pharamen

pharamen

2024-01-05-La grande histoire-Une grande peine et la vie continue

En ce début d’année 1898, après son mariage avec la belle Anna, Jos est vraiment heureux. Il a beaucoup d’assurance et il voit l’avenir avec enthousiasme. Il s’occupe de la ferme des Larouche avec entrain et se sent vraiment important comme membre de la famille. Quelques temps après le mariage, Anna a des saignements et est très inquiète. Malgré tous les soins que sa mère et Jos lui prodiguent, elle fait une fausse couche. Son corps rejette le fœtus. Jos part chercher la sage femme du village pour donner les soins appropriés. Elle fait le nécessaire pour qu’elle se remette de l’épreuve physique et recouvre la santé mais aussi pour lui redonner le moral. Elle la rassure du mieux qu’elle peut et lui dit que la vie va certainement lui permettre d’enfanter. Ce n’est pas un problème exceptionnel car les fausses couches sont assez fréquentes. L’avortement ne laissera pas de séquelle physique mais elle a besoin de support moral. Jos est vraiment peiné et partage sa douleur avec une grande compassion. Avec délicatesse, il la regarde dans les yeux et plein d’amour et de détermination, il lui dit qu’ils se reprendront avec la grâce de Dieu.

 

1-fausse couche.jpg


Il faut se reprendre, les amoureux.

 

 

Avec Jos à ses côté et sa bienveillance amoureuse, Anna se remet rapidement sur pied. Jos s’encourage dans son travail à la ferme et il est heureux de subvenir aux besoins de sa femme, de sa belle-mère et ses trois enfants en bas âge. La bonne humeur revient, l’hiver passe et le printemps s’annonce. Il n’y a pas que le printemps qui s’annonce, une nouvelle plutôt intrigante lui parvient de Valin. Le curé Roussel du village de Sainte-Anne est décédé le 12 avril de cette même année 1898.

 

2-curé mort.jpg


Il n'est pas reconnaissable

 

 

Mais ce n’est pas ça le plus gros de la nouvelle. Il apprend que la terre de Valin sur laquelle il est venu au monde et où il a vécu jusqu’à son exil n’appartenait pas à son père mais au curé David Roussel. Il apprend aussi que ce dernier, par testament, lègue la moitié de la terre à Épiphane. Jos est abasourdi, lui qui a toujours cru que la terre appartenait à son grand-père Alexandre Maltais et que son père en avait héritée. Mais alors, à qui appartient l’autre moitié et pourquoi son père hérite-t-il de la terre d’un curé alors qu’il le croyait propriétaire?

 

3-terre.jpg


C'est bien ce que Jos pensait

 

 

C’est une histoire qu’il faudra approfondir sauf que ce n’est pas important pour le moment. Jos préfère vivre son amour et le partager avec sa bien-aimé Anna. D’ailleurs, en septembre, elle lui confirme qu’elle est à nouveau enceinte. Le bonheur de fonder une famille bien à lui revient avec tous les espoirs. Jos prend racine à Saint-Jérôme et apprécie la vie sur le bord du lac Saint-Jean.

 

4-enceinte-b.jpg


Cette fois, ce sera la bonne.

 

 

Pendant ce temps, l’industrialisation prend de plus en plus d’ampleur partout au pays. Tout comme le temps des fourrures a décliné, celui des scieries arrive à son apogée. Par contre celui de la pâte à papier journal prend beaucoup d’essor. Sur la rivière Saint-Maurice, un autre gros affluent du fleuve Saint-Laurent à l’ouest du Saguenay, l’industrie de la pulpe est déjà bien implanté à Grand’Mère où elle bat son plein depuis près de dix ans. N’oublions pas qu’à Chicoutimi, la Pulperie de Chicoutimi vient de commencer sa production elle aussi.

 

5-pulperie.jpg


C'est l'époque du papier journal

 

 

Ce qui démarque maintenant, c’est l’apparition de grosses centrales hydroélectriques qui va permettre à beaucoup d’industries de s’implanter. Ce premier noyau se réalise sur les chutes de Shawinigan juste un peu au sud de Grand’Mère où la compagnie Shawinigan Water and Power Company a débuté la construction d’une centrale d’électricité mais là, on parle d’une grosse centrale. L’objectif est d’attirer l’implantation de grandes industries utilisant l’électricité.

 

6-shawinigan falls.jpg

 

Belles chutes de Shawinigan

 

 

C’est par cette compagnie que la ville de Shawinigan Falls est créée et qui deviendra Shawinigan. Pour la petite histoire, Louis-Joseph Forget, sénateur, investit dans cette entreprise et investira aussi dans une autre compagnie, la Montreal Light Heat and Power avec son neveu Rodolphe Forget que l’on connait pour avoir contribué à la réalisation du train de Charlevoix et du domaine Forget. Pour la plus petite histoire encore, Danyèle Julien, épouse de Côme Desmeules, petit-fils de Jos, est originaire de Shawinigan.

 

7-shawinigan falls city.jpg


Grosse ville, ça, Danyèle!

 

 

À la fin du mois d’août, Jos reçoit une lettre de sa mère lui annonçant une bien mauvaise nouvelle qui a secoué le village, un véritable sinistre s’est abattu principalement à Valin. Dans le milieu du mois, à l’heure du dîner, un cyclone d’une grande violence s’est abattu sur la rive nord du Saguenay. Une véritable tornade a commencé à Shipshaw et s’est rendue jusqu’à Saint-Fulgence sur une distance de 35 kilomètres. Elle tourbillonnait avec des vents et une grêle impressionnante sur une largeur de 1 kilomètre, si bien que tout a été détruit sur son passage : le grain qui arrivait à sa maturité, les légumes et même les clôtures. Plusieurs fermes ont été sévèrement touchées, dont celle de la famille Desmeules. En conséquence, il n’y aura pas vraiment de récolte pour nourrir les bêtes et même pas de pailles. Les autorités ont demandé de l’aide au gouvernement pour aider les sinistrés. Épiphane est accablé. Heureusement, le mois suivant, une autre lettre annonce une meilleure nouvelle. Le gouvernement a décidé de compenser une partie des pertes des sinistrés et Épiphane reçoit un montant de 300 dollars qui devrait lui permettre d’acheter des minots de grains pour ses animaux.

 

8-grêle.jpg


C'est un désastre dans le jardin

 

 

La vie continue et la belle Anna poursuit sa grossesse avec beaucoup plus d’aisance que pour la première fois, si bien que Jos peut se permettre d’aller bûcher au lac Bouchette comme il y a deux ans. En hiver, le travail à la ferme est beaucoup moins entreprenant et la belle-mère peut s’occuper des vaches alors qu’Anna s’occupe de tenir maison. Ce travail de bûcheron est beaucoup plus payant que la ferme et Jos compte bien là-dessus pour arrondir son début d’année, c’est-à-dire l’année 1899. Cette fois, il profite du congé de trois jours du mois de février accordé par la compagnie de monsieur Jalbert pour retourner chez lui. Anna est bien ronde et elle va accoucher bientôt. Il décide alors de rester auprès d’elle trop inquiet d’être loin de son amour lorsqu’elle accouchera.

 

9-enceinte.jpg


Elle est toute ronde et si jolie

 

 

Il a bien fait car quelques semaines après, le 14 mars, alors qu’Albert Einstein fête ses vingt ans, Anna met au monde une petite fille, la première petite Desmeules de la lignée d’Épiphane. On se dépêche de la faire baptiser le jour même et c’est toujours une cérémonie toute simple de célébrer un baptême. On se rend à l’église avec la porteuse, le parrain et la marraine, les parents proches sauf Anna qui demeure à la maison pour récupérer de son accouchement. C’est tante Exarine qui s’en occupe. Dans un geste très solennel, le prêtre, assisté d’un enfant de chœur, bénit un plat rempli d’eau. Il se recueille, ferme les yeux et chuchote des paroles incompréhensibles en latin pour faire fuir Lucifer. De sa main qui se fait celle de Dieu, il puise un peu de cette eau bénite et la verse délicatement sur la tête de la pouponne assoupie. Evelina, car c’est le prénom qu’on lui donne et qui signifie "petite biche", se met à frétiller énergiquement et à pleurer de colère. Même si c’est un passage obligé, Jos est sur la défensive, prêt à enlever son bébé de cette souffrance qui doit la faire entrer dans la religion catholique. De retour à la maison, Jos est très fier de sa petite fille et lui prodigue beaucoup d’affection. Dans les jours qui suivent, le plus souvent possible, c’est lui qui la berce pour l’endormir et avant de la déposer dans son berceau, il prend plusieurs minutes à écouter sa respiration et à contempler sa douce béatitude.

 

10-Évelina.jpg


Jos est attendri à contempler son bébé

 

 

La vie s’écoule doucement pour Jos et Anna. L’été se termine, la petite Evelina profite bien et fait le bonheur de ses parents. Elle est âgée de 6 mois quand Anna annonce une bonne nouvelle à Jos. Il sera père pour une deuxième fois. Les parents sont comblés et savourent la chance qu’ils ont.

 

Pendant ce temps, tout semble bien tranquille au pays. Lequel? Le Canada ou la province de Québec? Les deux, en fait, sauf qu’un nuage vient assombrir cette tranquillité : une guerre. Celle qu’on appelle la guerre des Boërs et qui se déroulera très loin de chez-nous dans un pays qu’on appelle Afrique du Sud. Même si elle est loin, cette guerre vient déranger la population canadienne et enflamme le monde politique. Le conflit oppose l’Angleterre et le pays au sud de l’Afrique qu’on appellera naturellement Afrique du Sud. En 1899, les habitants de ce pays sont les Boers. Il n’y a pas de tréma sur le « e » et la prononciation est « bours » parce que c’est un mot Néerlandais (Hollandais).

 

12-Guerre des Boers.jpg


Encore la guerre

 

 

Pour bien comprendre cette histoire, il s’agit de faire un parallèle avec notre propre histoire. Pendant que les Français venaient s’établir au Canada au 17e siècle parmi les Indiens, les Néerlandais (Hollandais), les Allemands et aussi les Français allaient s’établir en Afrique du Sud parmi les Noirs. Pendant que les Anglais envahissaient notre pays, ces mêmes Anglais envahissaient l’Afrique du Sud. S’ils nous réduisent à la province de Québec, ils réduisent les Boers à la république du Transvaal. Tout comme les Québécois possèdent les fourrures comme richesse naturelle, les Boers possèdent des mines d’or.

 

L’appât du gain stimule les envahisseurs anglais mais pour envahir l’Afrique du Sud et faire la guerre, il faut un prétexte. C’est le meurtre d’un Anglais par la police des Boers, suite à une bataille qui, monté en épingle, sert de prétexte. La guerre est déclarée le 11 octobre 1999.

 

13a-Or empire sang.jpg

 

 C'est toujours comme ça

 

 

13b-Afrique du Sud.gif

 

C'est comme ça que le Transvaal est devenu, comme le Québec,

une province britannique.

 

 

Pour faire la guerre et s’accaparer d’un pays et de ses richesses, l’Angleterre a besoin d’argent, de vivres et de soldats (chair à canons). Elle demande à ses dominions, dont nous, le Canada, de collaborer. C’est là que Wilfrid Laurier, notre premier ministre fédéral, le licheu de cul à Victoria, reine d’Angleterre, ayant l’appellation de « Sir » et qu’on voit sur les billets de banque de cinq dollars, décide que le Canada ne participerait pas « activement » à cette guerre, comme lui demandait sa mère-patrie. Ratoureux comme le maudit, Laurier s’en remet à la constitution pour justifier sa décision. Encore une fois les citoyens sont divisés; les Canadiens-Français ne le trouvent pas assez rigide et voudraient empêcher que des soldats, même volontaires, soient envoyés au front alors que les Canadiens-Anglais voudraient qu’il soit plus « impérial » et qu’il envoie des troupes militaires pour défendre l’Angleterre. Comment peut-on défendre un offenseur? C’est plutôt défendre les motivations d’un envahisseur.

 

14-Laurier.jpg


Guedoune! Et ce n'est pas un compliment.

 

 

C’est ainsi que le 30 octobre, après un défilé à Québec, un premier régiment de volontaires composé de militaires anglophones et francophones part pour l’Afrique du Sud. Les soldats anglophones font partie du RCR, le Royal Canadian Regiment et ils ont le droit de porter le monogramme VRI sur leur chapeau qui signifie Victoria Regina Imperatrix, en latin à part ça. Quant aux soldats francophones, ils font partie du 65e bataillon, créé trente ans auparavant pour devenir le nouveau régiment francophone de Montréal mieux connu sous le nom de Mount Royal Riffles. (Notre histoire est vraiment ironique, un nom anglais pour un régiment francophone). Plus tard, un deuxième régiment partira le 20 décembre. On peut supposer que le réveillon de Noël s’est fait à fond de cale sur un bateau navigant quelque part sur l’Atlantique.

 

15a-Bataillon au départ.jpg


Reviendront-ils?

 

 

15b-VRI.jpg

 

VRI et ils en sont fiers!

 

 

L’envahisseur anglais a gagné sa guerre et son or en mai 1902. Il y a eu 267 Canadiens morts au combat dont 12 Canadiens-Français, 22 000 soldats anglais dont 8 000 au front et 14 000 de maladie. Pour mettre un point à cette guerre, les Français en ont mis deux sur le « e » de Boers et c’est devenu Boërs qui se prononce « bo-ères ». Aujourd’hui le tréma est disparu.

 

16-Officiers fiers.jpg


Contents, les généraux ont gagné la guerre.

 

 

Jos, d’un tempérament pacifique, se désole qu’on fasse la guerre. Pendant que les Anglais sont en train de voler un autre pays, lui, qui est toujours friand de lire le journal, apprend une nouvelle fantastique. Un certain monsieur Dandurand circule avec une automobile dans les rues de Montréal. C’est la première fois qu’on voit ça. En lisant l’article, il apprend qu’une automobile c’est une voiture qui n’a pas de cheval pour la tirer. À la place, c’est un moteur qui fait tourner les roues. Il avait déjà entendu parler d’une voiture à moteur électrique mais là, c’est un moteur à vapeur comme dans les locomotives. Jos est vraiment émerveillé et il lit l’article au grand complet. Le monsieur Dandurand en question s’est promené dans les rues le 21 novembre et l’expérience s’est répété le lendemain pour tous les curieux qui voulaient voir ça.

 

17-Dandurand et sa famille.png


Monsieur Dandurand et sa famille dans leur automobile

 

 

Monsieur Dandurand s’est procuré cette automobile chez la compagnie Waltham du Massachusset au prix exorbitant de 600 $. L’automobile a été livrée à monsieur Dandurand avec un mécanicien qui passa deux mois avec lui pour lui donner la formation, surtout à réagir promptement lorsqu’il croisait des voitures à chevaux. La Waltham possède un moteur à vapeur à deux cylindres qui actionne les roues à l’aide d’une chaîne comme sur une bicyclette. La vitesse peut atteindre 40 km/h mais monsieur Dandurand ne roule jamais plus qu’à 7 km/h. Elle peut rouler pendant 150 km avant de devoir remplir les réservoirs d’eau.

 

18-Waltham_19XX_6HP.jpg


Une vraie Waltham 

 

 

Malgré l’exploit de monsieur Dandurand, la plupart des gens doutent que ce moyen de transport durera. Les gens s’extasient mais ils sont sceptiques. Beaucoup plus tard, en 1906, monsieur Dandurand désire un permis comme pour ceux des voitures à chevaux. On finit par lui accorder une « licence » qu’il pait 1 $ et il peut fièrement peindre le numéro Q1 à l’arrière de son automobile. L’immatriculation était née.

 

19-immatriculation.jpg


"Une licence de char" comme on disait.

 



05/01/2024
12 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 63 autres membres