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2025-02-28-La grande histoire-Marie et Joseph

Jos vit le parfait bonheur. Il est en amour avec sa Marie, son indienne, comme il se plait à le dire. Elle est métisse et même plus indienne que blanche. Elle s’est aussitôt prise d’affection pour Épiphane et la petite Blanche Anna. Au début de décembre, Marie lui annonce qu’elle est enceinte. Elle est remplie d’une sainte joie, elle, si pieuse. Pour ces gens, avoir des enfants est extrêmement valorisé. C’est même un devoir religieux et qui dit religion dit superstition et chasteté. Marie cache sa grossesse par pudeur car un ventre qui grossit révèle l’acte sexuel qui l’a provoqué ce qui est honteux. D’ailleurs on disait aux enfants que les bébés venaient au monde dans les choux. En tout cas, Jos était bien heureux et c’est avec ce bonheur qu’il est retourné bûcher dans le bois.

 

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Non ce n'est pas Marie

 

 

On dirait que tout va bien en ce début de 1904. La population, en général, a du travail un peu partout. Il faut dire que les pulperies prennent de l’essor. L’économie s’accroît grâce à ces industries et le centre-ville de Chicoutimi se développe avec de nouveaux magasins plus spécialisés qui répondent aux nouveaux besoins de la population. C’est ainsi que deux frères, Louis et Jos Gagnon, ouvrent un magasin sur la rue Racine; ils le nomment Gagnon Frères. Au début, c’est une épicerie mais bientôt il devient un magasin général.

 

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Oui, c'est le vrai magasin

 

 

Jos revient visiter sa petite famille à toutes les deux semaines. Il gagne un bon salaire et permet à sa femme et à ses enfants de bien vivre. Jimmy et Kate sont de bons grands parents pour les enfants et la proximité de la belle famille rassure beaucoup notre bûcheron. La grossesse de Marie va très bien et l’enfant est prévu à la fin de l’été. Le chantier dans le bois prend fin et Jos réussit à se trouver du travail dans la construction de l’église du Sacré-Cœur au Bassin de Chicoutimi. Il en est très heureux car il peut voyager matin et soir. Il prend le premier bateau de la traverse à côté de chez-eux et débarque au quai du Bassin. Il n’a qu’à prendre une bonne marche pour se rendre sur le site de la construction. Il revient le soir et peut passer du bon temps avec sa famille.

 

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L'église au centre, la rivière Saguenay à droite, en 1905.

Et la petite maison blanche? Elle est là.

 

 

Entretemps, la colonisation va bon train. En fait, la province fait du recrutement en France pour aller chercher de nouveaux colons pour peupler les terres du lac Saint-Jean. Le ministère de la colonisation, des mines et des pêcheries a même publié un Guide du Colon pour renseigner les futurs intéressés. C’est ainsi que le 16 mai, des immigrants savoyards (de Savoie en France) embarquent sur le train à la gare du Bassin Louise à Québec.

 

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Prêts pour l'embarquement!

Quel est ce chien, ce n'est pas Mirza!

 

 

Ils se rendent à Roberval et ensuite au village de Péribonka situé au nord du lac Saint-Jean. Ce sont huit familles au total et on dit qu’ils sont d’excellents colons sous tous les rapports, même le chien. Comme ils sont de très bons agriculteurs, on a confiance qu’ils pourront produire chez-nous leur meilleur fromage : la tomme de Savoie. Et pourquoi pas le déguster avec un Apremont? Y’a-t-il une famille de d’Entremont parmi ces immigrants?

 

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Ça, c'est bon !

 

 

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Ça aussi!

 

 

Marie va bientôt accoucher. Jos est anxieux car il pense à son premier amour, Anna, avec qui il a vécu de très grandes peines. Il y a eu la fausse couche, la mort de leur première petite fille à 13 mois et la mort d’Anna elle-même après seulement trois ans et demi de vie commune.

 

Marie est une femme forte et en bonne santé. Il doit faire confiance. Elle accouche le 26 juillet d’une mignonne petite fille que l’on baptise le jour même du nom de Marie Anne Eugénie. C’est Kate Maltais, sa grand-mère maternelle, qui est marraine et c’est Alexandre Maltais, le prêtre de la famille, l’oncle de Jos du côté de sa mère qui est parrain.

 

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Extrait de naissance

 

Le malheur frappe encore et la petite ne survivra pas plus de six semaines et meurt le 3 septembre. Même si la mort d’un jeune enfant est tragique, il faut s’y attendre car la survie est précaire. Par exemple, à Montréal, la mortalité est de 1 enfant sur 4 alors qu’à Québec, il est de 1 sur 2. Pour bien comprendre ce défaitisme parmi la population, il y avait un mot qui parlait de lui-même : « réchappé ». Jos et Marie n’avait pas « réchappé » la petite Eugénie mais ils espéraient « réchapper» les prochains bébés.

 

Et la vie continue si bien qu’en décembre, Marie sent qu’elle est de nouveau enceinte. Et Jos repart dans le bois.  Il s’accommode bien de sa vie de bûcheron l’hiver et de charpentier-menuisier l’été. D’ailleurs, il s’est trouvé encore un très beau travail pas trop loin de chez lui et même plus près de ses parents : la construction d’un pont sur la rivière Valin. Non, le premier ministre du Canada n’est pas venu pour placer la pierre angulaire; il faut dire que c’est un pont en bois.

 

Aparté : le pont de Valin

Ça fait déjà un maudit bout de temps que le vieux pont de bois de la rivière Valin, à son embouchure sur la rivière Saguenay, est en mauvaise condition et menace de s’effondrer. La population réclamait une action de la part des gouvernements pour corriger la situation. Finalement, le département de la Colonisation a répondu à l’appel et a octroyé les montants nécessaires pour la construction d’un nouveau pont. Les plans et devis ont été approuvés par l’ingénieur du gouvernement. La construction a débuté tout juste après la fonte des neiges du printemps 1905. C’est un pont couvert en bois bien de chez-nous qui s’étire sur 140 pieds pour rejoindre les deux rives de la rivière. C’est une belle construction et Jos est à l’aise dans l’érection de cette super structure en bois. Le travail est physique et vertigineux. Il est souvent perché à une trentaine de pieds du sol sauf qu’il n’y a pas de sol, c’est la rivière Valin. S’il tombe, il fera un plongeon de 30 pieds au moins (c'est pharamineux) avant de prendre un gorgée.

 

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C'est une inspiration 

 

 

Aparté dans l’aparté : la naissance de Thomas-Eugène

 

Ça y est. Marie accouche de son deuxième bébé le 21 août. C’est un enfant plein de vie et de force. C’est un costaud et on est presque sur de le réchapper celui-là. On le prénomme Thomas-Eugène, un nom composé et c’est plutôt rare en ce temps. Il y a certainement une raison pour ça. Disons que le parrain, c’est Thomas, le frère de Jos et Eugénie est la première-née qui n’a pas survécu. Tout est lié et la vie continue.

 

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Une randonnée dans les étoiles pour Thomas Eugène

 

 

La construction du pont se termine à l’automne, juste à temps pour reprendre la vie de chantier. Jos n’est pas peu fier de ce pont. Il a un grand sentiment d’appartenance et n’hésite pas à dire que c’est son pont.

 

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Emplacement du pont de Valin

 

 

C’est monsieur J.N. Castonguay, inspecteur des ponts et chaussés et de la voirie publique qui vient faire l’inspection finale juste avant Noël. Quant à l'ingénieur du gouvernement, satisfait de la qualité de construction, il le garantit pour 50 ans, si les municipalités de St-Fulgence et de Ste-Anne font tout leur possible pour le préserver du feu. On n’hésite pas à placer des tonneaux remplis d'eau et des chaudières sur toute la longueur du pont. Il ne faudrait pas que la mauvaise expérience du pont de la Grande Décharge à Alma se répète. L’an passé, il avait faillit brûler à cause de l’absence d’eau sur le pont.

 

Fin de l’aparté

 

Pendant ce temps à Québec, un certain François reçoit un prêt de 125 $ de son frère pour ouvrir une biscuiterie sur la rue Arago qui mène au Jardin Jean-Paul L’Allier. Avec la recette de biscuit à la gelée de son épouse Zélia, il fabrique tous les matins ses biscuits frais dont ses clients se régalent. Sa production se diversifie tranquillement et il fabrique les fameux biscuits à feuille d’érable que tout le monde aime. Son entreprise grandit et passe à ses enfants. Il faut construire une usine à St-Augustin-de-Desmaures pour fournir à la demande. De biscuits, on passe aux barres tendres et des usines voient le jour à Hawkesbury en Ontario, en Pennsylvanie, au Tennessee et Arizona aux États-Unis et dernièrement à Cornwall et Brockville. Ce petit pâtissier de Québec, c’est François Leclerc de la compagnie Leclerc, seule biscuiterie québécoise qui vend partout en Amérique du Nord.

 

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Le logo de 1905

 

 

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Les vrais biscuits à l'érable Leclerc

 

 

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Logo moderne

 

 

Non mais quelle belle année qui se termine pour Jos. Un enfant qui nait en bonne santé et la construction d’un magnifique pont sur la rivière de son enfance. D’ailleurs, tous les journaux et toutes les encyclopédies du 20e siècle parle de l’année 1905 comme étant l’Annus Mirabilis. Pour éviter toute mauvaise interprétation, l’Annus Mirabilis est une locution latine qui signifie Année de Merveilles.

 

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Bon, il faut avouer que ce n’est pas à cause des réalisations de Jos Desmeules, même si on peut les qualifier de merveilleuses mais plutôt à cause de celles d’Albert Einstein, ce physicien prodigieux d’origine allemande. En 1905, il a publié quatre articles scientifiques d’envergure. On retient celui de la théorie de la relativité, une relation masse-énergie résumée par l’équation E = mc2  (lire E égale m c carré).

 


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C'est relatif mon cher Albert

 



28/02/2025
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