pharamen

Pendant l’été, Jean-Luc a invité deux de ses amis dans la rotonde. La rotonde, c’est le troisième plancher du phare où la vue sur le paysage est magnifique. L’endroit n’a que deux fauteuils et Jean-Luc les a offerts à la visite, lui, se contentant d’un tapis à même le sol.

À partir de ce moment, l’idée d’avoir un banc de quêteux pour s’asseoir devint un besoin pour lui et on pourrait y loger un matelas qui servirait de lit d’appoint. L’idée ne date pas d’hier. Déjà que l’expérience de dormir dans la rotonde s’est présentée à quelques reprises.

Dans son enthousiasme, il me présente quelques photos de banc de quêteux. Je suis bien d’accord avec l’idée mais dormir au troisième plancher comporte un petit problème : que faire si un besoin naturelle d’évacuer un excès de vin se faire sentir? Te vois-tu en plein hiver à descendre jusqu’au premier plancher pour aller aux toilettes? Ayant une réponse à tout, il suggère tout bonnement un pot de chambre. Et pourquoi pas en porcelaine avec de jolies fleurs?

Ça sent pas les fleurs !

Je vais y penser, lui répondis-je. Et me voilà parti pour un autre projet qui débute par « faire ses recherches » sur trois objets.

Un pot de chambre

Dans le temps de Jos Desmeules (pas Ti-Jos, mon père mais Jos mon grand-père), il n’y avait pas de toilettes dans la maison. Pour soulager ses besoins primaires, il fallait aller à la bécosse. C’était une petite cabane à l’extérieur et même à -20 C, il fallait se résigner. Mais pour la nuit, on avait le pot de chambre ou le vase de nuit pour les plus snobs ou le pissepot pour les pas snobs pantoute. C’était souvent un pot en métal émaillé.

Ça ne manque pas de pot

Il y avait aussi le bourdaloue conçu pour les femmes. De forme allongée, il permettait aux femmes d’uriner debout ou accroupie sans grand risque d’erreur.

C'est féminin

Louis Bourdaloue était un prêtre catholique du 17^e siècle qui faisait des sermons très longs et très prenants. Pour ne rien manquer, les femmes cachaient un bourdaloue sous leurs vêtements pour uriner sans que ça paraisse. À cette époque, les femmes ne portaient pas de petites culottes, ni des grandes d’ailleurs.

En pleine action !

La chaise percée

« Une chaise percée est un siège dans lequel a été aménagée une ouverture, généralement circulaire, afin de l'utiliser comme lieu d'aisance. Il s'agit en quelque sorte de l'association d'une chaise et d'un pot de chambre » (réf. : Wikipedia). Elle était très utilisée par les gens à la cour de Louis XIV, le roi soleil.

Une chaise percée

Un autre genre de chaise percée

Le banc de quêteux

Les habitants d’autrefois avaient l’habitude d’installer un long banc à l’entrée de leur maison. On ouvrait le banc dans lequel était déposé une paillasse, c’est –à-dire une grande toile remplie d’épluchures de blé d’inde. Le quêteux pouvait donc y dormir et après sa nuit, on brûlait la paillasse sans hésiter. L’idée était d’éviter la contamination par les poux ou les puces. D’ailleurs, pour éviter l’évasion des puces, on plaçait un ruban de mélasse autour du banc.

Les gens ne portait pas ce geste uniquement par générosité mais on croyait que d’offrir l’hospitalité à un mendiant permettait une place au paradis.

Un vrai banc de quêteux

Fabrication du banc de la rotonde

Avec ces trois éléments en tête (histoire d’élever le propos scatologique au niveau cérébral), je me mets en mode conception : un banc pour s’asseoir et pour y loger un matelas et un pot de chambre. Après quelques mesures et un peu de cogitation, je fais le croquis d’un banc.

C'est un croquis très sommaire

Il sera fait en pin verni blanc comme les murs intérieurs du phare. Je pars acheter les matériaux et je me mets en mode fabrication.

Je découpe les panneaux de pin de façade et de côté pour faire la partie coffre. Les panneaux sont rainurés en « V » pour imiter la planche de revêtement de la rotonde. Je complète le coffre avec du contreplaqué « russe ». J’assemble le tout avec de la colle et des clous qui ne seront pas apparents.

Rainure en V

Assemblage

Je prépare ensuite le bois de pin de 1 3/4 pouce qui fera les pattes, les appuie-bras et les bordures. L’assemblage se fait avec de la colle et des vis. Les vis sont cachées par des goujons de finition.

Cet assemblage est arrondi à la toupie, sablé et fixé sur la partie coffre. Le banc prend déjà toute son allure.

Pattes et bras assemblés

 Ça de l'allure

Je fabrique le panneau qui ferme le coffre et le dossier incliné à 10 degrés pour un meilleur confort.

Et voilà, le banc de la rotonde est fait, mais pas tout à fait. Il faut maintenant incorporer « la chaise percée ». Je visse un siège de toilette sur un morceau de contreplaqué percé d’un trou de la grandeur d’un « pot de chambre » qui est en fait un petit sceau blanc. Il est lui-même inséré dans un trou d’un autre morceau de contreplaqué. Ainsi, pour vider le sceau au petit matin, on fait coulisser le siège de toilette vers la droite, on prend l’anse du sceau et on le soulève pour aller le vider dans le potager.

Finalement, j’ai fait un léger rembourrage pour un meilleur confort. Le matelas pneumatique est en option.