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2018-04-10-La grande histoire - Joson voit double

Nous sommes toujours en 1793. Nous sommes toujours dans la révolution française. Joson a toujours 18 ans. Comme on l'avait dit, après sa saison de navigation, Joson a appris, comme tout le monde, que la reine Marie-Antoinette a été guillotinée comme son mari le roi Louis XVI. Comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, il apprit aussi que Mozart était mort. C'est une vieille nouvelle car elle remonte à deux ans mais comme la nouvelle vient de Vienne, ça pris plus de temps à venir, Vienne étant située en Autriche qui est plus loin que la France. Wolfgang Amadeus Mozart est mort le 5 décembre 1791 à 35 ans. Il avait déjà commencé à décomposer.

 

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Wolfgang Amadeus Mozart 

 

L'hiver s'en vient et Joson a de beaux projets à réaliser avec son frère Jean-Marc. Fort de l'enseignement des séminaristes, il a décidé de se construire un alambic et de fabriquer de la vodka avec les fameuses patates de l'Isle-aux-Coudres. Pendant ses permissions à Québec, Joson a pu se magasiner une bouilloire en cuivre, véritable œuvre d'art, qu'il a obtenue à gros prix dans un magasin pour gens cossus.

 

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Alambic en devenir

 

De même, il s'est trouvé du tuyau de cuivre, très rare à l'époque. Pour s'en procurer, les gens du séminaire lui avait refilé un tuyau. Pour le reste, il saurait se débrouiller. C'est ainsi qu'avec Jean-Marc, frère, il construisit son alambic. Jean-Marc, père, était au courant de cet illicite projet. Plutôt que d'interdire cet accroc à la morale, il encouragea son fils à développer ses talents de chimiste, lui qui avait déjà démontré ses talents d'ingénieur en mécanique. De toute façon, il ne croyait pas tellement à la production d'eau-de-vie avec ses vieilles patates.

 

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 Schéma de l'alambic:

la bouilloire à gauche, le petit boire à droite

 

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Jean-Marc, père, à gauche

Jean-Marc, frère, à droite

 

 

Les premières expériences donnèrent des résultats assez encourageants. L'alcool produit était mauvais au goût mais faisait tourner la tête. Les quantités étaient vraiment petites, juste assez pour mouiller le fond d'un verre. Tant mieux, car Jean-Marc, frère goûteur, perdait la tête assez vite.

 

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J'en perds la tête 

 

L'hiver passa relativement vite d'autant plus que Joson fit la connaissance de Constance, une gamine de 11 ans, très délurée. Elle venait à l'occasion avec son père, Joseph-Louis Bouchard, visiter les Desmeules pour la coupe du bois de chauffage. Monsieur Bouchard était veuf depuis une dizaine d'année et Constance était sa petite dernière. En fait, sa femme est morte suite à un accouchement manqué alors que la petite dernière avait 14 mois. Le bébé s'était mal présenté et mourut à la naissance. La pauvre maman décéda quelques jours plus tard à cause d'une infection. Dans ce temps là, malgré les précautions d'usage, il était difficile d'avoir un environnement stérile. Constance n'a pratiquement pas connu sa maman morte à 32 ans. Elle a été élevée à la dure avec ses deux frères et ses deux sœurs. Joson aimait bien l'agacer car elle ne s'en laissait pas imposer. La riposte était instantanée et à la hauteur de la taquinerie. Il la revit quelques fois pendant l'hiver.

 

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La petite Constance à 11 ans

 

À la fin du printemps, Joson était prêt à reprendre la mer pour une autre saison de navigation. Tout va bien en Nouvelle-France. C'est tellement calme et routinier, que Joson pense de plus en plus à s'émanciper dans la distillation. Il continue d'en apprendre sur la chimie avec ses amis du séminaire. Après la saison de navigation, il envisage de grossir l'alambic et de maitriser un peu mieux la recette de ses eau-de-vie. Il a acheté du nouveau matériel et connait un peu plus le procédé et ses limites. Cette deuxième saison de l'alambic lui permettra de produire de plus grande quantité d'alcool mais surtout de lui donner un goût savoureux.

 

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Schéma de l'alambic en version insdustrielle

 

À l'automne 1994, Joson, aidé de Jean-Marc, frère, construisit une cabane entre le caveau à patates et l'étable. C'est dans cette modeste usine qu'il assembla un alambic digne de ce nom. Avec le moût de patates préparé dans une grande cuve en bois, il réussit dans une seule distillation à préparer deux bouteilles d'alcool. Jean-Marc, frère goûteur, en avait assez pour perdre la tête mais Joson limitait la goûtée. Selon le goûteur, c'était vraiment mauvais.

 

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La cuve en bois

 

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C'est vraiment mauvais

 

Mais qui vient se mêler des expériences alcoolisées des deux frères? La jeune Constance, bien sûr. Joson est très heureux de l'accueillir dans sa cabane. Elle est très intéressée par la chimie éthylique de Joson et est très désolée que le liquide goûte mauvais. Mais cette présence féminine va interférer de belle façon dans la production d'alcool. Elle raconte aux deux gars qu'elle cueille des baies de genévrier et s'en sert pour la cuisine. D'ailleurs, elle en a déjà apporté à Jean-Marc, père, qui les a introduites dans sa recette de rognons de veau.

 

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Rognons de veau avant cuisson

 

Joson, dont les talents culinaires sont inexistants, se demande bien ce que sont les baies de genévrier. Simplement, le genévrier est un arbuste qui pousse comme du chiendent. On l'appelle souvent le poivre des pauvres. Il produit une baie (un fruit) qui devient noire à maturité. Constance, suggère donc d'en écraser quelques-unes dans l'alcool pour le parfumer. Étrangement, Jean-Marc, goûteur, sourit plutôt que de grimacer.

 

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 Baies de genévrier qu'on appelle galbules

 

 

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Le sourire en dit long

 

Joson décide de donner un nouveau nom à son eau-de-vie fait avec des patates, ce sera l'Aquavit. Accélérons le cours de l'histoire: les anglais utilisèrent l'idée de Constance pour fabriquer leur gin élaboré à partir d'un malt de céréale. Cette boisson est restée populaire dans la famille Desmeules car une descendante fut surnommée Gin-zèle à cause de son faible pour la dégustation de son dry gin en apéro.

 

 

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Gin-zèle Desmeules

avec l'Aquavit de Joson et le sourire de Jean-Marc, frère

 

Après la saison 2 de la production d'alcool, si bien nommé l'Aquavit, il y a eu une saison de navigation et la saison 3. C'est l'automne 1795 et Joson a encore acquis des connaissances au séminaire. Le projet maintenant est la double distillation. Il a appris et compris que le mauvais goût de l'alcool produit par son alambic provenait des esters. Ce sont des dérivés chimiques qui sont aromatiques. Des fois c'est bon mais là, c'est pas bon. Avec la double distillation, on se débarrasse des esters. L'alcool produit est pur et sans parfum. Comme son nom l'indique, la double distillation est une double passe ou l'action de distiller deux fois. Pendant la saison 3, le trio Joson, Jean-Marc, frère, et Constance ont réussi à produire une très bonne quantité de bouteilles d'alcool: l'Aquavit, bien sûr, car Constance y tenait et l'alcool fin (double distillation).

 

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Le procédé s'améliore: la double distillation

 

 

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L'Aquavit au genévrier

 

 

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L'alcool fin de la double distillation

 

 Il n'y a pas que l'alcool qui donne des chaleurs. Ce qui transcende dans cette histoire d'alambic et de distillation, c'est la complicité qui s'installe entre Joson et Constance. Au printemps 1796, ils ont respectivement 21 ans et 13 ans. Joson se voit déjà en couple avec cette jeune partenaire mais est-elle trop jeune pour se marier? Non. Le mariage est possible si le garçon a au moins 14 ans et la fille au moins 12 ans. À cette âge, non seulement elle peut se marier, mais elle peut aussi avoir des enfants, encore faut-il que son corps ait obtenu sa maturité. Avant de partir pour la navigation, Joson lui promet le mariage à son retour. Trop contente de quitter sa vie de famille actuelle, Constance accepte et espère son retour tout l'été. Sur son bateau, il se dit: "elle a le même prénom que ma mère, ça fait drôle d'y penser".

 

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Motel "Mon Repos" 

 

Le 25 octobre 1796, les cloches sonnent à St-Louis de l'Isle-aux-Coudres pour le mariage de ces deux jeunes gens. Les parents n'ont pas grand conseils à donner. C'est la vie. Ils acceptent plus par raison que par le cœur et espèrent une bonne vie pour leurs enfants. C'est Jean-Jacques Berthiaume, le curé ami de Jean-Marc, père qui les maria. Dans les documents de l'église, J-J inscrivit: Constance Bouchard, fille mineure de Joseph-Louis Bouchard. En ces temps-là, les mariées étaient toujours mineures car avant 25 ans, elles l'étaient par la loi et après elles étaient déclarées vieilles filles. L'hiver approche. Ils vivront chez Jean-Marc, père et Constance, mère, jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée pour leur vie à deux.

 

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Trop jeune, fillette

 

 



08/04/2018
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