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Quel rapport peut-il bien avoir entre la farlouche et la grande histoire de notre famille? C’est simple, il y a un lien direct. Bon, peut-être ténu, mais je peux bien étirer la sauce et en faire une histoire. Dans la généalogie de notre famille, il n’y a pas que le lien de sang qui nous relie, il y a aussi le lien culinaire.

Le lien culinaire dans la famille

Avant d’aller plus loin, c’est quoi de la farlouche? C’est un mélange de raisins secs, de mélasse et de cassonade qui sert de garniture à la tarte à la farlouche, un dessert typiquement québécois, j’irais jusqu’à dire typiquement saguenéen et j’ose même dire de Terres-Rompues où j’habite. Maintenant que je vous ai mis l’eau à la bouche, il me faut me justifier devant tant de vantardise.

Tarte à la farlouche de Terres-Rompues

Selon certains pseudo-linguistes, le terme farlouche provient de la langue innue (montagnaise). Chez-nous dans notre royaume, on connait beaucoup de termes amérindiens de langue innue comme par exemple, Saguenay, Péribonka, Kénogami, Metabetchouan, Mistassini, Chicoutimi. Mais jamais on ne trouve de mot commençant par « far ». Donc il est peut probable que le terme farlouche vienne de nos amérindiens. Falardeau et Farland ne sont pas des termes indiens, en passant.

En se promenant sur la réserve d'Essipit

Si le terme farlouche ne vient pas de nos amérindiens, la tarte à la farlouche, elle, oui. Car, voyez-vous, pour Alexandrienne Mackenzie, la métis de qui provient mon sang amérindien, la tarte à la farlouche n’avait plus de secret.

Il n'y a plus aucun secret pour Alexandrienne

Alexandrienne, comme on le sait, est mon arrière-arrière-grand-mère. Elle s’est mariée avec François Maltais jr dont l’arrière-arrière-grand-père était né à St-Malo, dans la Bretagne française. Et que retrouve-t-on comme spécialité culinaire traditionnelle? Le far breton, bien sûr, qui est un dessert fait avec des raisins, du sucre et du beurre. Selon certains, la couleur de cette pâtisserie, tout comme celle de la soupe aux gourganes, était douteuse ou, en un autre mot, louche. Et voilà notre far-louche. Il m’est permis alors de croire que le far breton a traversé l’atlantique par le premier Maltais pour se retrouver à Tadoussac chez Alexandrienne.

Un far breton est l'ancêtre de la tarte à la farlouche

Comme François Maltais jr est allé s’installer avec son Alexandrienne Mackenzie à Terres-Rompues, il est presqu’évident que la recette de la tarte à la farlouche a migré de Tadoussac à Terres-Rompues. Comme Alexandrienne a enfanté Kate, la mère de Marie, la mère de mon père, il m’est également permis de croire que lorsque papa était « cook » dans les chantiers de Rosario Morin, il préparait la tarte à la farlouche selon la recette de son arrière-grand-mère.

Papa est dehors pour fumer une Zig Zag,

son "showboy" brasse la farlouche.

Il faut avouer que c’est une belle histoire, n’est-ce pas? Mais elle n’est pas finie. Alexandrienne avait déjà fait un grand frère à Kate et tout comme son père et son grand-père, il porte le prénom de François. C’est un peu difficile à suivre mais ce dernier François a marié Anna McLeod dont le grand-père n’est nul autre que Peter McLeod installé à Terres-Rompues, celui qui a embauché François Maltais, le mari d’Alexandrienne et le père de l’autre. Mais pourquoi s’intéresser au frère de Kate Maltais? C’est parce que comme papa, et bien avant lui, il était « cook » au chantier d’Alex Gagnon et qu’il cuisinait la fameuse tarte à la farlouche de sa mère Alexandrienne. Pis Alex Gagnon, il fait quoi dans notre histoire? Peu de chose, mais c’est lui qu’on a honoré en donnant son prénom au chantier du Père Alex du Carnaval Souvenir de Chicoutimi.

Le carnaval souvenir, quelle époque!

Finalement, c’est quoi une tarte à la farlouche si ce n’est qu’une simple tarte aux raisins? Non, il y a une très grande différence. Le principe est d'épaissir un sirop sucré avec de la farine de maïs, d'ajouter du gras pour rendre le mélange onctueux et de parfumer avec les fruits et les noix que nous avons sous la main. Et ça c'est vraiment une recette de base amérindienne, celle d’Alexandrienne. À cette époque, on utilisait de la mélasse et de la cassonade pour faire le sirop car on ne connaissait pas le sucre raffiné d’aujourd’hui et ces produits provenaient des Caraïbes françaises. Pour agrémenter le tout, on rajoutait des raisins secs. La tarte aux raisins, elle, c’est fait avec du sucre blanc raffiné, du beurre, de la cannelle et même un peu de vinaigre. À elle aussi on rajoutait des raisins secs. Attention pour ceux qui aiment la tarte au sucre traditionnelle, la tarte à la farlouche est beaucoup plus sucrée tel que spécifié dans le livre de recettes de la mélasse Grandma.

Une tarte aux raisins, c'est pas pareil!

Il n'y avait pas de bouchon de plastique dans ce temps-là.

Et les grammes, on ne connaissait pas ça.

Et en guise de conclusion, sachez, que comme le prouve cette photo de 1961, une des spécialités de la boulangerie La Huche Sans Pareille, était la tarte à la farlouche, comme on le voit affichée sur le côté de l’hippomobile de livraison stationnée en face du manoir Champlain. Gisèle demeure là mais la belle maison qu’on aperçoit a été détruite pour faire un stationnement pour l’auto de Rénald. Quelque chose me dit que la recette venait d’Alexandrienne, parce que cette boulangerie était située dans la côte du Parasol à Rivière-du-Moulin et en contrebas, on peut voir la rivière du Moulin où existait jadis le moulin de Peter McLeod, fils de Peter McLeod de Terres-Rompues. Tout est lié.

Le manoir Champlain, chez Gisèle maintenant.

La tarte à la farlouche est sans pareille