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La mort du petit Edmond accable beaucoup la famille Desmeules. La maison n’est pas terminée, il reste encore beaucoup de travail à faire à l’intérieur en cet hiver 1888. Il faut fermer la chambre des filles car Léa est maintenant adolescente et a besoin d’une certaine intimité. Joseph adore travailler à la finition de l’intérieur de la maison et délaissant les travaux de la ferme, il accomplit avec enthousiasme la pose des planches de lambris.

C'est beau Joseph mais ça fait pas mal de bois

À tous les jours, cependant, avec Léa, il doit aller voir sa grand-mère Justine qui, par sa vocation d’institutrice, leur donne des cours de français. Le plus surprenant, c’est que Joseph aime ça. Pour se perfectionner, il essaie de lire les journaux; pour le moment, il se contente de lire les gros titres et de regarder les photos pour comprendre ce qui est écrit en dessous.

Pas beaucoup de photos.

Tu devras apprendre à lire.

C’est comme ça qu’il apprend que le train arrive au lac Saint-Jean. Il est très intéressé par le train mais il ne comprend pas trop la nouvelle et il s’empresse de questionner memére Justine. Elle, qui est au courant de tout grâce aux journaux, lui explique un peu l’histoire du train.

Il y a une dizaine d’années, on a formé une compagnie de chemin de fer pour desservir le côté nord du fleuve à Québec. La compagnie se nomme Quebec and Lake St-John Railway. C’est un nom anglais parce que les grosses affaires, ça se passe en anglais. La compagnie a commencé la construction d’un chemin de fer pour relier la ville de Québec au Lac Saint-Jean. L’année passée, le train était rendu au lac Bouchette et il continue sur sa lancée pour atteindre le lac Saint-Jean. Et maintenant c’est à Chambord qu’on voit arriver le train et on le voit de loin. Il fait de la boucane et il fait du bruit. On dira qu’il fait un boucan de tous les diables et un train d’enfer. Ce n’est pas long qu’on parle de prolonger la voie ferrée vers Roberval à l’ouest et vers Chicoutimi à l’est.

Quelque part avant le lac Bouchette

Ce train va changer sa vie, Joseph le sent.

En attendant, le monde continue de tourner et l’année 1889 en est une de grande célébration. En effet, tous les pays sont conviés à participer à l’Exposition Universelle de Paris dont une de ses attractions est la tour Eiffel. L’exposition de Paris est une commémoration de la Révolution Française qui fête ses cent ans. Comme la Révolution Française est le mouvement du peuple qui a fait tomber les têtes royales, beaucoup de pays ayant une monarchie refusèrent d’y participer. On pense, entre autres à l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, etc. et que dire de l’Angleterre. À l’opposé, les États-Unis y sont allés allègrement. Mais le Canada, lui? On ne sait pas trop.

Tu ne la verras pas cette exposition, Joseph.

Moi aussi, j'ai manqué celle de Montréal en 1967.

Et Joseph est toujours intéressé lorsqu’il entend ou voit le nom Eiffel. Il était déjà au courant de la statue de la Liberté à New-York, une construction à laquelle cet ingénieur français avait participé. Maintenant, c’est l’exploit de la tour de mille pieds qui est le clou de l’événement. Elle est la plus haute structure du monde. Un des fournisseurs des ascenseurs est la compagnie américaine Otis. Tous les éléments de structure sont peints en rouge avant montage mais juste avant son inauguration, la tour est recouverte d’une peinture de couleur brun rouge. Dommage.

Une si belle couleur

Et en cette fin d’année, on peut célébrer encore car le 7 décembre 1889, Joseph apprend que sa tante Virginie, la femme de son oncle Luc Maltais, met au monde sa deuxième fille. Elle portera le nom de Déliska, la grand-mère maternelle de Gilberte, Gisèle et Jean-Luc, mon trio fraternel.

Un si beau prénom

Au changement de l’année, Joseph assistera, par l’entremise des journaux,  à une répétition de la pièce « l’Histoire se répète » dont une séance plus ou moins finale sera présentée dans les années 2020.

Commençons par les autos électriques. C’est en 1890, aux États-Unis, que les voitures électriques apparaissent comme un succès. Même si l’auto électrique a été inventée en 1834, il a fallu attendre l’invention de la batterie rechargeable pour obtenir la popularité de cette voiture moderne. À l’époque, elle représente 38% du marché et dix ans plus tard, elle est si populaire qu’elle devient l’auto privilégiée d’une flotte de taxi de New-York. En Europe, une auto électrique belge atteint la vitesse record de 106 km/h.

Pas de bruit, pas de boucane, c'est moderne.

Continuons avec l’immigration. Au Manitoba, la province de Louis Riel, le métis qui voulait conserver son indépendance, sa langue française et sa religion catholique, l’immigration est fortement implantée. Si bien que les anglophones protestants sont devenus majoritaires. Au mois de mars 1890, le Manitoba adopte une loi abolissant les écoles catholiques francophones et une autre loi faisant de l’anglais la seule langue officielle de la province. Le premier ministre de la province abolit les écoles françaises ainsi que les droits au français au Parlement et devant les tribunaux.

Aurait-on dépassé la capacité d'accueil?

Ça n'arrivera pas au Québec, hein?

Le tramway à Québec. En 1892, le premier tramway électrique prend son départ à Montréal sur la rue Craig. On le surnomme le Rocket. Un peu plus tard, à Québec, le tramway est implanté sur des rails en fer et il circule du marché Champlain à la rue de l’Aqueduc, du Château Frontenac jusqu’à la rue des Érables, en passant par la rue Saint-Jean et la Grand-Allée. En plus, il fait la liaison entre la Basse-Ville et la Haute-Ville en passant par les côtes d’Abraham et du Palais.

Un tramway électrique à Québec? On arrête pas le progrès.

Et nous voilà en 1893, Joseph a maintenant 17 ans. Il est dans la force l’âge et les travaux de la ferme ne l’intéressent toujours pas. Que fera-t-il? Il a son idée et il devra convaincre son père, son avenir en dépend.

Il faut bien y penser, Joseph.