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2020-04-17-La grande histoire-Appendice I-La Westfalia à Jean-Luc

C’est une folle histoire qui vous est racontée par les deux protagonistes. La première partie est celle de Jean-Luc pour qui tout arrive. La deuxième partie est ma version en humour. La troisième partie est une courte présentation technique de la Westfalia.

 

Le drame vu de face par Jean-Luc

 

Mon côté nomade, renforcé par mes gênes amérindiens, m'a toujours poussé à partir et repartir. Petit, je menaçais souvent de m'en aller pour faire chanter ceux qui me tenaient tête. Et un jour, je suis parti pour des pays lointains, et je suis revenu, et je suis reparti. Paradoxalement, je cherchais le bonheur dans le lointain alors qu’il était tout près sans que j'aie à m’exiler. Mais une dernière fois, je suis retombé dans le panneau :  j'ai voulu repartir.

 

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Ça ne finira jamais

 

 

Une  petite annonce : « Westfalia à vendre, en bon état, ayant déjà appartenu au chanteur Paolo Noël. Découpure de journal  à l'appui, la photo montrait le chauffeur au volant, l'anneau à l'oreille, la tignasse longuette. Je me voyais déjà parti au long cours pour l'Amérique du Sud dans un engin qui m'aurait causé des problèmes dès le départ ; je ne savais même plus comment conduire avec une boîte de vitesse manuelle.

 

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Où est l'anneau à l'oreille?

 

On est en  2000 et avec mon ingénieur de frère, nous voilà à Arvida pour voir le trophée : « Ouais, ça peut faire l'affaire, y a du travail mais je peux t'arranger ça ». VVVVVVVVVVVENDU. La misère me guette. J'habite à Montréal et je suis arrivé à Québec pour m'occuper de ma sœur dans ses derniers mois ici-bas et de ses deux petits diables de filles qui  avaient besoin de divertissement. En plus il y a Dirca, la belle Pékinoise.

 

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Qui moi?

 

 

Un matin j'ai le OK de ma sœur et, dans ses larmes, je pars avec mes nièces. Intercar nous amène à Chicoutimi et ma sœur de downtown Chicoutimi nous accueille. Dirca, la petite chienne, n'est pas laissée derrière et hop, dans  mon sac à dos et, à l'insu du chauffeur, le voyage commence. Tout faire pour dissimuler le petit chien est difficile.  Elle se sort la tête: « Oh ,  qu'elle est belle ».  Je lui entre et re-rentre la tête. « Monsieur est-ce que je peux la voir » ?  Toute la rangée est en admiration et le chauffeur tocson rubicond a tout vu: « Monsieur, les chiens ne sont pas admis. La prochaine fois, là ... ».  Et il y aura une prochaine fois.

 

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Du calme, du calme

 

 

Un peu après avoir acheté la Ouesse (surnom affectif de Westfalia), je devais rentrer à Québec avec ma couvée de filles et leur bête. Au volant de mon acquisition, à peine arrivé devant la prison des hommes, ça sent fort : le feu est dans le moteur en arrière.  Arrive la police, on regarde le feu faire se premiers ravages. Ma sœur de downtown Chicoutimi vient nous chercher. Je suis en larmes, ou presque, ce genre d'incidents me dépasse. Je n'ai pas encore d'assurances non plus, je viens d'acheter l'engin. On fait venir Réjean, c'est lui dans la famille qui assure le calme dans des moments de panique de tout acabit, de mécanique par exemple. Entretemps les pompiers ont fait leur travail. La Ouesse sera remorquée pour les premiers travaux, un impressionnant nouveau moteur posé, Peugeot svp, et la carrosserie retapée.

 

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C'est Malraux qui le dit

 

 

Mais avant toutes ces manœuvres, qu'est-ce qu'on va faire des filles? La mère les attend. Bon tout le monde dans l'Intercar, la bête dans mon havre-sac et on part pour la capitale nationale. « Wow,  non, monsieur!!! », le tocson rubicond  nous a reconnus, c'était trop facile.  « Oui,  mais ma sœur est très malade et ses deux filles doivent revenir à la maison. « NON!!! - On remplit les papiers  pour mineures non accompagnées, mon angoisse a monté d'encore un cran. Les deux filles voyageront seules, leur tante Bibi et l'oncle Robert  viendront les chercher à la gare d'autobus, la mère respirera un peu mieux, elle qui avait déjà tant de mal à le faire.

 

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Content là? Pas de chien.

 

 

Moi, bon, moi et la Ouesse, on aura une liaison  difficile. Elle sortira comme un sou neuf des mains de l'ingénieur-mécano de la famille et j'ébaucherai des voyages lointains sans jamais les faire. À Montréal, après la fin de ma garde, ma sœur partie pour l'au-delà, ma Ouesse passera chaque jour d'un côté et de l'autre de la rue Hogan, stationnement montréalais oblige. Un jour je la retrouverai en bas de la côte pour ne pas l'avoir laissée sur le brékabra, le frein d'urgence. Et enfin l'ultime séparation, lors d'un retour à Chicoutimi, dû à la convoitise d'un sportif : il l'avait repérée dans un stationnement d'épicerie et avait vite vu combien elle était belle.  Veuf de ma Belle, je resterai tranquille et mes idées de voyages exotiques, lentement, feront place à des  plans moins aventureux et à  ma mesure.

 

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Ce n'était qu'un rêve

 

 

Le drame vu de côté par Réjean

 

Je reçois un appel téléphonique de Jean-Luc qui semble découragé. Il me dit que sa Westfalia a pris en feu. Voilà, maintenant je dois essayer de comprendre la situation. La première image qu’il me vient en tête d’est qu’il y a eu un feu qui s’est éteint par lui-même. Mais non et à force de le questionner et d’obtenir des réponses plus ou moins pertinentes, je réussis à reconstituer l’histoire et elle est tragique:

 

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Quoi? Un feu?

 

 

En montant la côte de la rue Price, juste en face de la prison, l’arrière de la Westfalia est en feu. Je ne suis pas certain qu’il s’en est aperçu immédiatement mais une auto de police le suivait et c’est le policier qui a avertit les pompiers.

 

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La prison, la police, mais quel bordel

 

 

À peine avait-il arrêté le moteur que le camion d’incendie, la sirène criant des décibels et les gyrophares projetant des jeux de lumières à la « Guerre des Étoiles », se stationnait en travers du chemin. Un pompier, plutôt calme, demande à Jean-Luc s’il y a du propane à bord. Sans attendre la réponse, armé de sa hache de guerre, il pulvérise la vitre latérale et celle d’en arrière pour que son compagnon enfonce une lance à incendie noyant le lit du petit campeur.

 

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Où est Jean-Luc, dans son lit?

 

 

Les pompiers sont sans pitié. Ils ouvrent le panneau arrière et pointent le jet de leurs extincteurs sur le pauvre petit moteur enflammé. Ils ne font pas dans la dentelle et heureusement, la poudre chimique a tôt fait de refroidir le moteur et de priver le feu de son indispensable oxygène. La situation est maîtrisée. La pauvre Westfalia git dans une marre d’eau, de poudre chimique et d’essence. Une triste fumée continue de monter vers le ciel plein bleu.

 

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Pauvre petite

 

 

Un des deux policiers éloigne les badauds qui ont assisté à un impressionnant spectacle pyrotechnique pendant que l’autre demande s’il y a des blessés. Non, apparemment tout est beau, n’appelez pas l’ambulance. Comment ça tout est beau? Et le pauvre Jean-Luc dans tout ça : il arrive à peine à balbutier quelques mots. C’est un choc, vous savez.

 

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Mets-en

 

 

Mais bon, « the show must go on » et sans s’y attendre un camion à plateforme de remorquage arrive lui-aussi tous gyrophares allumés. Les pompiers sont repartis, quelques badauds en ont assez vu et repartent. Sous la supervision des policiers, l’homme du remorquage, coiffé d’une casquette réglementaire à l’effigie de « Budweiser » entreprend la dernière épreuve. La Westfalia est tirée sur la plateforme sans ménagement. Elle n’a plus de force. Dans ses derniers spasmes, elle laisse échapper un filet d’huile, se dégale de débris de verres et crie son dernier souffle lorsqu’on lui passe les sangles autour des roues. C’est la fin.

 

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C'est une triste fin

 

 

Après qu’il ait vu partir son rêve en fumée, Jean-Luc se rend chez sa sœur Gisèle, à pied. Elle demeure tout près, sur la rue Riverin. Toc, toc, toc? Qui est là? Demande-t-elle? C’est moi, lui répond-t-il. Toute joyeuse, elle lui demande : « comment cela va-t-il »? Avec son air déconfit, il répond que sa Wesfalia est morte. Après avoir raconté son histoire, Gisèle, avec son positivisme légendaire, lui dit : « ben voyons, on va appeler Réjean ».

 

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Ah non, pas lui !

 

 

Revenons à l’appel téléphonique. Après avoir compris la situation, je demande où la pauvre a été remorquée. Je suis dans le déni. Je ne veux pas admettre qu’elle est une perte totale comme Jean-Luc veut bien me le faire comprendre et j’ai espoir de la remettre sur ses roues. Arrivé dans la cour du garage, je suis découragé. Elle est là, sans vie, le flanc gauche boucanné, les vitres fracassées, suintant d’essence.

 

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Ça sent pas bon

 

 

Je vais voir le remorqueur qui a flairé déjà la bonne affaire. Sans même lui avoir posé de questions, il me donne toutes ses réponses et elles sont toutes reliées à un signe de piastre :

Il y a le remorquage, il y a la décontamination du site, il y a l’entreposage, il y a le nettoyage du camion de remorquage, etc.

 

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Crosseur !

 

 

Bon, bon, bon. Je retourne chez-moi et je commence la résolution de problème. Je demande à Jean-Luc s’il l’avait assurée comme il se doit. Il me répond que oui tout est enregistré mais que ce n’est pas payé encore et qu’il restait à déterminer si la couverture d’assurance s’appliquait seulement à la responsabilité civile ou incluait le véhicule lui-même. Merde, que je me dis et à Jean-Luc, je lui dis : « appelle tes assurances, prends la couverture complète et PAYE ». Ce qu’il fait, par bonheur. Alors, ce que je vois dans ma tête, c’est un véhicule assuré le même jour qu’il est accidenté. Est-ce que la compagnie d’assurances va accepter la réclamation? Je me croise les doigts.

 

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Pourvu que ça marche

 

 

Le lendemain ou le surlendemain, je fais les démarches. Incroyable, mais vrai, on ne me parle même pas de la date de l’accident. À la place, on m’avertit que l’assurance couvre toutes les réparations et le remorquage mais ne couvre pas la pièce qui a causé le feu. Ok madame, pas de problème, on va la payer la pièce. C’est un tuyau cassé qui ne coûtera que deux dollars.

 

Après être certain que je pouvais faire les réparations, je fais remorquer la Westfalia à mon garage sur St-Denis. Je retire l’ensemble moteur-transmission que je garde dans le garage. Je fais remorquer la Westfalia chez le carrossier Grandisson pour réparation et peinture neuve complète. Pendant qu’on lui fait des greffes pour grands brûlés, je m’occupe du moteur. Il est en piteux état : le carburateur en aluminium a fondu comme une chandelle, la courroie est en cendres, le distributeur est une perte totale et que dire des fils à bougies. Je réussis à localiser des pièces usagées à Trois-Rivières. Je vais les chercher dans la fin de semaine qui suit. Pendant des jours, je démonte, je nettoie, je remonte, je lui parle et directement sur la table d’opération, je lui fais faire ses premières explosions. Il a repris vie. Victoire.

 

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Il tourne !

 

 

Après environ trois semaines à l’atelier de carrosserie, la Westfalia revient sur St-Denis avec une robe toute neuve. Elle est étincelante de beauté. Je la fais entrer dans le garage et lui remet son cœur neuf. Après lui avoir retiré tous les accessoires pour sa survie, je démarre le moteur. Il est un peu excité, ça se comprend, et je dois lui ajuster sa respiration. Finalement, derrière le volant, j’embraye et lui fais faire ses premiers tours de roue. Voilà Jean-Luc, tu peux venir la chercher.

 

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Elle est ressuscitée

 

 

La Westfalia. Mais qui es-tu?

 

C’est un petit véhicule récréatif construit sur un châssis Volkswagen de type Combi appelé aussi Type 2 par opposition à Type 1 qu’on appelle aussi Coccinelle. Il est aménagé en campeur par la compagnie Westfalia. Cette compagnie est située en Westphalie, une région historique d'Allemagne. C’est un officier britannique qui aurait demandé à Westfalia d’aménager son Volkswagen pour qu’il puisse y travailler et même y dormir.

 

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La blanche, à droite, c'est la mienne

 

 

Oui mais j’ai vu une Westfalia qui n’était pas une Westfalia. C’est probablement une Dormobile. Dormobile c’est comme Wesfalia mais c’est une compagnie anglaise. Elle fait aussi des campeurs sur des châssis Volkswagen mais elle peut le faire sur des Land Rover ou des Bedford.

 

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La Doormobile d'un de mes amis

 

 

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Doormobile sur Land Rover

 

 

La Westfalia est souvent associée au mouvement hippie des années 60 sur la côte californienne. Elle représente la liberté, les voyages, les « peace and love ». Maintenant on comprend cette envie irrésistible pour Jean-Luc de posséder un tel véhicule.

 

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Pour les fumeux de pot

 

 

Mais ce n’était pas pour lui. Une van Volkswagen 1972 est un cours de mécanique ancienne sur quatre roues pas toujours droites. Je le sais, j’en ai eu une et j’ai tout refait la mécanique des pistons du moteur à la pédale d’accélérateur en passant par tout se qui bouge entre les deux.

 

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Cours de mécanique 

 

 

La principale caractéristique de cette mécanique est le moteur. Il est situé à l’arrière comme la Renault Gordini. En plus, il est refroidi à l’air. Donc il n’a pas de radiateur mais juste un ventilateur pour souffler de l’air de refroidissement.Mais ce moteur n’est pas n’importe lequel moteur : c’est un moteur Porshe. Alors Jean-Luc, le savais-tu que tu roulais en Porshe?

 

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Il est vraiment beau le moteur Porshe

 

 

Ferdinand Porshe est un ingénieur autrichien né en Bohème. Y’a-t-il un lien avec la vie de liberté que procure la conduite d’une Westfalia? En 1893, à l’âge de 18 ans, il invente un moteur-roue électrique. Sérieux? Oui, sérieux. En 1933, il répond à Adolph Hitler, pour concevoir la Volkswagen. On y installe un moteur de quatre cylindres à plat refroidi à air. C’est à peu près le même moteur que celui d’une Porshe 911 sauf qu’il est plus petit et beaucoup moins performant.

 

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Tu vois-tu ça dans une Westfalia?

 

 

Ce type de moteur qu’on retrouve également dans les Subaru a les cylindres placés en opposition. Les tiges de culbuteurs sont à l’extérieur du bloc moteur et protégés dans un tube. Ce tube a tendance à laisser fuir de l’huile et a pour conséquence de faire des taches sur le pavage de l’entrée de la maison de son maître. C’est pour ça qu’on ne dit pas qu’une Westfalia perd de l’huile mais plutôt qu’elle marque son territoire.

 

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C'est pas de l'huile ça

 

 

Autre caractéristique est la suspension à tige de torsion. Plutôt que de suspendre les roues avec des ressorts à lames ou hélicoïdaux, on les fixe sur une barre qui pivote au bout d’une tige de torsion. C’est le même type de suspension qu’Armand Bombardier a utilisé sur ses Autoneige B12. C’est pour ça que lorsqu’on conduit une Westfalia, on a l’impression de se faire bercer un peu comme dans un voilier.

 

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Même chose que sur une Autoneige B12

 

 

Il y a tant à dire sur ce charmant véhicule qu’il faut quand même lui trouver un gros défaut. Lorsque vous êtes assis à l’avant, il n’y a qu’un petit mur de tôle qui vous sépare de l’extérieur en cas de collision. Autrement dit, vous n’avez aucune protection. En cas d’accident frontal, vous passez des nuages de fumée de marijuana à nuages du paradis. Mais vous reposerez en paix.

 

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Salut, on part

 

 

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Elle était belle, hein Paolo?

 



17/04/2020
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