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Il ne se passe pas grand’chose après le mariage d’Épiphane sinon que Marguerite met au monde un enfant presqu’à tous les ans. Presque veut dire 13 grossesses en vingt ans. C’est devenu un fait « d’hiver ».

Quel lien y a-t-il entre le 3 mars, la surdité et les biscuits Graham? Non, ce n’est pas maman. C’est Alexander Graham Bell. Il est né écossais le 3 mars 1847 en Écosse mais il est mort canadien le 2 août 1922 en Nouvelle-Écosse. Il n’était pas sourd mais sa mère et sa femme étaient sourdes, ce qui l’a encouragé à consacrer sa vie à apprendre à parler aux sourds. On le connait surtout pour son invention du téléphone en 1876. On peut donc dire que pepére Desmeules qu’on appelle maintenant Jos est venu au monde en même temps que le téléphone. Pas longtemps après, la compagnie de téléphone Bell du Canada est installée à Montréal.

Jos qui vient au monde en même temps que le téléphone.

M'entendez-vous, monsieur Bell?

Et toujours à la naissance de Jos, grand-père Alexandre ouvre ses goussets et achète un beau poêle Bélanger. C’est une nouvelle technologie très avant-gardiste qui permet de relâcher la surveillance du feu de foyer. Les bûches de bois sont enflammées dans une enceinte fermée et la chaleur est diffusée dans toute la masse du poêle. Quand on parle de masse, c’est vraiment pesant. Le poêle est en fonte et lorsqu’il est chaud, il est chaud longtemps. Bélanger est certainement le plus connu des fabricants de poêles à bois du Québec. Fondée en 1867, comme le Dominion, la fonderie déménage à Montmagny en 1872 et c’est à ce moment-là qu’elle commence la fabrication de cuisinières à bois. C’est madame Boivin qui était contente. Imagine faire la soupe aux pois direct sur le dessus du poêle et la tourtière dans le four. Même qu’on pouvait avoir de l’eau chaude instantanément en ouvrant le robinet du « boiler ».

C'est de la haute technologie ça, madame.

Parlant du Dominion, Wilfrid Laurier arrive au parti libéral, celui de Alexander Mackenzie, le premier ministre du Canada, le même qui, avec honneur,  présenta son majeur à Victoria. Wilfrid, deviendra premier ministre, un jour. En attendant, il fait un discours mémorable le 26 juin 1877, un an après l'arrivée de pepére Desmeules et du téléphone :

« Nous, Canadiens français, déclare-t-il, nous sommes une race conquise. C’est une vérité triste à dire, mais enfin c’est la vérité. »

Ça s’appelle « mettre les points sur les i » ou plutôt mettre le point sur le « i » de « identité ».

Un jeune brillant, ce Wilfrid.

Pendant ce temps-là, au Québec, on découvre des gisements d’amiante dans le canton de Thedford à 80 kilomètres au sud de Québec et bien proche de la Beauce. Des entrepreneurs locaux débutent l’exploitation de ce nouveau minerai. C’est pas long que des entreprises américaines et britanniques procèdent au rachat des mines et les exploitent à leurs profits. C’est comme avec Alcan, Le Cirque du Soleil, Rona, Provigo, Cambior, Domtar, Sico, Vachon, Gadoua, etc. Même les cretons Quatre Étoiles sont partis de Saint-Fulgence pour Montréal. Ok, on s’éloigne un peu.

L'amiante, on n'a pas fini

d'en entendre parler.

Non, il ne se passe pas grand’chose dans la vie des Desmeules. Il faut quand même souligner la nomination de Dominique Racine en 1878, comme le premier évêque du diocèse de Chicoutimi. Il devient monseigneur et la pince-monseigneur lui ouvre toutes les portes.

D'après moi, le haut du costume

est rouge pompier.

Puis-je vous serrer la pince-monseigneur?

La décennie s’achève par la naissance d’Albert Einstein. Il est considéré comme l’un des plus grands scientifiques de l’histoire. Son nom est lié aux notions d’intelligence, de savoir et de génie. Enfant, on lui enseigne les notions de la religion juive jusqu’à 11 ans. Plus tard il dira ceci :

« Mais je lus mes premiers livres de science, et j'en terminai avec la foi d'Abraham ».

T'es un peu plus jeune que

pepére Desmeules.

Même si les Canadiens français sont une race conquise, ça ne les empêchent pas de célébrer leur origine. La Société Saint-Jean-Baptiste fondée en 1834 regroupe justement tous les francophones du Québec mais aussi des États-Unis et d’autres provinces anglophones. En 1968,  Pierre Elliott Trudeau s’est invité, à Montréal, au rang d’honneur  pour la fête d’une nation qu’il ne reconnait même pas et qu’il va nier l’existence de père en fils. Le 24 juin 1880, la fête de la Saint-Jean-Baptiste devrait rester dans la mémoire des Québécois. Toutes les sociétés Saint-Jean-Baptiste francophones du Canada et des États-Unis furent conviées dans la ville de Québec pour une grande célébration de leurs origines culturelles communes. Le comité organisateur avait commandé pour l'occasion un nouveau chant national. On choisit à l'unanimité les paroles d'un poème composé par le juge Adolphe-Basile Routhier et on demanda à Calixa Lavallée d'en composer la musique.

Adolphe-Basile Routhier

Calixa Lavallée

Pendant la soirée, on annonça le nouveau chant patriotique et l'orchestre l'exécuta devant une foule silencieuse et émue. Les Canadiens français avaient enfin un hymne bien à eux. C'est en 1980, alors que le même Pierre-Elliott Trudeau vient juste de remporter les élections comme premier ministre du Canada, peu avant le référendum sur la souveraineté et exactement un siècle après son inauguration à Québec, que l'œuvre de Routhier et Lavallée fut adoptée à Ottawa comme hymne national du pays. L'hymne des anciens Canadiens français devenait ainsi celui de tout le pays. La version originale française n'a jamais été modifiée mais plutôt raccourcie. Alors les anglos, le savez-vous que vous chantez un hymne national canadien français? Non, alors dansez sur « God save the queen ».

Que Dieu protège la reine Victoria, ha ha ha.

En 1880, on apprend la mort de William Evan Price, un des frères qui s’occupait le plus de l’entreprise Price Brothers and Co. au Saguenay, le meilleur des Price qu’on disait. Un comité se forme rapidement pour honorer sa mémoire et on décide d’élever un monument en son honneur. Les gens de Chicoutimi sont très généreux et on ramasse assez d’argent pour mener à bien le projet. Pas des « pitons », non, non, des vrais « bills du Dominion » même si certains faisaient des « grimaces ». Le monument est érigé sur le « rocher Saint-Vallier, juste à côté de l’hôpital.

Vous êtes malades!

Le 24 juin 1882, en pleine fête de la Saint-Jean-Baptiste, la fête des Canadiens français, on inaugure le monument de monsieur Price, un bon anglais conquérant. Le peuple est heureux. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Stockholm : les otages qui aiment leur geôlier.

Aimer son persécuteur

Et toi, Joseph, il est temps que tu apprennes des choses, les choses importantes de la vie, comme le catéchisme, écrire et compter. Tu as maintenant 6 ans, c’est le temps de t’éduquer. Il n’y a pas beaucoup d’écoles dans le village de Sainte-Anne. Le curé Roussel fait de son mieux; pour Valin, oublie ça. De toute façon il n’y a pas assez d’enfants pour justifier une maitresse d’école à plein temps. Par chance, ta grand’mère, mademoiselle Boivin, comme on l’appelait, a déjà été enseignante à Grande-Baie et c’est elle qui va t’enseigner les connaissances importantes. Ta sœur Léa est là aussi et c’est ce qui te permet de rêver à la petite école qui pourrait exister près de chez-vous. Et ton rêve deviendra réalité car au tournant du siècle, la petite école du rang 7 sera construite pas loin de la route Desmeules, je te le jure.

Léa et Jos Desmeules à l'école.

Ce n'était qu'un rêve, mais l'école est réelle.

Si Jos ne va pas à cette école, peut-être que Ti-Jos ira, lui? L'histoire se poursuit.