pharamen

pharamen

2024-12-20-La grande histoire-Appendice T-Payer sa lumière

À cette époque, nous n’étions pas riches. C’est moins difficile à dire par une négation que de dire carrément que nous étions pauvres. Je vois encore maman se désoler de ne pas pouvoir m’acheter l’auto rouge que j’avais vue dans le catalogue de Simpson Sears parce qu’il fallait qu’elle paye sa lumière. Je comprenais très bien son désarroi mais je ne comprenais pas pourquoi elle disait : « payer sa lumière ». C’est l’électricité qu’il faut payer, maman.

 

1-Sears.jpg


Oui, il était en anglais.

 

 

Maman vient d’une autre époque. Nous avons quarante ans de différence d’âge. Moi, je n’ai pas connu l’avènement de la lumière; j’ai toujours vécu dedans. Pour maman, c’est très différent car lorsqu’elle était enfant, la lumière venait d’une lampe à l’huile qu’on appelait lampe à pétrole. Parfois la lumière venait d'une simple chandelle et maman connaissait très bien le lumignon et sa lumière blafarde.

 

lampe aladdin.jpg


Une belle lampe Aladdin.

C'est celle du curé, pour nous c'était hors de prix.

 

 

Un jour, vers l'an 1920, pepére Nolet a fait installer l’électricité dans sa maison de la Beauce. Maman n’était qu’une enfant encore  lorsqu’elle a vu la lumière arriver dans la cuisine. La lumière, c’était une ampoule de verre suspendue à un fil qui courait sur le plafond et descendait sur le mur pour sortir dehors jusqu’aux poteaux de la Shawinigan Water and Power Company. Cette compagnie vendait l’électricité qui faisait fonctionner l’ampoule. Et c’est comme ça que maman a appris à « payer sa lumière », l’électricité ne servait à rien d’autre.

 

3-Ampoule.jpg

La lumière, c'était ça.

Pepére Desmeules a été plus chanceux. Après son séjour à Metabetchouan, il est revenu vivre à Valin en 1901. Il a été émerveillé de voir que la maison familiale fût éclairée par une ampoule électrique. Ben voyons donc, c’est petit Valin, il n’y a que quelques maisons et pourtant elles ont de la lumière et on parle d’une vingtaine d’années avant que celle de maman n’arrive dans sa Beauce natale. L’explication vient du fait qu’à Valin, il y a la rivière juste au bout des terres de la ferme et une belle chute qui a permis la construction d’un barrage. L’installation d’une génératrice d’électricité a permis de fournir l’énergie aux ampoules installées dans les maisons à proximité.

 

3a-dynamo.jpg


C'était une dynamo

 

 

Pour ces gens imbus de religion catholique, actionner la « switch » sur le mur pour faire jaillir la lumière était un vrai miracle. Alexandre Maltais, le prêtre de la famille et oncle de pepére Desmeules, fraichement sorti du cours classique, se plaisait à dire : « fiat lux et facta est lux ». C’est du latin qui se traduit par : « que la lumière soit et la lumière fût ». Du haut de ses connaissances et avec un soupçon de condescendance, il expliqua que c’était la première parole de Dieu lorsqu’il a créé la lumière le premier jour de la création du monde.

 

4-Fiat lux.jpg


Que la lumière soit et la lumière fut

 

Trêve de bondieuserie, c’était toute qu’une invention celle de l’ampoule électrique. Il faut s’imaginer, qu’avant, les gens s’éclairaient avec des chandelles en suif. Cette graisse qui brûlait dégageait une méchante boucane noire qui empestait les maisons et faisait jaunir les murs. Après on utilisait des des lampes à l’huile (lampe à pétrole). Elles sont faites d’un réservoir contenant le combustible, d’une mèche et d’un globe de verre.

 

4-lampe à l'huile.jpg


Accrochée au plafond, c'est mieux.

 

Parlant de globe, l’invention de l’ampoule électrique a probablement fait dire par son inventeur : « fiat lux et facta est lux ». C’était vraiment une phrase à succès utilisée lors d’une découverte. L’inventeur de l’ampoule électrique, comme tout le monde ne le sait pas, n’est pas Thomas Edison. Le vrai inventeur est Joseph Swan en 1878. Mais c’est un peu plus compliqué que ça.

 

6-Joseph Swan.jpg

 

Joseph Swan et son invention

 

 

Le début de l’invention de l’ampoule électrique se fait en 1802. Il s’agit d’une lampe à arc électrique. Simplement, deux électrodes de carbone sont branchées à une batterie et un arc électrique se forme pour produire de la lumière. Ce n’était pas très pratique mais c’est un début.

 

7-Arc lamp.jpg


C'est un début

 

 

C’est en 1860 que l’Anglais Joseph Swan réussit à faire briller un filament entre deux électrodes emprisonnés dans un globe de verre dans lequel il a retiré l’oxygène. Le filament est fait avec du papier carbonisé. La lumière vacille beaucoup et après un temps trop court, le globe de verre s’encrasse. Il continue de travailler fort à améliorer son invention et dépose finalement un brevet en 1878.

 

8-brevet.jpg

 

1878, image du brevet.

 

 

C’est là que l’Américain Thomas Edison arrive avec son ampoule électrique munie d’un filament de bambou et fait breveter son invention aux États-Unis en 1879. La chicane pogne entre les deux inventeurs à savoir qui avait inventé l’ampoule électrique. Heureusement, les deux s’associent pour former la compagnie « Ediswan » qui vend des ampoules électriques.

 

9-Edison.jpg

 

1879, Thomas Edison, inventeur de l'ampoule électrique.

Comme dirait Saint-Thomas de la bible: il faut voir pour croire.

 

 

10-Ediswan.jpg

 

Finie, la chicane.


 

L’histoire pourrait se terminer ainsi car certains faits ont été occultés et pas les moindres. Tout comme Alexander Graham Bell, écossais de naissance, américain par la suite et canadien jusqu’à sa mort, n’a pas inventé le téléphone, Thomas Edison n’a pas inventé d’ampoule électrique. Ce sont plutôt deux canadiens de Toronto qui réussissent l’exploit. À la suite des tous premiers travaux de Swan, et par un beau soir d’hiver 1873, ils réussissent à encapsuler un gros filament de carbone relié à deux fils dans un globe de verre rempli d’azote. Henry Woodward et Matthews Evans s’écrient : « fiat lux et facta est lux ».

 

11-Les trois.jpg

 

Edison, le faux inventeur, et les deux canadiens.

 

 

Le 24 juillet 1874, ils déposent leur invention au bureau canadien des brevets. La lumière électrique de Woodward et Evans est homologuée deux semaines plus tard sous le numéro 3738. Deux ans plus tard, ils recevront un brevet américain pour leur invention.

 

Malheureusement, les deux canadiens ne réussissent pas à produire et à mettre en marché leur ampoule électrique par manque de financement. Ils se résignent à vendre leur brevet américain à Thomas Edison pour 5 000 $.

 

Edison est connu pour son mantra : « Le génie, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration ». On pourrait le modifier pour : « Le génie, c’est 1% d’inspiration et 49% de transpiration et 50% de financement. Ce n'est pas de moi celle-là.

 

12-Le génie.jpg


Et l'usurpation, elle?

 

 

La lumière ne vient pas que de l’ampoule électrique, il vient aussi de l’amour. C'est ce que pense Marie-Eugène, un religieux de l'Ordre du Carmel, béatifié il n'y a pas si longtemps.

 

13-L'amour.jpg


La science de Dieu est une science sentimentale.

 



20/12/2024
14 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 63 autres membres