pharamen

pharamen

2021-09-19-La grande histoire-Appendice M-Son oncle Réjean

Papa parlait un français légèrement différent de celui d’aujourd’hui. Il avait quelques expressions, pourrait-on dire, venant du vieux français. Aujourd’hui papa dirait sûrement à maman : « Ta soupe est douce, Antoinette ». Par contre, dans son temps, il disait plutôt : « Ta soupe est douce, sa mére ». Je ne comprenais pas trop pourquoi il utilisait l’article possessif à la troisième personne. Je me posais cette question: la mère de qui? Pourquoi il parlait de la mère de quelqu’un alors que c’était ma mère et j’étais juste à côté de lui. J’ai bien compris que « sa mére » voulait dire Antoinette, son épouse.

 

Antoinette.png

 

Sa mére. La mère de qui?

 

 

D’ailleurs il utilisait la même tournure de phrase pour parler de mes oncles. Il pouvait me dire : « son oncle Yvan travaille au laboratoire d’Alcan » au lieu de dire : « ton oncle Yvan travaille au laboratoire d’Alcan ». C’était la même chose pour les tantes. Il disait : « Sa tante Florence reste à Bagot ». C’était du vieux français.

 

Florence-2.jpg

 

Sa tante Florence. C'est aussi une jolie ville d'Italie.

 

 

Jean-François, son neveu; non, Jean-François, mon neveu le plus vieux, rigole bien en utilisant cette vieille expression pour nous aborder: sa tante Gisèle, son oncle Benoît et pourquoi pas son pére (en parlant à Côme). Ça nous fait bien rire. Cependant, « son oncle Réjean » est plus particulier; vous le comprendrez un peu plus tard.

 

Lui et son pére.jpg


C'est lui pis son pére

 

Il se bidonne le Jean-François mais cette vieille expression vient de la noblesse. En effet, lorsque Joseph Desmeules, le premier français de notre lignée, a traversé l’Atlantique pour s’établir au Canada, c’était à l’époque des rois. Lui et ses compatriotes on emmené avec eux leurs langues parlées et les particularités liées à la royauté. Devant les membres de la royauté, il fallait se faire petit pour qu’eux se sentent plus grands.

 

Le roé.png

 

C'est pas son pére, c'est le roé

 

 

Ainsi, on ne parlait pas au roi Louis XIV en disant : Louis, es-tu prêt? Que nenni. Ni même : Louis, êtes-vous prêt? Oh que non. On disait plutôt : Est-ce que votre majesté est prête? Pas besoin de rajouter son prénom car il n’y avait qu’une seule majesté et c’était lui, Louis. Il était donc la grandeur suprême.

 

majesté.jpg


La majestuosité d'un roi

 

Fort bien mais dire « votre majesté » correspondait à un discours direct de la deuxième personne, jugé irrespectueux vis-à-vis d’un roi. C’est la raison pour laquelle, on préférait utiliser la troisième personne. Alors on s’adressait au roi en disant : Est-ce que sa majesté est prête? Probablement que ce faisant, on inclinait la tête pour éviter un regard direct sur sa majesté. Il fallait montrer au roi à quel point nous étions petits face à lui. Il fallait s’écraser et se faire tout petit.

 

se sentir petit.jpg

 

Plus grand que le roi? Jamais voyons.

 

 

De la même façon, on s’adressait à d’autres personnes de la noblesse en la désignant par « son altesse ». Si majesté veut dire une grandeur suprême, altesse veut dire une grandeur sans plus. C’est ainsi qu’on parlait d’un prince ou d’une princesse, les enfants d’un roi ou d’une reine. Pour ces enfants de roi, on parlait d’une altesse royale. Sinon, on pouvait parler d’une altesse impériale si l’enfant était celui d’un empereur.

 

princesse Anne.jpg


Son altesse Anne,

la seule fille de sa majesté

dont on a pas besoin de rajouter son prénom

 

Mais est-ce qu’un cardinal de l’Église catholique est un prince, lui qui n’est pas nécessairement le fils d’un roi? Bien sûr que non, cependant l’histoire du Québec possède un cas autoproclamé dans ses annales, plus précisément à l’année de ma naissance. Attention, « annales » prend deux « n » sinon, ça devient une histoire de cul.

 

cul.JPG

 

Le souverain pontife, sa sainteté le pape.

Ben voyons donc François, on parle d'annales

avec deux "n".

 

 

Ainsi, le 29 novembre 1952, tout juste cinq jours avant ma naissance, le pape Pie XII nomme l'archevêque de Montréal, Paul-Émile Léger, au rang de cardinal. Pas longtemps après, vl’a ti pas que Paul-Émile part de Rome après sa consécration et revient à Montréal. Tout comme l’oiseau, il est vêtu de rouge pour son accueil par les fidèles.

 

cardinal oiseau.jpg

 

Un cardinal rouge

 

 

leger.jpg

 

Un cardinal en rouge

 

 

Dans toute son arrogance et sa vanité, il prononce ces paroles qui resteront célèbres :

 

 «Montréal, ô ma ville, tu as voulu te faire belle pour recevoir ton prince!»

 

Malheureusement pour lui, il ne sera pas appelé « son altesse » et il devra se contenter de « son éminence ». C’est quand même pompeux et même si on ne parle pas de grandeur, on parle d’une certaine élévation.

 

Son frère Jules a été un peu plus rusé. Lui aussi, il voulait un titre honorifique. Mais plutôt que s’autoproclamer « prince » comme son frère, il décide de devenir un vrai sujet de la reine Élisabeth. En 1974, il devient gouverneur général du Canada et donc le représentant direct du monarque et à ce titre, il a même préséance sur d’autres membres de la famille royale. C’est pas pire ça, mon Jules. Mais tu ne peux quand même pas être « son altesse »? Non, mais il obtient le titre de « son excellence ». Ah ben, t’es le meilleur.

 

Jules Leger.jpg


Jules, t'es le meilleur!

 

Alors Jean-François, tu as peut-être bien raison en utilisant ce titre honorifique de « son oncle » ou « sa tante ». Tu nous fais une petite fleur. Tu peux tout aussi bien appeler ton père « son père ». Je te préviens, cependant, que tu ne peux pas m’appeler « mon oncle Réjean ». Il est impératif de m’appeler « son oncle Réjean » parce que tu le sais très bien qu’un régent c’est celui qui occupe la fonction de roi lorsque ce dernier est dans l’impossibilité d’exercer sa fonction royale. J’ai donc droit à ce titre de noblesse. Quand Joseph a traversé l’Atlantique pour venir au Canada, c’est Louis XIV, le roi-soleil, qui gouvernait. Mais quand il est mort, son héritier, le roi Louis XV, n’a que cinq ans. C’est Philippe d’Orléans qui devient le Régent du royaume de France jusqu’à ce que Louis XV obtienne sa majorité à 13 ans.

 

Le Régent.jpg


Le vrai Régent

 

Donc, moi, je suis « son oncle » Réjean.

 

moi.png



19/09/2021
18 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 63 autres membres