le « chum » de Sir Wilfrid Laurier, téteux de la reine Victoria, est le président de la compagnie « responsable » de la construction du pont de Québec. Comme l’histoire se répète et suite à une commission d’enquête, la « responsabilité » de l’effondrement du pont a été attribuée aux ingénieurs.

 

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Il ne l'a pas partagée, il l'a toute donnée à d'autres.

 

 

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Le bouc émissaire, c'est certain.

 

 

Beaucoup de travailleurs du pont venaient de régions éloignées et certaines familles acceptaient de les loger. Le revenu supplémentaire était très apprécié. Une famille dont la maison était située à proximité du pont, sur la rive est de la rivière Chaudière à son embouchure accueillait des travailleurs indiens, des Mohawks, réputés pour leur capacité d’évoluer en hauteur sans vertige. Cette maison était située au-dessus de la côte du chemin Du Saults. Tout comme la rue St-Alexis à Ste-Anne était appelée la rue des « sauvages », cette maison était appelée la maison des « sauvages ». Cette maison appartenait à un dénommé Desmeules. Elle a été incendiée entre 1925 et 1930.

 

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Chambre avec vue, monsieur Desmeules.



14/03/2025
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