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2016-04-10-La grande histoire-Jean-Marc se marie

Nous revoilà en 1773. La chapelle fait la fierté de l'Isle-aux-Coudres et de son concepteur. Avec sa nouvelle notoriété, on demande à Jean-Marc de se pencher sur le problème du moulin à vent. En effet, ce moulin construit sur la Pointe de l'Ilette ne tourne pas assez pour moudre le grain produit par les habitants de l'île. Le nouvel ingénieur connaissait bien le problème car à l'époque, lorsqu'il avait travaillé comme manœuvre à sa construction, il avait bien remarqué que seuls les vents d'ouest et du sud-ouest pouvaient faire tourner les pales du moulin.

 

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Le moulin de la pointe ne tourne pas vite

 

La solution de Jean-Marc fut sans équivoque: il faut construire un autre moulin où le vent souffle plus souvent et avec plus de force. Il proposa de le construire sur une terre de 5 arpents qui appartenait à deux frères, Jean et Étienne Desbiens, habitants de la partie de l'île appelée La Baleine. Coïncidence ou favoritisme? Jean-Marc demeure déjà là. Espérons qu'il n'y aura pas de commission d'enquête. Ce fut en conséquence que, le 21 mai de cette année, les messieurs du Séminaire (les propriétaires de l'île) obtinrent l'emplacement. C'est à cet endroit, qu'aujourd'hui encore, on peut voir le moulin à vent de l'Isle-aux-Coudres.

 

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Le moulin de la Baleine

 

Jean-Marc voulait innover encore une fois. Il proposa un système d'engrenage planétaire plutôt que le système d'engrenage droit uniquement utilisé. L'avantage était de pouvoir varier la vitesse sans devoir ajuster la voilure des pales du moulin car cela nécessitait l'arrêt du moulin. Comme on le sait, un meunier qui dort fait que son moulin va trop vite.

 

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L'engrenage droit conventionnel et l'engrenage planétaire de Jean-Marc

 

Malheureusement pour Jean-Marc, la pratique des moulins à vent était trop conformiste et jamais on a voulu changer un iota à la technique. Tant pis pour les moulins à vent qui sont devenus vite désuets. Mais l'idée de Jean-Marc fut utilisée dans les autos Ford Modèle T de 1908 et comme il n'y a pas d'embrayage, ce système d'engrenage fut l'ancêtre de la transmission automatique. Lorsque vous mettrez votre transmission d'auto sur D, pensez à Jean-Marc et au moulin à vent de l'Isle-aux-Coudres.

 

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Ford model T de 1908

 

Un peu frustré, Jean-Marc se désintéressa du projet et le moulin à vent fut construit sans lui. Quelques 50 ans plus tard, on construisit un moulin à eau sur la rivière Rouge et ce ne fut pas un succès. Quelques temps après on démolit le vieux moulin à vent de la Pointe de l'Ilette et on le reconstruisit près du moulin à eau.

 

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Les deux moulins de l'Île aujourd'hui

 

En 1850 le Séminaire vent ses moulins et en 1888, alors que Élie Bouchard tente d'assujettir le frein sur le rouet du moulin à vent pendant une forte bourrasque, son écharpe se prend dans l'engrenage et la machine le happe et l'étrangle ; les moulins passent alors à son fils Étienne Bouchard père ; après le décès de Étienne Bouchard père, sa veuve devient la propriétaire des moulins. Et devinez comment s'appelle cette veuve:

 

Marie-Anne Desmeules

 

On ne peut pas changer l'histoire, mais si on avait utilisé le système à Jean-Marc, Élie Bouchard ne serait pas mort étranglé et la chanson "Marie-Anne s'en va au moulin" ne serait pas dans notre folklore.

 

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Marie-Anne (Desmeules) s'en va au moulin

sur son âne catin

 

En cette année de 1773, après la construction du moulin, François Bouchard, celui-là même qui est venu donner un coup de main à la famille Desmeules affligée par la mort de Charles, perd sa compagne de vie. La pauvre Geneviève Tremblay est décédée le 5 octobre après une longue maladie. C'est en allant donner son aide à François que Jean-Marc  rencontre Marie-Constance Bilodeau. Elle avait été demandée pour prendre soin de Geneviève pendant sa maladie. Elle s'occupait de la maison et faisait les repas. Les parents de Marie-Constance, eux, travaillent pour le curé Berthiaume. Monsieur Bilodeau est bedeau d'où son surnom Bibedo. Sa femme prépare les repas du curé et fait l'entretien ménager du presbytère.

 

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 Carte d'affaire de Pierre Bilodeau

 

Jean-Marc n'avait jamais remarqué Marie-Constance auparavant. Elle était si jeune, ce n'était qu'une enfant. Mais lorsqu'il la vit chez François, elle avait maintenant 16 ans. De s'occuper de la maison des Bouchard (il n'y avait pas d'enfant dans cette maison) lui donnait soudainement un grande maturité. Évidemment, Jean-Marc tomba sous le charme de cette jeune femme jolie et discrète.

 

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Marie-Constance Bilodeau

 

François vient souvent visiter les Desmeules pendant l'hiver. Marie-Constance, par contre, est retournée chez ses parents qui habitent tout à côté de la chapelle. La motivation de Jean-Marc pour la messe du dimanche a pris une tournure différente. Il n'était pas très pieux mais la chapelle devenait un lieu de rendez-vous. Juste avant la célébration de la messe, à chaque fois que la porte de la chapelle s'ouvrait, Jean-Marc se retournait et espérait voir apparaître sa Constance. Pourtant, elle arrivait toujours à la même heure puisqu'elle n'avait que le chemin à traverser. Lorsqu'elle entrait, il ne voyait plus qu'un nuage qui voilait tout sauf la jolie Marie-Constance. Son cœur battait fort dans sa poitrine  et sa respiration devenait courte. C'est un amour impossible, 9 ans les séparent, mais Jean-Marc est persuadé que c'est l'épouse qu'il attend depuis tant d'années. À la fin de la messe, il se confie à son ami le curé Berthiaume qui organise une visite chez les Bilodeau, histoire de présenter le constructeur de la chapelle à son bedeau.

 

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L'ami de Jean-Marc: le curé Berthiaume

 

Les liens se tissent et de messe en messe, de perron d'église en perron d'église, Jean-Marc se retrouve le plus souvent en compagnie de Constance. Les échanges sont de plus en plus langoureux et devant tant de sollicitude, de tendresse et d'amour, elle tombe elle aussi en amour.

 

C'est à Noël, à la messe de minuit, pendant qu'on chante le Minuit Chrétien, que Jean-Marc prend la main de Constance et lui glisse une bague de fiançailles. Ils se regardent dans les yeux et sans mot dire, ils s'engagent l'un à l'autre.

 

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Jean-Marc, le romantique

 

Jean-Marc raccompagne Constance chez elle après la messe et sans invitation il s'introduit pour le réveillon. Au retour de monsieur Bilodeau qui vient de finir de sonner les cloches, Jean-Marc pose un genou au sol et lui demande la main de sa fille. Non seulement il accepte, mais il ouvre une bouteille d'un rare élixir et la fête commence.

 

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 Quel est donc ce rare élixir?


Pendant le repas du réveillon, on fixe la date du mariage au samedi le 17 avril de la nouvelle année, soit 1774. Et la fête continue. Madame Bilodeau, cependant, est un peu moins joyeuse. Elle trouve sa fille un peu trop jeune pour se marier. En plus, elle trouve le fiancé un peu trop vieux. Au mariage, Constance n'aura que 17 ans alors que Jean-Marc aura 26 ans. Avec toute sa subtilité féminine, madame Bilodeau ne manque pas de le faire remarquer à son époux et aux tourtereaux. C'est alors que l'époux, Pierre, pouffe de rire et s'exclame: "Mais Gertrude, lorsqu'on s'est marié, tu avais 17 ans et moi 26, y'é où le problème?" Elle réalise alors qu'une mère de 40 ans ne voit plus les choses comme à 17 ans. De bon cœur, elle accepte cette réalité et entre dans la fête en se versant un bon verre de rouge et en le levant aux futurs mariés.

 

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Mais Gertrude, y'é où le problème?

 

L'hiver se poursuit. François vient souvent visiter les Desmeules et Jean-Marc lui parle de son mariage prochain. Il y a de l'amour dans l'air. Le printemps arrive et à la date prévue, le curé Berthiaume unit les amoureux selon le rites religieux du mariage. Dans la nef de la chapelle, François Bouchard est assis à côté de Cécile Desmeules (Desgagnés). Murmures!

 

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Y parait que...

 

Pendant ce temps, que se passe-t-il en Nouvelle-France? Rien car il n'y a plus de Nouvelle-France. C'est le Canada, maintenant et il appartient aux anglais. Et ça va pas très bien. Le gouverneur James Murray fait face à la grogne des habitants d'origine anglaise. Ils ne sont que 500 et forment le "British Party". Marchands pour la plupart, ils sont mécontents des décisions de Murray qui, à leurs yeux, n'en a que pour le "French Party". Les canadiens français ont réussi à garder les lois françaises et pour comble de l'ironie, ils viennent de se faire nommer un évêque catholique.

 

Le 22 juin 1774, le roi George III ratifie l'Acte de Québec. Plutôt que d'assimiler les Canadiens, on les reconnait comme une société distincte. Ah bon, ce n'est pas d'aujourd'hui ça? Les Canadiens obtiennent un territoire agrandi. On abolit le serment du Test. L'Église catholique obtient sa dîme et son évêque. Et, finalement, on maintient les lois civiles françaises.

 

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Société distincte reconnue la première fois

 

Trop beau pour être vrai, vous pensez? Bien sûr, car l'Acte de Québec est une façon d'amadouer les Canadiens car on pourrait en avoir besoin contre les rebelles américains des Treize Colonies. En effet, les Américains sont en colère contre leur Angleterre qui applique une politique impérialiste allant à l'encontre de leur traditions autonomistes. En gros, la mère-patrie bloque la frontière à l'ouest des colonies qui ne peuvent plus s'étendre et elle taxe et surtaxe même le thé anglais. D'ailleurs, à Boston, des patriotes américains jettent à la mer 343 caisses de thé, événement qu'on appellera Boston Tea Party.

 

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Le thé, c'est du sérieux

 

La chicane pogne. Les américains feront la guerre à l'Angleterre. C'est ce qu'on appellera la guerre de l'indépendance et les américains qui ne partagent pas ces idées seront appelés les loyalistes. Le 5 septembre 1774, les délégués des 13 colonies américaines se réunissent à Philadelphie et décident de faire face à l'armée anglaise. Ils constituent une armée et en confie la direction à:

 

Georges Washington

 

Eh oui, Georges Washington, le même qui est allé combattre les Français au fort Dusquesne à Pittsburg en 1755. (Voir: Charles, un héros). Comme il avait 22 ans à l'époque, on peut déduire par un simple calcul arithmétique qu'il a maintenant 41 ans.

 

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Vas-y mon Georges, on fait notre indépendance

contre les anglais.

 

Les loyalistes, eux, refusent de s'opposer à la mère-patrie et une guerre interne se prépare également. C'est alors que les américains font appel aux canadiens pour les aider contre les anglais. Mais l'évêque catholique Jean-Olivier Briand s'y oppose en ces termes:

 

"N'écoutez pas les séditieux qui cherchent à vous rendre malheureux,

et à étouffer dans vos cœurs les sentiments de soumissions à vos

légitimes supérieurs, que l'éducation et la religion y avaient gravés".

 

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Jean-Olivier Briand (Job de son surnom)

 

 

C'est à ce point de l'histoire, qu'au lieu de devenir américains sous Donald Trump, nous sommes soumis aux anglais et aux pleutres canadiens.

 

À plus tard.

 

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C'aurait pu arriver

 



10/04/2016
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