2016-01-22-La grande histoire-Jean-Marc et le carnaval
La vie est relativement belle sur l'Isle-aux-Coudres. Jean-Marc, ses frères et sœurs et Cécile s'occupent de la terre de Charles. La production de patates est toujours l'occupation familiale. Jean-Marc met beaucoup d'énergie dans son jardin et a délaissé les activités aériennes. Il aime toujours innover dans la préparation des repas de sa famille. Alors voulez-vous connaître l'origine de la tourtière du Saguenay-Lac St-Jean?
Un jour, alors qu'il a 18 ans, couché sur la plage en avant de chez eux avec son frère complice, François, il aperçoit une volée d'oiseaux de 6 kilomètres de long par 1,5 kilomètres de large (pas les oiseaux, la volée). C'est une nuée d'oiseaux qui volaient si serré que le ciel et le soleil en étaient obscurcis.
Une nuée d'oiseaux sur l'Île
Ils sont des milliers qui viennent atterrir sur le terrain de l'air-porc et je n'exagère pas. Jean-Marc court chercher sa puise à éperlans et s'approche du terrain d'atterrissage. Il réussit à en attraper au moins 30 en un quart d'heure. Il leur casse le cou et les dépose en tas. François va chercher une poche de farine vide que Marianne avait laissé dans la charrette à Jean-Marc.
La puise à éperlans de Jean-Marc et la poche féminine de farine de Marianne
Les deux comparses déposent les dépouilles dans la poche et retournent à la maison. Ce sont des espèces de pigeons mais plus petits et plus gracieux. Il apprendra plus tard de ses amis indiens, que ces pigeons sont en fait des tourtes. Ce sont des oiseaux migrateurs qui volent vers le sud pour l'hiver. Mais c'était la première fois qu'on en voyait sur l'Île et on n'y voyait pas plus de perdrix ou de pigeons d'ailleurs.
Tourte
le petit d'une tourte n'est pas une tourterelle, c'est un œuf
Jean-Marc qui avait une imagination fertile et des patates en masse regarda son filet et vit dans les mailles une façon nouvelle de couper les patates: en cubes. En pensant à Marianne qui s'en va au moulin pour y faire moudre son grain, il décide de faire de la pâte et de la fourrer (ai-je besoin de préciser?) avec des patates en cubes et des tourtes. Et c'est ainsi que la tourtière est née.
Mailles carrées et patates ajoutées à pâte fourrée égalent tourtière.
Marianne, viens manger.
Malheureusement, le dernier spécimen de la tourte disparaîtra en 1914, dans un zoo de Cincinnati à cause de la bêtise humaine. Heureusement, la tourtière survivra jusqu'à nos jours en migrant vers le royaume du Saguenay et Lac St-Jean.
À l'hiver 1769, Jean-Marc, alors âgé de 20 ans et François de 17 ans empruntèrent le canot à glace de leur père pour se rendre à Québec. La raison de ce voyage était d'aller au carnaval de Québec. Bien sûr en ce temps là, la fête n'était pas aussi bien organisée mais il y avait bel et bien une fête d'hiver en Nouvelle-France qui précédait les privations du carême. Le carême est une période de 40 jours de jeûne qui précède le dimanche de Pâques. C'est un peu mêlant, j'avoue, mais disons que le carême pour les catholiques, c'est un peu comme le ramadan pour les musulmans.
À gauche: représentation du carême catholique; à droite: représentation du ramadan musulman
Pâques, c'est le jour de la résurrection du Christ, et non ce n'est pas le quatrième film de Alien.
C'est pas la même résurrection
Comme Pâques tombait le 26 mars, si on recule de 40 jours, il faut avoir terminé les festivités au plus tard le 16 février qui est le mercredi des cendres. C'est là que les frères Desmeules débarquèrent à Québec le mercredi 9 février pour participer à la course de canots sur glace du samedi. Et ils la gagnèrent facilement. Ben voyons, c'est Charles qui l'avait inventée.
Jean-Marc et François, vainqueurs
La grandeur de la photo est inversement proportionnelle à la modestie des Desmeules
Avoir 20 ans à Québec dans le temps du carnaval, c'est bien le temps de fêter. Et les deux Desmeules se retrouvèrent à peu près au même endroit où Ti-Jos (nom intime de leur grand-père Joseph) avait pris sa première brosse canadienne: près du bassin Louise. La soirée fut très éthylique mais le lendemain, nos jeunes gaillards sont en pleine forme et vont assister à une drôle de compétition: le curling.
Curling est un mot anglais signifiant faire des boucles
La guerre est terminée mais il reste encore beaucoup de soldats dans la colonie. Ce sont les soldats du régiment Frazer Highlanders de l'armée britannique qui ont introduit ce sport en Nouvelle-France. Ce sont ces soldats écossais, ceux qui ressemblaient à des fillettes avec leur jupes qui ont combattu avec Wolfe sur les plaines d'Abraham et ceux-là mêmes qui ont probablement tué Charles, le père de nos fêtards. Heureusement pour eux, ils ne s'en rappellent pas.
Les Frazers Highlanders
Pour pratiquer leur sport, les soldats écossais faisaient fondre des boulets de canon et jouaient sur la rivière Saint-Charles, tout près du bassin Louise.
En Écosse, le sport se pratique avec des pierres,
en Nouvelle-France, le sport se pratique avec des fers.
Ils avaient la forme de bouilloires et pesaient entre 60 et 80 livres. Aujourd'hui, ce serait interdit par la CSST.
On reconnait la forme du boulet de canon
Jean-Claude et François apprirent à jouer au curling avec les écossais mais ils comprirent très vite que le jeu était un prétexte à prendre des "shots" de whisky et ils étaient très bons, les shots et non les joueurs.
J'aime le curling
Sur leur île natale, les jeunes Desmeules étaient plutôt à l'abri des grandes tragédies de ce monde. Malgré les festivités du carnaval, ils apprirent une bien triste nouvelle: le génocide des amérindiens. Après la guerre, la chute de la Nouvelle-France laissait la plupart des autochtones à la merci des Britanniques, qui rendirent caduques toutes les alliances franco-américaines. Les iroquois en profitèrent pour se payer en pillant les villages algonquins, amis des français. Le chef outaouais Pontiac rassembla une coalition de tribus autochtones et détruit tous les postes de la région des Grands Lacs. Mais les autorités britanniques ne firent pas de quartier: la répression fut sanglante et pénible. Le général Amherst proposa de contaminer des couvertures à petite vérole et de les distribuer aux Indiens, afin de les rendre malades et de les faire mourir. Les Britanniques connaissaient bien la faiblesse immunitaires des autochtones. L'épidémie qui suivit fut alors le premier cas de guerre biologique recensé en Amérique du Nord. Très rapidement, les autochtones seront non seulement exclus de tout rôle social, mais géographiquement isolés, et vivront dans la pauvreté et la misère, parqués dans des "réserves". Même la plupart des Iroquois plièrent bagages et immigrèrent vers les Treize Colonies, sauf à Sault-Saint-Louis (aujourd'hui Kahnawake) et à Oka (Kanasatake), plutôt que de s'installer sur le territoire de la nouvelle province de Québec.
Le génocide du peuple indiens
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