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Août 1759, Charles est mort au combat en voulant protéger ses compatriotes de l'Isle-aux-Coudres et de Baie-St-Paul. Les anglais se dirigent sur Québec avec l'intention de prendre possession de la Nouvelle-France. Il n'y plus beaucoup d'espoir devant cet envahisseur puissant, surtout que les Canadiens n'ont plus le support des Français.

Les anglais envahissent Québec

La famille Desmeules n'a pas la vie facile. Cécile devient veuve avec 7 enfants à faire vivre. L’aîné des garçons, Jean-Marc n'a que 11 ans à la mort de son père. Il est son deuxième enfant mais il lui revient un peu le rôle du chef de famille. La vie est très dure envers lui. Il a perdu sa maman Scolastique à 7 ans, emportée par la picote. L'année d'après, son père lui présentait sa deuxième maman: Cécile. Ainsi va la vie.

 On reconnait Jean-Marc, Cécile, son bébé et des voisins

Après la bataille de Baie St-Paul, les habitants de l'Île sont apeurés. Il y a des soldats anglais un peu partout. Ils se sont installés dans plusieurs maisons des habitants forçant les familles à aller vivre chez des voisins. Le mois d'août 1759 se vit dans une grande tristesse chez les Desmeules. Que peut-on faire quand le pilier de la famille nous a quitté laissant la mère avec un petit bébé de 1 mois. Comment 1 mois? Il n'est pas né en avril le petit Jean-Baptiste? Non, l'histoire s'est trompé. On l'espérait en avril mais la gynécologie du temps était plutôt approximative et c'est pour le 24 juin que l'on paria sur sa naissance. On a choisi son nom en l'honneur de cette grande fête de la St-Jean-Baptiste mais finalement, il est venu au monde en pleine fête des Français, le 14 juillet. En tous cas, ce n'était qu'un petit bébé pendant les douloureux événements de la guerre.

 On fête la St-Jean-Baptiste sur l'Isle-aux-Coudres

Les anglais poursuivent leur combat jusqu'à Québec. Montcalm, qui est en charge de protéger la ville, livre une féroce résistance à la grande armée anglaise. Ses quelques soldats et une poignée de canadiens déterminés vont livrer un combat épique. Mais ils devront capituler. La Nouvelle-France est perdue.

 Wolfe a gagné la bataille des plaines d'Abraham mais il a perdu la vie

Beaucoup de Français quittent le Canada et s'en vont en Guyane (c'est dans le sud où il fait chaud). Si Charles avait été poltron, au lieu de défendre son patrimoine, il aurait préservé sa vie et il se serait peut-être poussé dans le sud avec les Français et nous on boirait des pina coladas.  Bon, on ne refera pas l'histoire.

 Non mais on l'a tu perdu la guerre?

Après la défaite, il faut signer un contrat. On appelle ça un traité de reddition. Dans les circonstances, les anglais se montrent magnanimes, à moins qu'ils ne soient tout simplement pragmatiques. Dans ce traité, on laisse la liberté de culte aux Canadiens (la foi catholique), le respect du droit de propriété (on garde nos terres) et la liberté des combattants (ceux qui ont fait la guerre ne sont pas faits prisonniers). Bon, ce ne sera pas observé à 100% mais c'est quand même bon.

C'est dans ce contexte que la famille Desmeules reprend sa terre. Cécile réalise bientôt, que les habitants de l'Île sont très solidaires et, surtout, qu'ils sont surtout très reconnaissants envers Charles qui les a défendus contre l'envahisseur. Tous et chacun viennent aider la famille de leur héros. La terre ne produit que des patates, fameuses, ne l'oublions pas. C'est l'automne et il faut les récolter. Jean-Marc est jeune, mais comme tous ceux de sa lignée, il fait preuve d'une grande détermination et d'autorité. Il aide à organiser le travail des bénévoles. Avec l'accord de sa mère, il prépare des sacs de patates pour récompenser les gens venus les aider. Lorsque l'hiver arrive, la famille Desmeules a des provisions. L'étable abrite 3 vaches, 4 cochons et une cochonne, 1 cheval et une dizaine de moutons. C'est dans ces conditions que la famille de Charles passera l'hiver.

La cochonne

Pendant que la famille hiberne, faisons un aparté pour bien comprendre l'endroit où se situe la terre des Desmeules. Lorsque Joseph Savard, le premier habitant, arriva sur l'île, il s'installa tout près de l'endroit où les embarcations accostaient. Cet endroit, c'est la Pointe de l'Ilette située à l'extrémité ouest de l'île. C'est du côté de Québec. Rappelez-vous de l'endroit où Charles pêchaient lorsque Scholastique tomba à l'eau. Cette partie ouest de l'Île fut divisée en lots orientés de l'ouest vers l'est. C'est une de ces terres que Joseph Savard s'appropria du Grand Séminaire de Québec. On donna le nom de Côte à la Branche à cet ensemble de lots. La partie de l'Île située du côté sud fut divisée en lots orientés du sud vers le nord. On lui donna le nom de Côte à la Baleine et vous savez pourquoi, n'est-ce-pas?. Le premier lot situé à l'ouest et donc collé à la Côte de la Branche, c'est la terre que Charles avait achetée. Vous êtes mêlés, je le sens. Une image valant mille mots, regardez le dessins suivant:

La division des lots en 1759

Le lot numéro 6 est celui de Joseph Savard et le lot numéro 17 est celui de Charles Desmeules. On peut voir que la terre de Charles est à angle droit avec celle du beau-père. On peut voir aussi qu'ils sont voisins car les terres se touchent. Parlant de voisins, permettons-nous un petit commérage. Le lot 24 appartient à François Bouchard. Cécile ne le sait pas encore et lui n'ont plus d'ailleurs, mais François viendra très souvent lui offrir son aide. Et ce qui devait arriver, arrivera. Mais revenons sur terre ou plutôt à la terre. Si vous venez nous visiter sur l'île, prenez une marche vers l'ouest, à droite en quittant notre maison, et rendez vous jusqu'à la prochaine rue à droite. La terre de Charles est juste là. Tant qu'à y être, aller voir celle de François Bouchard, elle est de l'autre côté du chemin de la Traverse. à environ 500 mètre. N'oubliez pas que dans ce temps-là, le trajet se faisait à pied ou à cheval.

La terre de Charles est en blanc et notre maison est la puce jaune

Voulez-vous arpenter la terre de Charles? Elle mesurait 4 arpents de large face à la mer et 50 arpents de profondeur. Qu'est-ce qu'un arpent? C'est une unité de surface. Bon j'entends les lecteurs rouspéter parce qu'une surface n'est pas une longueur. Expliquons-nous. L'arpent de surface correspond à 100 perches carrées. Une perche vaut 18 pieds de longueur. Donc une perche carrée correspond à 324 pieds carrés et alors un arpent vaut 32 420 pieds carrés. Mais un arpent est aussi une mesure de longueur qui vaut 192 pieds. En Nouvelle-France de l'époque, un arpent de longueur correspond à 10 perches soit 180 pieds. Cependant, en France, un arpent correspond à 220 pieds de roi. Ce qui nous fait croire, après un petit calcul, que les pieds de Louis XIV mesuraient 9 pouces et 3/4 ou 24,9 centimètres. À titre de comparaison, mes pieds mesurent 11 po ou 28 centimètres. Maintenant, vous êtes en mesure d'évaluer les dimensions de la terre de Charles. C'est bien ça, elle mesure 720 pieds de largeur par 9 000 pieds de longueur ou 220 mètres de largeur par 2 743 mètres ou 2,7 kilomètres de profondeur.

Mes pieds et les pieds du roi

Laissons l'hiver effacer cette mauvaise année 1759 et pensons plutôt à la nouvelle année 1760 qui commence. Oublions François aussi car il n'est pas prêt et Jean-Marc a besoin de toute notre attention.

Comme disait un personnage dans Candide de Voltaire: "Ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige". Comme disait un personnage de la Guerre des Tuques: "La guerre, la guerre, c'est pas une raison pour se faire mal".

Quelques arpents de neige

À l'année prochaine!