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2023-04-25-La grande histoire-Appendice R-Mes aïeules montagnaises

Dans des temps anciens, il y avait une contrée située au nord des Amériques que l’on ne connaissait pas encore. Un fleuve majestueux pénétrait à l’intérieur de cette vaste étendue et prenait sa source dans de grands lacs situés au centre de ce pays lointain.

 

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On voit bien

 

 

Les habitants vivaient en groupes et se déplaçaient selon les saisons pour leur subsistance composée principalement de gibier qu’ils chassaient avec des pièges de leur fabrication et de conception fort ingénieuse. Comme dans toute communauté, il y avait des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des sorciers et des chefs. Ces habitants étaient des « sauvages », non pas avec la signification péjorative du mot, maintenant utilisée, mais avec celle au sens premier, provenant du latin « silva » qui signifie forêt.

 

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Des sauvages un peu plus modernes

 

 

Avant que les Européens ne viennent s’introduire dans cette contrée à la recherche du blé d’Inde, les sauvages vivaient paisiblement sur les berges du grand fleuve et à l’intérieur de la forêt dans laquelle ils trouvaient abris et nourriture. Les Indiens, ainsi appelés parce qu'ils consommaient du blé d’Inde à profusion, se regroupaient en différentes bandes ou tribus possédant leur propre langue. Malgré leurs différences, ils vivaient en harmonie et se fréquentaient avec beaucoup d’empathie et de solidarité.

 

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Sérieux?

 

 

« Whoa toé là » est une expression de la parlure québécoise dont le mot anglais « whoa » veut dire arrêter et qui est utilisée pour dire « arrête de me péter de la broue » ou « cesse de dire des balivernes ». En effet, le dernier paragraphe de cette histoire est complètement faux. Même s’il est vrai que les sauvages d’Amérique cultivaient le blé d’Inde avant même que l’explorateur italien Cristoforo Colombo (ben oui Christophe Colomb) ne se ramasse sur ce nouveau continent, il est faux de dire qu’ils vivaient en harmonie. Au contraire, ils se guerroyaient entre tribus et c’était plutôt sanguinolent. Ils se découpaient à coups de tomahawks (haches) et de couteaux pour terminer par un « scalp » en guise de trophée de victoire.

 

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Belle harmonie

 

 

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Technique du scalp

 

 

Reprenons le cours de l’histoire de plus sérieuse façon.

 

Moins de cinquante ans après l’arrivée fracassante de Colombo en Amérique, l’explorateur français Jacques Cartier arrive dans cette nouvelle contrée du nord appelée Kanatha, mot iroquoien des Hurons-Wendats signifiant village. Il en prend possession au nom du roi de France, François 1er. Venu à Gaspé pour pêcher la morue autour du rocher Percé, Donnacona, le chef des indiens, n’est pas trop d’accord avec ce blanc-bec et espère ne plus le revoir. Malheureusement, l’année suivante, Jacques Cartier remonte le grand fleuve jusqu’au lac Saint-Pierre où il mouille l’ancre car la profondeur de l’eau ne lui permet pas d’aller plus loin. Il continue avec des barques jusqu’à Hochelaga (Montréal). Arrivé à la hauteur du pont Jacques-Cartier (le pont n’existe pas encore mais le nom, il le connait très bien) et même s’il n’y a pas de « cône orange », il se perd parmi les Peaux-rouges (une clique du plateau). Dans notre monde contemporain, la tradition a conservé les « carrés rouges ». Découragé, il retourne à son bateau et regagne la France.

 

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Les peaux-rouges d'Hochelaga

 

 

Une centaine d’années plus tard, au changement du centenaire (1600), Pierre de Chauvin, un téteux du roi de France, Henri IV (aujourd’hui on le qualifierait de lobbyiste), obtient le monopole de la traite des fourrures et vient à Tadoussac en promettant de fonder une colonie et d’y établir la religion catholique. Ses promesses n’ont jamais été tenues. Sa colonie se résume à un petit camp en bois encore visible à Tadoussac. Malgré tout et depuis ce temps, Tadoussac devient la première colonie française du Canada voire même de l’Amérique toute entière. Il faut dire que la traite des fourrures était le commerce le plus florissant de l’époque.

 

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Le camp à Chauvin à Tadoussac

 

 

Trois ans plus tard, François Gravé du Pont, un navigateur émérite et Samuel de Champlain, un géographe émérite itou, arrivent à Tadoussac. Ce duo français, François Gravé du Pont-Samuel de Champlain, s’installe au poste Chauvin (le petit camp en bois). Le travail de de Champlain est de dessiner les cartes marines et terrestres, pour la suite de l’histoire. Lors de l’expédition en cours, il est aussi le scribouillard de service et résume ses aventures dans des blogues.

 

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du Pont

 

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de Champlain

 

À la tombée de la nuit, ils aperçoivent des feux qui brûlent de l’autre côté de l’embouchure de la rivière Saguenay. Il semble y avoir un méchant gros party. Le lendemain ils s’y rendent en barques à la marée montante et arrivent à la Baie Sainte-Catherine et plus précisément à la Pointe aux Alouettes. Ils y font connaissance du chef indien Anadabijou de la nation des Montagnais (aujourd’hui, on les appelle Innus). Ces indiens sont des habitants de l’est, c’est-à-dire qu’ils proviennent de la Côte-Nord du fleuve, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et même d’aussi loin que du Labrador.

 

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Baie Sainte-Catherine

 

 

Très accueillant, Anadabijou invite les blancs-becs à participer à leur « tabagie ». Non, il ne les a pas invités à faire la contrebande de cigarettes, activité criminelle pratiquée dans le monde moderne par une autre tribu rivale (les Mohawks); nous y reviendrons. Une tabagie est un mot Micmac qui désigne une grande fête pour souligner des événements importants. L’événement, en question à la Pointe aux Alouettes, c’est une victoire des guerriers Montagnais sur les Iroquois. L’esprit est à la fête même si les trophées de guerre sont un peu discordants tant les scalps sont encore sanguinolents. Autres temps, autres mœurs, on suppose.

 

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L'arrivée au "party"

 

 

Les Iroquois forment une grande famille de cinq nations parlant la langue iroquoienne. Ils vivent beaucoup plus à l’ouest au sud de la province Ontario. Les Mohawks sont une de ces nations et vivent plus près de Hochelaga (Montréal). Les Hurons sont aussi de langue iroquoienne et vivent sur le bord de la baie Georgienne. Les deux tribus se font la guerre pour garder leur commerce de la traite des fourrures. Avec les années, la guerre entre ces tribus se déplace vers l’est jusque dans la région des Montagnais. Les Iroquois (Mohawks), tout en continuant leur bataille contre les Hurons, descendent le fleuve et vont se battre contre les Montagnais dans le coin de Trois-Rivières.

 

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Les Mohawks

 

 

Après l’escarmouche, nous voilà en pleine tabagie pour célébrer la victoire des Montagnais. Les amis du Pont-de Champlain en profitent pour leur expliquer que le roi de France leur veut du bien. De leur côté, les guerriers Montagnais ont bien vu la possibilité d’obtenir de ces Français des armes à feu (des belles arquebuses, ancêtres des AR-15) pour combattre leurs ennemis.

 

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Une arquebuse (un long feu)

 

 

Les deux partis en arrivent facilement à une entente et faute de contrat notarié à signer, ils scellent le tout en fumant le calumet de paix. Grâce à cette fumeuse entente, Samuel de Champlain reviendra en toute quiétude, cinq ans plus tard, fonder la ville de Québec.

 

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Un notaire montagnais

 

Et le party continue. On consomme une dizaine de grandes marmites de viande d’orignal, d’ours, de phoque, de castor et quelques animaux aquatiques. Plus tard, la tabagie déménage de Baie Sainte-Catherine à Tadoussac pour recommencer le festin deux semaines plus tard avec les autres tribus alliées : les Algonquins et les Etchemins.

 

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La coupe tomahawk de la viande d'orignal

 

 

Des décennies plus tard, non, des siècles plus tard, devrait on dire et, plus précisément, deux siècles seulement, Tadoussac est toujours le centre commercial de la traite des fourrures. Cependant, le monopole détenu par les Français est maintenant aux mains des Anglais, ces derniers ayant envahi et conquis le pays par la force. Un de ces Anglais qui n’en est pas un est James Mackenzie, un Écossais venu faire fortune dans les fourrures.

 

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James Mackenzie à Tadoussac

 

 

Comme il était en voyage d’affaires à Tadoussac, il baisa « sauvagement » Adélaïde DeLavaltrie Matchiragan, une Montagnaise au sang chaud et n’a pas voulu prendre ses responsabilités de père lorsque la petite Alexandrienne est née en 1815. James travaillait pour la compagnie de fourrures, la North West Company mais la chicane a pogné avec la compagnie rivale, la Hudson Bay company. Sentant la fin proche de son emploi, il décide de devenir agent indépendant pour le commerce de la fourrure et s’en va s’installer à Tadoussac où l’attend chaleureusement Adélaïde et son bébé Alexandrienne. Il vit heureux pendant une dizaine d’années et continue sa paternité avec la naissance d’Adélaïde (prénom populaire), de Georges et de Grégoire. Plus tard, il abandonne sa famille indienne et va marier une certaine Ellen, fille d’un capitaine, et s’établit à Québec. Heureusement, avant la fin de sa vie, rempli de remords, il reconnait sa paternité. C’est ainsi que la petite Alexandrienne a pu officiellement circuler avec le statut de métisse au sang chaud montagnais et au sang tout aussi chaud écossais.

 

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Adélaïde et Alexandrienne

 

 

Et les années passent. La traite des fourrures se poursuit sous le monopole de la compagnie de la Baie D’Hudson qui contrôle la région autour de Chicoutimi qui n’est alors qu’un simple poste pour coureurs des bois.

 

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Un vrai coureur des bois

 

 

Un groupe de bûcherons de la Malbaie, la Société des Vingt-et-Un, financés par l’Anglais William Price, remontent le Saguenay en 1838 pour couper le bois avec l’intention de coloniser ces nouvelles terres. François Maltais, fils de François Maltais, un des vingt-et-un, accompagne souvent son père. Il voudrait bien s’établir dans ce royaume mais sa femme est plus qu’hésitante. Elle décède en février 1847 après dix ans de mariage. C’est un coup du destin. Il avait déjà repéré la belle Alexandrienne lors des ses escales à Tadoussac. Sans perdre de temps, il la marie en mai, mettant fin à son veuvage de trois mois.

 

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Les 21 dont François Maltais, père,

en onzième position.

 

 

Cette métisse à moitié Montagnaise est sa porte d’entrée dans le royaume du Saguenay. Il part avec ses quatre enfants et sa nouvelle femme et va s’établir à Terres-Rompues, un peu en amont de Chicoutimi sur la rive nord, là où Peter McCleod s’est déjà installé avec son épouse amérindienne appelée tout simplement Marie des Terres-Rompues. Ce dernier a établi son domaine juste à l’embouchure de la rivière aux Vases.

 

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La vraie maison de Peter McLeod, père.

 

 

C’est un riche entrepreneur de la traite des fourrures recyclé dans le monde forestier et il exploite la pinède du coin. Il est écossais comme son grand ami James Mackenzie, le beau-père de François. C’est sûr qu’il y a du travail pour lui. Le fils ainé de Peter McCleod, c’est Peter Mcleod. Il l’a eu avec une autre amérindienne quelque part dans ses voyages. Peter McCleod, fils, c’est celui qui a fait fleurir Chicoutimi par l’implantation de ses deux moulins à scie à Rivière-du-Moulin et au Bassin sur la rivière Chicoutimi.

 

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 Le père et le fils

 

 

Terres-Rompues devient un village très florissant. François et Alexandrienne se sont bien établis sur le bord de la rivière Saguenay et il ne tarde pas à faire d’autres enfants. En fait, il y en a quatre autres qui se joignent aux quatre premiers. La dernière-née en 1854 est Catherine qu’on surnomme « Kate ».

 

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La petite Kate dans les bras d'Alexandrienne

 

 

Comme convenu, François travaille pour Peter McCleod, père. Il traverse la rivière aux Vases pour aller bûcher sur les terres du rang 1 et du rang 2 du Canton Simard qui s’étendent jusqu’à la rivière Shipshaw. Tout ce domaine appartient au patron et les arbres abattus sont transportés dans la rivière Saguenay pour se rendre aux moulins de Peter McCleod, fils. C’est une affaire de famille.

 

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Terres-Rompues et la rivière aux Vases

 

 

C’est dans cet environnement près de la rivière Saguenay, de la forêt, entourée d’entrepreneurs forestiers souvent mariés à des Montagnaises que la petite Catherine grandit. La population est à forte concentration montagnaise avec, parmi eux, les têtes dirigeantes écossaises que sont les McCleod, les Mackenzie, les Murdock et les anglaises comme les Price. Avec ses frères et sœurs, de même qu’avec les familles autours, elle partage la soupe aux pois, la tourtière, la tarte à la farlouche. Elle participe à sa façon aux travaux des cantonniers, des charpentiers et des menuisiers qui construisent des moulins le long des rivières. Elle s’amuse dans les fêtes avec ceux qui jouaient du violon et de la musique à bouche. Elle aide sa mère dans la cuisine, dans la confection des vêtements, dans le jardin à faire pousser les patates, les oignons, les navets sans oublier les gourganes. C’est la belle vie.

 

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La belle vie à Terres-Rompues

 

 

Elle gardera toujours en souvenir, les soirées passées à regarder les clairons, ces manifestations insolite de la nature, faisant danser les couleurs sur le fond du ciel au nord. Les clairons, c’est peut-être juste chez-nous qu’on utilise ce mot pour les aurores boréales.

 

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Les clairons de chez-nous

 

 

Un jour, Kate Maltais se fait remarquer par Jimmy Tremblay, fils d’Alexis Tremblay, surnommé Kessy. Cette famille s’était établie à Terres-Rompues un peu avant l’arrivée de François et d’Alexandrienne. Alexis est un notable de la place. Il a grandit dans le village, certes, mais est devenu très vite un homme d’affaires au sein de la maison Price. Après son mariage avec une métisse, il s’établit à Sainte-Anne et deviendra un jour le maire de ce nouveau village. Il est tellement prospère et imposant qu’on ne dit plus la côte Sainte-Anne mais la côte à Kessy ni le cap de la Croix mais le cap à Kessy. C’est Jimmy qui reprendra l’affaire familiale et il poursuivra la carrière de son père. C’est un bon parti et Kate se laisse séduire par ce beau prétendant riche de surcroit. Les deux convolent en juste noces le 23 juillet 1878.

 

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Alexis Tremblay Kessy,

un riche homme d'affaires,

beau-père de Kate Maltais.

 

 

Les jours passent. L’âge du bois de McCleod qui avait supplanté l’âge des fourrures de Mackenzie tire sur sa fin. Nous entrons maintenant dans l’âge du papier et de l’électricité. La famille de Kate et Jimmy s’accroit. La quatrième enfant de ce couple bien métissé nait le 14 avril 1885 et elle est baptisée du nom de Marie-Anne-Hélène. C’est ma grand-mère paternelle. Peu de temps après, la famille quittera le haut du village pour aller s’installer au pied de la côte Sainte-Anne dans une nouvelle maison de deux étages construite spécialement pour elle. Au rez-de-chaussée, Jimmy établit son magasin général alors qu’à l’étage, il installe sa famille. C’est le début d’un nouveau quartier qui s’appelle le quartier de la Traverse avec la construction du quai de la Traverse.

 

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Jimmy et Kate

 

 

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Leur fille Marie-Anne-Hélène,

ma grand-mère paternelle.

 

 

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Leur maison dans le bas de la côte Roussel

 

 

Ce quartier est maintenant disparu pour faire place au pont Dubuc, ce deuxième lien routier, le troisième lien n’ayant pas encore été promis. Parlant de liens, il y en a qui sont forts car peut-on croire qu’avec mes parents, mes frères et mes sœurs, nous avons déjà habité dans le magasin général de Jimmy Tremblay Kessy et de Kate Maltais (qu’on appelait Les Matelas Morphée), que Jean-Luc, mon frère, a déjà eu une maison sur la rue Saint-Alexis, ainsi nommée en l’honneur d’Alexis Tremblay Kessy et que moi, je demeure actuellement à Terres-Rompues, à proximité du village qui a hébergé Alexandrienne MacKenzie? Cré moé, cré moé pas (dans la langue du faucon pèlerin on dit « believe me or not »), même mon amoureuse porte les mêmes prénoms que ma grand-mère : Hélène-Marie-Anne.

 

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Hélène-Marie-Anne, mon amoureuse.

 

 

J’aime l’histoire de ma famille.



25/04/2023
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