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2022-11-26-La grande histoire-Joseph a 10 ans

Une infox de mauvais goût

Une triste publication, dont je tairai le nom, a été portée à mon attention suite à la publication de mon dernier blogue du 19 novembre dernier. De façon calomnieuse, ce qui en fait une infox de mauvais goût (infox est le terme français de « fake news »), on prétend que le sixième enfant de Marguerite, épouse légitime d’Épiphane Desmeules, mon arrière-grand-père, aurait été prénommé David à la demande de David Roussel, curé de Sainte-Anne. On aurait pu se limiter à dire que le curé, lors d’un voyage spécial à Valin pendant l’absence d’Épiphane, avait convaincu Marguerite d’enfanter. Non, on va jusqu’à prétendre que le curé David serait le père de l’enfant.

 

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C'est une fausse nouvelle et même un nouvelle fausse

 

C’est un affront des plus mesquins. Comment peut-on salir la réputation d’un homme d’église d’une part et de la famille Desmeules, une si noble famille de Valin, ma famille, d’autre part? J’ai fait mes recherches et grâce à l’ADN prélevé sur mes cheveux blancs et celle du curé David Roussel, retrouvé dans le confessionnal, là même où Marguerite lui avait annoncé sa grossesse en mentionnant qu’elle avait les seins plus durs, plus volumineux ou plus douloureux au toucher. J’ai fait mes recherches, dis-je, et il n’en est rien.

 

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Non, David, il n'en est rien.

 

 

Cette mise au point étant faite, je reprends le cours de la Grande Histoire.

 

Le 5 avril 1886, sans aucune notification quelconque, on souligne les 10 ans de Joseph. Ce matin-là, toute la famille s’est attablée pour le déjeuner de fête. Épiphane et Marguerite sont très heureux et fiers de leur famille. Les sept enfants sont tous assis autour de la table. Alexandre, le petit dernier de 2 ans, est assis dans la chaise haute et David (fils légitime, faut-il le préciser), à trois ans, peut prendre place avec les autres. Pour l’occasion, Joseph s’assoit au bout de la table, face à son père. Il y a comme une hiérarchie dans une famille; il est le numéro 1 et maintenant on peut le considérer comme l’ainé de la famille avec toutes les responsabilités qui vont avec. Il en rougit de fierté.

 

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La question se pose

 

Marguerite, malgré sa grosse bedaine de femme enceinte qui va accoucher dans quelques jours, s’affaire autour de son beau poêle Bélanger. Elle a fait cuire du bacon dans le gros poêlon de fonte pour Joseph qui adore les toasts au bacon. Les tranches de pain de ménage sont en train de griller directement sur les ronds de poêle plus près du « boileur » que du feu pour éviter de les brûler. Marguerite fait des crêpes pour tous ses enfants qui s’en délectent. Le pot de mélasse trône sur la table et chacun se permet d’en arroser copieusement sa crêpe. Les enfants ont droit à un grand verre de lait alors que les parents boivent un bon thé. À cette époque, le café était une denrée rare et dispendieuse alors que le thé, la boisson chaude emblématique des Anglais, était facile à obtenir.

 

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Juste pour toi, Joseph?

 

  

Et Joseph a reçu son cadeau d’anniversaire : une salopette. Ce vêtement n’existait pas encore au Canada. Marguerite, en toute femme qu’elle est, s’est fait donner des revues françaises sur la mode de Paris. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir un nouveau vêtement qu’on appelait « salopette ». Elle y apprend que salopette vient du mot « sale » tout simplement et que c’est un pantalon à taille haute avec le devant qui se prolonge vers le haut et qui s'attache avec des bretelles. C’est un vêtement parfait pour Joseph qui a la mauvaise habitude de s'essuyer les mains sur son ventre et sur sa camisole. Marguerite a trouvé l’idée bien bonne de faire une bavette devant la bedaine. À partir d’un pantalon, Marguerite a vite fait de reproduire la salopette française et en y ajoutant de bonnes bretelles de cuir que le père François avait laissé à sa mort.

 

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Joseph posant fièrement dans sa salopette

 

 

Tout heureux, Joseph s’est habillé de sa salopette et, par un élan de motivation, partit à l’étable pour l’écurage des vaches. Son père lui avait confié cette responsabilité car il pouvait s’en acquitter sans aide. Il était encore trop jeune pour la traite des vaches non pas qu’il en était incapable mais, par manque de force, il prenait trop de temps. Il était bien content de brasser de la marde. D’un tempérament plutôt solitaire, il aimait se retrouver seul avec les vaches, ces gros animaux dociles qui répandaient une bonne chaleur et malheureusement aussi une mauvaise odeur. Mais on s’y habitue. Il y en avait six de ces bêtes. C’était une ferme de subsistance et non une industrie laitière comme il y en a tant aujourd’hui.

 

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Ben oui, il le faut des fois.

 

Il aime bien ses vaches, Joseph. Elles sont canadiennes comme lui. En fait, cette race de vaches est arrivée au temps de Samuel de Champlain au 17e siècle directement de la Normandie. Dans ce pays froid qu’est le Canada, la race canadienne est la première race bovine laitière créée en Amérique du Nord. La canadienne fait tout. Elle est bête de trait pour le labour, donne du lait et même la viande.

 

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Les belles canadiennes

 

 

C’est justement à partir de l’année des dix ans de Joseph que « Le livre généalogique » est ouvert. C’est un registre de recensement d’animaux appartenant à une race dont les parents sont connus. En fait, c’est le pedigree. La canadienne est tellement belle, de couleur brun foncé allant jusqu’au roux et elle est plutôt svelte: environ 500 kilos. Joseph les saluait toujours ainsi :

 

Vive la canadienne et ses jolis yeux doux.

 

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Beaux yeux doux

 

 

Les Desmeules possèdent cinq canadiennes. La sixième est une Durham, une vache de race anglaise. Ici, je tiens à préciser qu’il n’y a aucun lien de parenté avec Lord Durham, ce maudit fendant qui a écrit dans son rapport, après la pendaison des patriotes, que les francophones étaient un peuple sans histoire et qu’ils devraient être assimilés à la culture anglaise.

 

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Durham a fait plus de vacheries qu'une vache

 

 

La vache Durham est plus grosse que la canadienne: environ 800 kilos. Elle est rousse aussi mais avec du poil blanc. La sixième vache des Desmeules vient de la famille Price, ancienne propriétaire de la terre. C’est une vieille vache. Elle donne beaucoup de fil à retordre à Joseph. Toujours évachée, elle ne voulait pas « chier dans pelle », une expression bien de chez-nous, utilisée quand une personne ne fait pas ce qu’elle s’était engagée à faire. Même le bœuf des Morissette, qui s’offrait avec plaisir pour les besoins de la reproduction, repartait la queue entre les deux jambes en l’apercevant. Cette vache, Joseph l’a appelée Victoria. Ici, je tiens à préciser que c’est moi qui lui ai suggéré ce nom. J’ai le droit parce que c’est moi qui raconte l’histoire.  

 

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Victoria, c'est un beau nom pour une vache

 

 

Et l’été arrive. Joseph aime beaucoup aller à la pêche, comme son père d’ailleurs. Souvent, le dimanche après la messe, Épiphane partait à la pêche, emmenant deux ou trois de ses enfants. Cette fois-là, Il part avec Léa, Joseph, Laura et Thomas et un bon gros panier de pique-nique. Ils marchent pendant quarante-cinq minutes avant d’apercevoir cette magnifique chute dont on entend tant parler. Aussitôt arrivés, les enfants réclament déjà le goûter. C’est vraiment une fête pour les enfants. Assis sur la couverture près de la rivière Valin, on se délecte du bon pain de ménage de Marguerite, des œufs à la coque, du beurre d’habitant, des carottes, des radis. Il y a même du fromage qu’Épiphane a fait selon une méthode apprise à Saint-Alexis de la Grande-Baie. On buvait l’eau de la rivière, fraîche et limpide.

 

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Ouais, on ne fait pas pitié.

Le vin, c'est pour qui?

 

 

 

Ah la belle chute où la truite mouchetée était vraiment grosse. Cette chute, on le sait, est devenue célèbre, si bien que maintenant elle est représentée sur toutes les cartes. Et qui prend toujours la plus grosse truite? C’est Léa. Elle est la plus douée et la plus attentionnée aussi. Les plus jeunes préférent jouer dans l’eau et Joseph manque un peu de technique. Ces journées sont les plus heureuses.

 

Léa pêche dans la Valin.jpg


C'est vraiment toi, Léa?

 



26/11/2022
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