pharamen

pharamen

2016-02-13-La grande histoire-Jean-Marc et la chapelle

Jean-Marc et François, remplis d'heureux souvenirs de leur séjour à Québec pour le carnaval, longèrent la rive nord pour retourner à l'Isle-aux-Coudres. La descente du fleuve était passablement difficile et ils durent faire de longues pauses en cours de route. Ils en profitèrent pour arrêter au Cap Tourmente pour s'approvisionner en gourganes et échanger quelques trucs culinaires avec le chef de la Ferme de Champlain. Bien sûr, ce n'est plus la célèbre ferme qui a existée en 1626 car elle a été incendiée. Mais sur les lieux, on a érigé une petite auberge qui en porte le nom et le propriétaire, Ricardo, est vraiment un chef sympathique.

 

chef.jpg

 

Ricardo, le chef 

 

Après deux semaines de navigation et de portage, les deux comparses arrivèrent à la maison. Jean-Marc était bien content de son expérience. Il s'était ennuyé de Marianne, sa compagne du moulin et il ne tarda pas à la retrouver pour jouer à des jeux très libertins. Jean-Marc aimait bien la bagatelle et Marianne toujours très coquine se laissait charmer par les histoires toujours rocambolesques de son compagnon de jeux.

 

          images.jpg        Marianne.jpg

Le beau Jean-Marc et la coquine Marianne

 

Mais un jour, le 22 mars, c'est l'anniversaire de Jean-Marc. Comme nous sommes en 1769, il a 21 ans et il devient majeur. Il faut savoir qu'au début de la Nouvelle-France, la majorité était de 25 ans mais suite à la Proclamation Royale de 1763, elle fut abaissée à 21. C'est à ce moment là que Jean-Marc réalisa le sérieux de la vie et qu'il devait fonder une famille. Malheureusement pour Marianne, elle n'était pas l'amour de sa vie et il finit pas se désintéresser d'elle. Une de partie, dix de retrouvées comme on dit. Et le temps passa, et "ces amourettes insignifiantes ont préparé un grand amour".

 

 

Mes-21-Ans-cover.jpg

 

 Les amourettes insignifiantes à 21 ans

 

Mais entre-temps, même s'il y a de l'amour dans l'air, il y a aussi des défis en construction qui se présentent à  Jean-Marc. Nous voilà rendus au début d'octobre 1770. Un nouveau prêtre, Monsieur Jean-Jacques Berthiaume, ordonné le 19 août précédent, vient prendre possession de la cure de l'Isle-aux-Coudres. Il réalisa rapidement que la vieille chapelle était trop petite et qu'il en fallait une plus grande soit 60 pieds de long environ par 36 pieds de large. Jean-Marc se lia vite d'amitié avec le nouveau curé. Il était de son âge et n'eut été de sa soutane,  il lui aurait bien présenté Marianne.

 

curé Berthiaume.jpg

 

Sous sa soutane, le curé Berthiaume était convainquant

 

Mais ce qui intéressait Jean-Marc, c'était la conception et la construction de la chapelle. Il s'empressa de faire valoir ses talents à Jean-Jacques (le curé) et même s'il n'a pas eu la direction du projet, il a quand même pu se faire nommer adjoint à monsieur Verreau, le maitre-d'œuvre. Jean-Marc, débordant d'enthousiasme, réussit à convaincre monsieur Verreau de construire selon une nouvelle conception de son cru. Il passa tout le mois de novembre à faire des plans de la nouvelle chapelle et monsieur Verreau en fut fort impressionné. Si bien, que ce dernier donna son autorisation de construire la chapelle selon la conception avant-gardiste de son adjoint.

 

L'hiver de 1770 et de 1771 fut consacré à préparer le bois pour la chapelle dont la construction  ne commença qu'à l'été 1771 et ne fut terminée que dans l'automne 1772. Jean-Marc engagea une douzaine de bûcherons pour abattre les arbres et les équarrir aux dimensions qu'il avait calculées.

 

equar2.jpg

 

Les 12 bûcherons et la préparation du bois

Les 3 autres bûcherons tiennent l'appareil photo

 

C'est lorsqu'on commença l'érection de la structure que les habitants de l'île émirent des opinions tout à fait divergentes; les uns le qualifièrent d'ignorant, les autres de génie. Dans une construction normale, les pièces de bois sont empilées les unes sur les autres. C'est ce qu'on appelle une construction pièce sur pièce.

 

pièce sur pièce.jpg

 

Construction pièce sur pièce

 

Mais dans la conception de Jean-Marc, les pièces de bois équarries sont placées debout et unie par le haut à d'autres pièces de bois placées horizontalement qui servent à les fixer. Les espaces laissées entre les pièces debout sont remplies par de la pierre liée en maçonnerie ordinaire. Les pièces de bois où allaient se réunir les poteaux sont liées par des poutres qui traversent la largeur de la chapelle comme dans les maisons ordinaires.

 

maison squelette de bois.jpg

 

Les pièces de bois sont debout dans la technique de Jean-Marc

 

Certains habitants de l'île ont qualifié Jean-Marc de génie. C'est depuis ce temps que les projets innovateurs sont qualifiés d'oeuvre de génie et que ceux qui les dirigent sont appelés ingénieurs. C'est ainsi que Jean-Marc fut le premier ingénieur de la famille Desmeules.

 

Eugenie_Bouchard_Australia_Open_2015.jpg

 

Eugénie Bouchard n'est par ingénieure, elle est une belle joueuse de tennis

 

Cette nouvelle technique de construction a occupé l'esprit de Jean-Marc pendant 10 ans. Il faut se rappeler que lorsqu'il a travaillé à la construction du premier moulin à vent, il avait été très critique face à la technique de construction. Le mur devait se porter lui-même ce qui obligeait de construire un mur très épais à sa base. À force d'étudier le problème, Jean-Marc à réussi à concevoir une structure autoportante qu'il appela "mur rideau". Autrement dit, plutôt que d'empiler des pièces de bois ou des pierres les unes sur les autres, il s'agit de construire un squelette sur lequel on suspend le mur comme s'il était un rideau d'où le terme "mur rideau".  

 

Cette technique n'a pas eu la popularité qu'elle aurait dû avoir car elle fut presque oubliée sur l'Isle-aux-Coudres. C'est en 1849 qu'un américain, James Bogardus, un producteur de fer, utilisa la technique de Jean-Marc pour la construction de son usine. La légende dit que ce fortuné américain, lors d'une croisière sur le St-Laurent, est venu se recueillir dans la chapelle de l'Isle-aux-Coudres et aurait été très impressionné par la structure de la chapelle. Comme les brevets n'existaient pas chez les habitants de l'Île, la technique fut dérobée à notre insu et utilisé aux État-Unis. Afin de garder un souvenir canadien de l'innovation de Jean-Marc Desmeules, on donna le nom de Rideau Hall à la résidence du gouverneur général du Canada à Ottawa à partir de 1867, l'année de la confédération.

 

rideau hall.jpg

 

Rideau Hall, 1867. C'est le nom qu'il nous reste

 

C'est avec cette technique de construction que l'on a érigé l'Empire State Building en 1930 à New-York. C'est sous une autre appellation que l'innovation de Jean-Marc fut désignée: le curtain wall technic. Ce fut le début des gratte-ciel. Bien sûr la nouvelle technique est responsable de l'érection de structures toujours de plus en plus hautes. Cher Jean-Marc, tu ne l'aura pas su.

 

               construction de l'empire.jpg          empire-state-building_22.jpg

 

L'Empire State Building de New York et le début des gratte-ciel

Cré Jean-Marc, s'il avait su

 

Retour vers le futur

 

Les aptitudes de Jean-Marc dans le domaine de l'ingénierie et de la construction se sont perpétuées dans le temps. Il est peut-être difficile d'aller voir l'Empire State Building à New-York, mais la visite de la chapelle de Valin est plus facile à faire. Cette petite chapelle a été construite en 1913, l'année de la naissance de maman. Elle est encore debout (mais pas maman) et en excellent état. Elle a fêté ses 100 ans avec plusieurs membres de notre famille. Elle est située dans le Canton Tremblay où j'habite mais nous sommes séparés par la ville de Chicoutimi-Nord. C'est Joseph, mon grand-père, le fils aîné d'Épiphane, qui l'a construite aidé de deux acolytes.

 

Chapelle de Valin.jpg

 

C'est là, à proximité du chemin Desmeules,

en arrière de la maison d'Épiphane.

 

Il n'a pas utilisé la technique de Jean-Marc, le mur rideau, car l'envergure du bâtiment, dans sa sobriété, n'exigeait pas tant de prouesses d'ingénierie.

 

chapelle photo.jpg

 

La chapelle dans toute sa sobriété

 

Par contre, ce qui est remarquable, ce sont les fermes de toit, structures mécaniques qui doivent supporter le poids du toit lui-même et celui de la neige ou de la glace. La conception des fermes est assez originale. Si Joseph construit une chapelle et dans laquelle on a une conception qui sort de l'ordinaire, peut-on penser que Joseph a le même sang que Jean-Marc? Il n'y a pas le moindre doute.

 

Retour vers le passé...



13/02/2016
6 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 63 autres membres