pharamen

pharamen

2013-10-20-La grande histoire-Joseph à l'Île d'Orléans

Les jours se suivent et se ressemblent. Joseph est du même sang que François, son père. Il a besoin d’aventures. Pendant son travail à charger les bateaux, son regard porte souvent sur l’Île d’Orléans, la Ouindigo, nom algonquin qui signifie « coin ensorcelé ». En effet, il ne sait pas pourquoi, mais quelque chose l’attire sur cette île. Serait-ce les belles terres agricoles? Non, tout comme son père, il n’est pas très porté sur agriculture. Serait-ce les vignes et le vin? Jacques Cartier l’avait déjà baptisé Bacchus, cette île, comme le dieu romain du vin et de l'ivresse. Non, il ne pense pas du tout à boire. C’est un titillement qui accélère les battements de son cœur.

 

Carte de l'île.jpg

 

L'Île d'Orléans juste à droite de Kébec

 

Au matin du 5 octobre 1707, par un beau jour ensoleillé, profitant du courant de jusant, Joseph s’embarque sur une chaloupe troquée il y a une semaine contre son épée gravée aux armoiries du roi Louis XIV. Il avance si vite avec le courant qu’il manque son arrivée et finit par accoster à l’extrémité Est de l’île dans la paroisse de St-François. Comme rien n’arrive pour rien, il décide d’y rester.

 

 épée3.jpg

 

L'épée

 

chaloupe.jpg

 

La chaloupe

 

Il marche longtemps vers l’intérieur des terres et, tout comme son père 24 ans auparavant, il aperçoit la Ouindigo ou plutôt sa Catherine. Elle travaille aux champs à cueillir les patates. Comme elle est belle avec ses hanches fortes, ses bras musclés et son air ingénu!  Il l’aborde sans plus de cérémonie par un bonjour enjoué. Elle se retourne et il tombe sous le charme. Ses yeux sont clairs et porte un voile qui laisse entrevoir ses cheveux blonds. Elle porte un crucifix de bois suspendu à son cou laissant les pieds du Christ descendre où c’est pas permis. Ce sont des signes pour sûr. Elle lui répond d’une voix amusée. Tous ses frères et sœurs sont déjà à leur rencontre. On en profite pour faire une pause. Les patates, c’est un travail de poutine. La famille Dubeau est très sympathique et on invite l’étranger à partager le repas du soir et à dormir dans la dépense au travers des cruchons de bettes.

 

cueillette patate.jpg

 

Catherine et une de ses soeurs dans le champs de patates

Malheureusement, on ne voit pas les pieds du Christ.

 

Pierre Dubeau, le père de Catherine, n’hésite pas une minute et demande à Joseph s’il accepte de travailler pour lui contre le gîte et les vivres. La famille Dubeau n’a pas beaucoup de garçons et malgré la bonne volonté de ses filles, les travaux à la ferme ont besoin de bras forts. Joseph accepte volontiers, surtout que l’hiver est proche. On lui a raconté des histoires effrayantes sur le froid de la Nouvelle-France. D’ailleurs, son premier travail sera de fendre le bois de chauffage qui a été coupé le printemps dernier.

 

fendre le bois.jpg

 

Joseph et son tas de bois

 

Il aime bien se retrouver le soir avec cette famille de canadiens. La chaleur du poêle à bois est réconfortante mais l’ambiance dans cette maison l’est encore plus. On le comprend, l’ainée de la famille, Marie-Catherine, lui fait de beaux yeux. Elle, qui n’a jamais voyagé, aime bien les récits de Joseph surtout lorsqu’il raconte la vie dans sa Normandie natale et son terrible voyage sur le Pierre-Jean lors de sa traversée de l’Atlantique. Elle ne se lasse pas de l’écouter. Son léger accent la charme et son dynamisme l’envoute. Elle a 19 ans et pense que son mariage avec cet étranger est possible. Joseph comprend alors pourquoi il avait été tant attiré par cette île. Il pensa alors qu’il pourrait devenir un insulaire avec sa Catherine.

 

Le 20 novembre 1707, dans le village voisin de St-François, la cloche de la chapelle de St-Jean de l’Île d’Orléans sonne la célébration du mariage de Joseph et Catherine aux petites heures du matin. Pas un coq n’a réussit à se faire entendre pour célébrer le lever du jour. Les tourtereaux roucoulent et se regardent les yeux dans les yeux et se promettent la meilleure des vies.

 

Mariage Joseph.jpg

 

Catherine, sa croix tentatrice et son Joseph lors du mariage

 

L’hiver est tout proche et Joseph vit sous le même toit que sa belle-famille. Les travaux à la ferme sont moins exigeants et il en profite pour faire des escapades dans les environs, histoire de maitriser l’hiver. Il ne tarde pas à se lier d’amitié avec quelques amérindiens qui lui montrent comment se déplacer plus rapidement en chaussant des raquettes. Mais qu’est-ce que c’est que ces machins? Il s’instruit de leur construction : cadre en bois de frêne et tressage en babiche. Il apprend à se couvrir de vêtements de peaux d’animaux sauvages.

 

babiche.jpg

 

Pattes d'ours en babiche

 

C’est ainsi qu’il se fait des amis dans le village voisin : St-Jean. Pour se réchauffer, il va souvent retrouver un groupe d’habitants qui se réunissent à la forge de monsieur Julien. Ce dernier est originaire de Shawinigan, village indien situé sur la rivière St-Maurice. Il a appris le métier de son père et il a toujours rêvé de travailler le fer. La métallurgie en est à ses débuts.

 

forgeron2.jpg

 

Monsieur Julien dans sa forge

 

Joseph est attiré par l’art de réunir des morceaux de fer par martelage à chaud. Il trouve assez impressionnant de pouvoir faire durer les choses usuelles en les recouvrant de fer comme par exemple, les roues des charrettes. D’ailleurs les forgerons de l’époque sont aussi charrons. À son retour à la maison des Dubeau, il n’arrête pas de parler de cette technologie à Catherine. Dans sa tête, un plan se prépare. L’agriculture, on le sait, ce n’est pas le fort des Demeulle.

 

forgeron3.jpg

 

Joseph dans la forge du maître

 

L’hiver 1707-1708 n’a pas été aussi effroyable que l’on le lui avait raconté. Serait-ce le climat de cette île entourée de l’eau du fleuve ou de la chaleur de ses habitants? Peut-être bien juste la maîtrise de cette saison que par les connaissances que ses amis indiens lui ont transmise.

 

Au printemps, Joseph veut s’établir à St-Jean et y pratiquer le métier de forgeron. Mais ce n’est qu’un rêve. Monsieur Dubeau a besoin de Joseph pour les travaux de la ferme. Il consent à reporter ce rêve et à la fin de l’été 1909, il quitte la ferme Dubeau avec Catherine pour aller vivre à St-Jean tout près de la forge Julien. Il avait déjà entrepris des démarches pour travailler à la forge. Monsieur Julien lui a trouvé une petite maison que son fils, décédé l’hiver précédent, avait occupée. Catherine est heureuse de se retrouver avec son homme pour elle toute seule. Joseph est tellement ragaillardi qu’il retrouve une vigueur jamais égalée. C’est ainsi que Catherine se retrouve enceinte de son premier enfant en janvier 1710. C’est quand même trois ans après leur mariage.

 

Maison2.JPG

 

La maison offerte à Joseph

 

Joseph apprend le métier tel que déjà réglementé en Nouvelle-France. Son maître doit lui enseigner tous les secrets de son art et lui donner le gîte, le couvert et les vêtements. En contrepartie,  l’apprenti s’engage à obéir aux ordres de son maître et à faire son profit. L’apprentissage dure trois ans. C’est après que Joseph obtient son certificat de forgeron. Il sera le premier métallurgiste de la famille.

 

forgeron.jpg

 

L'apprenti Joseph et le maître Julien

 

En septembre, Catherine accouche de la première Demeulle en terre canadienne. On la prénomme Geneniève. Malheureusement, elle meure deux ans plus tard des suites d’une méningite. Catherine, bouleversée par le chagrin, ne savait pas qu’elle était enceinte. Elle accouche d’une autre fille en février 1713.

 

Geneviève2.jpg

 

La petite Geneviève, première petite Demeulle en sol canadien

 

 

C’est ainsi que les années passent. Joseph a hérité de la forge de monsieur Julien avec qui, il faut le dire, il entretenait une relation presque filiale. Catherine, en bonne catholique, donnera naissance à 7 filles et 5 garçons.

 

Joseph a 39 ans et Catherine 37 ans lorsqu’arriva le petit Charles, le 3 octobre 1724. C’est le dernier garçon de la famille. Deux autres filles viendront compléter cette belle famille canadienne, la première famille Demeulle. Joseph meurt à 69 ans en octobre 1754 et Catherine lui survécut pendant six ans jusqu’à l’âge de 73 ans.

 

C’est le croque-mort du village voisin, Adélard Nolet, aidé de sa fille Antoinette qui s’occupèrent de la dépouille de Joseph.

 

corbillard.jpg

 



20/10/2013
9 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 63 autres membres