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2021-02-06-La grande histoire-Appendice L-Le pouce

C’est le mois de mai, le mois de Marie. C’est la fin du printemps et le début de l’été. On se situe entre deux saisons. On a envie de changement. C’est le meilleur temps pour changer de maison, d’auto, de conjoint et de se marier si on veut un conjoint à changer.

 

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C'est le mois de Marie

 

 

En 1958, comme on n’a pas d’auto, c’est plus facile de changer de maison. Pas besoin d’aller bien loin, juste de traverser la rue, la rue Napoléon qui arrive sur la rue Roussel pas loin de chez Morasse. On déménage de la maison à Germaine à la maison à Hamel. C’est comme ça qu’on les a identifiées.

 

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On s'est rapproché de quelques pas

 

 

C’est une bonne nouvelle parce que la maison à Germaine, c’est pas un cadeau. Toute notre famille y demeure sauf Gilberte qui, à 18 ans, vit avec André et leur bébé Claude de l’autre côté de la rivière. On a pas besoin de traverser de pont pour aller voir Gilberte, on passe sur la calvette de la rue Roussel. On parle de la rivière Michaud là là, pas de la rivière Saguenay. Dans ce temps-là, la rivière Michaud partait d’un étang où est situé le Tim Horton aujourd'hui juste en face de l’église Saint-Luc et se jetait dans la rivière Saguenay en passant sous la rue Roussel et les terrains de Rosario Morin.

 

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On traverse la calvette

 

 

La rivière Michaud, c’était plutôt le ruisseau Michaud parce qu’elle n’était pas très grosse. C’était même un ruisseau d’égout. Un peu plus haut sur la rue Napoléon en allant vers la maison à Lalancette, sur la gauche, il y avait l’abattoir Gauthier et Tremblay. Qui dit abattoir, dit rejet de sang et où allait ce sang? Bien oui, dans le ruisseau Michaud. C’était le paradis des rats d’égout. Il y en avait tellement qu’ils cohabitaient avec nous dans la maison à Germaine. Ils n’étaient pas très gênés. Une fois, maman a ouvert son tiroir à ustensiles et il y en avait un beau gros qui faisait la sieste. Après le cri de mort qui s’ensuit, maman appelle Marcel, le cousin, qui vient déloger ce pensionnaire maudit. Pendant la nuit, il n’était pas rare d’entendre les rats se promener sur notre beau prélart.

 

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Hé? T'as-tu entendu gratter dans le mur?

 

 

Après trois ans dans ce maudit taudis, on était bien content de déménager dans la maison à Hamel. Les jours s’annonçaient meilleurs surtout que maman a exigé de se faire installer la télévision. Y’avait toujours bin un boutte que Ti-Jos aille écouter sa joute de hockey chez Marie-Thérèse.

 

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Avec un grand écran de 21 pouces en noir et blanc

 

 

Une bonne nouvelle n’arrive jamais seule et l’abattoir a passé au feu. C’est Jérémie, le père de Marcel chasseur de rats, mon parrain, qui a éteindu le feu avec ses pompiers. Le lendemain, il ne restait que des ruines.

 

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Les pompiers ont bien éteindu le feu

 

En cette année 1958, on décide de canaliser le ruisseau Michaud et de construire la rue « De La Rivière » qui longe la rivière Michaud. Aujourd’hui la rue s’appelle « boulevard de Tadoussac ». Pour réaliser le travail, il faut creuser le ruisseau et y déposer des gros tuyaux. Comme ça, le ruisseau va couler à partir de l’étang où sera construit le Tim Horton qui remplace le salon funéraire Émery Gravel et la rivière Saguenay.

 

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Les tuyaux de canalisation

 

 

Pour creuser, on se sert d’une excavatrice. Ouais, mais dans le temps on appelait ça une « pelle à ouère ». Notre langage, teinté d’anglais, déformait les mots. Ainsi, on aurait pu dire pelle à câbles car câble en anglais est « wire ». La « pelle à ouère » était conduite par Freddy Morin, souvent imité par André (le mari de Gilberte et cousin de Freddy Morin) à cause de sa démarche claudicante. Le pauvre homme avait eu un accident et s’était brisé le bassin : il boitait péniblement. Mais bien assis dans sa « pelle à ouère », il était un artiste creusant le sillon avec la pente requise pour y déposer les tuyaux.

 

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Freddy dans sa "pelle à ouère"

 

 

Côme, à huit ans, est déjà très vieux. Ses jeux sont diversifiés et surtout acrobatiques compte tenu de sa témérité. Avec des amis complices et bravant tous les interdits, les délinquants se mettent à rouler un tuyau en remontant une légère pente. Pendant qu’on tient le tuyau, un jeune cascadeur entre à l’intérieur du tuyau et on lâche tout. Le tuyau se met à rouler et le cascadeur essaie d’arriver au bas de la pente sain et étourdi. C'est avec ce nouveau manège qu’est né Beauce-Carnaval.

 

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Pleut-il?

 

 

Freddy,  le conducteur de la « pelle à ouère » aperçoit le manège et lâche un méchant « ouaque ». Côme, au bas de la pente, attend le tuyau roulant afin de l’arrêter. Lorsqu’il entend le « ouaque », il prend peur et manque sa manœuvre. Son pouce droit est écrasé entre le tuyau roulant et un autre tuyau immobile.

 

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Le délinquant dont il est question

 

Dans l’énervement, il ne s’aperçoit de rien et prend la fuite suivi du cascadeur et des autres complices délinquants. Il court jusqu’à notre nouvelle maison à Hamel et c’est à ce moment qu’il s’aperçoit que son pouce droit pisse le sang.

 

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Tant que ça?

 

 

Jean-Luc, bien évaché sur la galerie en train de lire un autre bouquin, réalise la gravité de l’accident et perd connaissance. Heureusement, il n’est pas tombé de haut.

 

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Par chance il est tombé sur le côté gauche

 

 

Maman accueille le blessé sans trop s’en faire car à l’époque, un enfant qui saigne est affaire courante. Elle se dit qu’elle devra aller chercher le « mercure-o-chrome » et un bon « plasteur ».

 

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Toutes les mères avaient du Mercure-o-Chrome

 

 

Mais quand elle réalise qu’il manque un morceau, elle devient blême comme un drap, elle qui est rousse. Elle réussit à garder son sang-froid, du moins celui qui continuait à couler dans ses veines. Elle amène la main estropiée sous le robinet de l’évier et appelle Ti-Jos au garage Champlain.

 

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Les cheveux roux, la peau blanche

et le sang froid.

 

 

Lorsque papa arrive à la maison, il est en beau calvaire. Il est parti à toute vitesse du garage sans prendre le temps de se rouler une Zig Zag.

 

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Il est en beau calvaire

 

 

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Pas le temps de se rouler une Zig Zag

 

 

Il embarque le fautif dans le char et l’emmène voir le docteur Couture. Ce dernier ne peut pas faire grand-chose pour une telle blessure. Il lui fait une belle grosse catin et dit à papa de l’emmener à l’hôpital.

 

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La catin

 

 

C’est à ce moment précis que papa réalise la gravité de la blessure. Non pas qu’elle affectera l’intégrité physique de son fils mais plutôt qu’une visite à l’hôpital, c’est bien plus cher qu’une visite chez le docteur Couture. Ça lui coûtera, au bas mot, une semaine de travail au garage.

 

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Surtout celles de ses enfants

 

 

Toujours en beau calvaire, papa arrive à l’hôpital et heureusement, il se calme un peu en voyant un visage familier à l’accueil. C’est Christian Abbat, brancardier, qui s’occupe d’emmener Côme au bloc opératoire. C’est du sérieux. Christian, c’est un gendre de Jérémie, celui qui a éteindu le feu de l’abattoir et aussi le beau-frère de Marcel, le chasseur de rats.

 

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Un visage familier

 

Côme a besoin d’une anesthésie générale et en termes de l’époque, c’est l’endormir au chloroforme. Le chirurgien se présente dans la salle d’opération, confiant de réaliser un chef-d’œuvre de chirurgie. Le docteur Edouard Beaudry a fait de grandes études et a même fait son internat à Paris, une dizaine d’années auparavant. Il est âgé de trente-six ans maintenant et est au faîte de son art. Maniant le scalpel, les ciseaux et l’aiguille à suturer, il referme le bout du pouce. Enfin, notre frère est sauvé. Côme dit que le docteur Beaudry n’a pas fait une belle job, moi je peux dire qu’il a fait des belles filles.

 

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Docteur Edouard Beaudry

 

 

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Nicole, Louise et Monique, ses filles.

 

 

L’année 1958 a été une année d’émotions, certes, mais il y en aura d’autres. Côme ne s’est jamais senti diminué par ce bout de pouce manquant. Il en a même tiré avantage. Cependant, pendant des travaux de construction, il lui arrive quelques fois de couper un morceau de bois 1 pouce plus court. Peut-on le lui reprocher?

 

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Fin de l'histoire



06/02/2021
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