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2021-01-31-La grande histoire – Épiphane entre en confédération

Depuis qu’Épiphane est revenu de Québec, il n’est plus le même. Lui qui était toujours plein d’entrain, le voilà morose. Serait-il en amour ou peut-être en peine d’amour? Ça arrive ces choses là à treize ans. Non, il a goûté à la grande ville et maintenant il trouve son petit village bien ennuyant. Il ne pense qu’à se sortir de son trou. Saint-Agnès, c’est bien beau mais c’est vraiment un trou. Il est situé trop loin du monde, trop loin de Clermont, Pointe-au-Pic ou Baie Saint-Paul. Il n’y a rien à faire ici. Il n’y a pas d’avenir. Il y a pire encore, c’est une terre de roches et on ne peut pas dire que les fermes sont florissantes. Épiphane a perdu le moral. Et l’hiver qui s’en vient. Y’a rien à faire l’hiver.

 

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Saint-Agnès aujourd'hui, imagine dans le temps d'Épiphane

 

 

Espérons que la nouvelle année 1866 apportera des choses intéressantes. Non même pas. Les journaux rapportent des inondations du printemps à Montréal, mais çà, c’est à toutes les années. On dit que le Square Victoria est envahi par les eaux. Mais pour Épiphane, Square Victoria ne lui dit absolument rien. Pourtant Victoria, c’est la reine du pays.

 

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Square Victoria, c'est qui elle?

 

 

Par contre lorsqu’il entend parler du grand feu de Québec, là il est vraiment interpellé. C’est arrivé à l’automne. Quand il pense qu’il avait vu cette ville l’année passée. Il est vraiment triste d’apprendre cette tragédie. En une journée, le feu a détruit près de 3 000 bâtiments et il y a eu 7 morts. Le quartier Saint-Roch a été touché sévèrement. Épiphane se rappelle qu’il a pris le tramway exactement là sur la rue Saint-Joseph. Il voudrait bien y aller pour donner un coup de main pour reconstruire la ville mais il n’y a aucune opportunité qui se présente.

 

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Le grand feu de Québec de 1866

 

En attendant, l’année 1867 se présente et là il va y avoir de l’action. On forme la confédération canadienne. Pauvre Épiphane, simple paysan de Saint-Agnès, tu ne comprends rien à tout ça. C’est pas grave, mon cher arrière grand-papa, il n’y a pas beaucoup de monde qui comprend et c’est pour ça que je vais te l’expliquer.

 

Cours d’histoire dans la Grande Histoire

 

Commençons par définir certains mots :

 

Paysan : personne vivant à la campagne d'une activité agricole lui permettant l’autoconsommation. C’est toi, Épiphane.

 

État : ensemble de personnes vivant sur un territoire déterminé et soumis à un gouvernement. Toi, Épiphane, tu es un paysan vivant dans un État qu’on appelle province de Québec.

 

Souveraineté : droit absolu d'exercer une autorité sur un pays ou sur un peuple. En clair, c’est l’indépendance, Épiphane, l’indépendance!

 

Confédération : alliance entre plusieurs États indépendants qui se regroupent sans renoncer à leur souveraineté. Retiens bien çà, Épiphane.

 

Fédération : partage de souveraineté entre les États fédérés et l'État fédéral qui est doté d'une constitution. Vois-tu la différence, Épiphane? Non?

 

Différence entre une confédération et une fédération : dans une confédération, la souveraineté appartient aux États qui composent l'ensemble. Dans une fédération, la souveraineté appartient uniquement à l’État fédéral. Ne t’inquiète pas, Épiphane, tu vas comprendre plus tard.

 

Dominion : État membre de l'Empire britannique.

 

Province : pays conquis assujetti aux lois du conquérant (l’Angleterre dans notre cas) et administré par un gouverneur (premier ministre). Oui, je sais, c’était dans le temps des romains mais c’est encore valable pour nous.

 

Nation :  peuple qui possède une unité historique, linguistique, culturelle et économique. Toi, Épiphane, tu viens d’une culture française et tu parle français. Une autre définition est : ensemble des personnes d'un même peuple qui se trouvent dans un pays étranger. On en reparlera, Épiphane.

 

Et maintenant, place à l’histoire du Canada :

 

Avant d’arriver à la Confédération canadienne de 1867, il y avait le Canada-Uni qui regroupait le Haut-Canada et le Bas-Canada ou si on préfère, l’Ontario et le Québec. On dit Canada-Uni mais le Canada n’a jamais été uni. Après la rébellion des Patriotes, Lord Durham voulait éliminer le peuple Canadien Français. Son rapport servira de texte de référence pour établir la Confédération canadienne.

 

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Les colonies anglaises

 

 

Le premier ministre conservateur, monsieur John A. Macdonald, est un moyen toryeu qui voudrait bien avoir un meilleur contrôle sur la colonie. Il ne faut pas oublier que le Canada-Uni n’est pas un pays indépendant mais une colonie conquise par les Anglais. Ainsi, la colonie est sous la juridiction de l’Angleterre en la personne de la reine Victoria, une jeune femme dans la quarantaine, sans aucun rapport avec un virus même si elle a une personnalité très virulente.

 

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Elle était virulente dans sa quarantaine

 

 

John A. Macdonald est né en Écosse mais il immigre à Kingston en Ontario. Il devient premier ministre conservateur et il n’est pas fin. C’est à lui que l’on doit la Loi sur les Indiens et des pensionnats autochtones. Ce n’est pas pour rien que sa statue au square Dorchester à Montréal a été déboulonnée et décapitée plus d’une fois.

 

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Non, ce n'est pas madame Macdonald

 

 

Dans ce temps-là, le parlement se déplaçait entre le Québec et l’Ontario. Comme Macdonald était dans le « Conseil de la Reine », il magouilla avec Victo (petit nom affectif de Victoria) pour avoir le parlement en Ontario, peut-être même à Kingston où il avait émigré. À la surprise de tout le monde, la reine Victoria choisit Ottawa, une petite ville rustique située à la frontière entre le Canada anglais et français. Il faut quatre ans pour construire les édifices du Parlement, qui ouvrent leurs portes l’année précédente.

 

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Sir John A. Macdonald, le toryeu

 

 

En même temps, Macdonald magouille aussi pour réunir les colonies anglaises d’Amérique pour plusieurs raisons comme régler la discorde avec les francophones du Bas-Canada (Québec) et conserver un contrôle économique pour le commerce. C’est ainsi que le Canada-Uni se réunit avec les autres colonies anglaises comme le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. La Colombie-Britannique est trop loin mais on ne l’oublie pas. John A. Macdonald, chef du parti conservateur ne l’oublions pas, n’a même pas daigné inviter le le Parti libéral à ces discussions sachant qu'il s'y opposait! La majorité des délégués, à cette réunion, souhaitent préserver la souveraineté de leur colonie respective. On établit une liste de 72 propositions. Comme on s’en doute, il n’y a pas beaucoup de francophones à cette réunion mais on retient George-Étienne Cartier entre autres.

 

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Le magouilleur

 

George-Étienne Cartier est l’un des plus ardents défenseurs de la Confédération. Il est issu d’une famille relativement aisée et est avocat. Il côtoie les milieux patriotes pi yé bin fin avec les ti-québécois. Il compose même une chanson : Ô Canada, mon pays, mes amours. Mais lors de la révolte des patriotes, le pleutre sacre son camp aux États-Unis.

 

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George-Étienne Cartier, yé bin fin mais pleutre

 

À son retour d’exil, il est transformé. Il devient un admirateur de la Grande-Bretagne, aime les anglais et se vante d’écrire son prénom « George » pas de « s » comme le roi George. (C’est drôle, ça me fait penser à Pierre-Eliott Trudeau). Il fait alliance avec Macdonald et se range du côté du parti conservateur. C’est un monarchiste convaincu et un avocat brasseur d’affaires. Il devient l’avocat de la compagnie Grand Trunk Railway (chemin de fer du Grand Tronc) qui prévoit la construction d’un chemin de fer « inter colonial ».

 

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Alliés pour nous fourrer

 

 

Il fait un discours rassurant pour défendre les 72 propositions. Les Canadiens français n’ont rien à craindre, leurs droits et privilèges seront protégés par le Parlement québécois. Il a l’appui du clergé et juge que ses opposants comme de dangereux extrémistes.

 

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Court extrait du discours de George pas de "s"

 

 

Antoine-Aimé Dorion, lui, c’est le chef du parti libéral qui s’oppose à John A. Macdonald. Il est un fervent défenseur de la cause patriote et ne s’est pas sauvé aux États-Unis. Lui aussi fait un discours et il croit que chaque nationalité devrait disposer d’elle-même. Il est contre le clergé et voudrait plutôt instaurer une république. C’est organisation dont le pouvoir est exercé par des représentants de la population généralement élus.

 

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Antoine-Aimé Dorion, chef du parti libéral, c'est un bon

 

 

Il croit que les raisons officielles invoquées par Cartier ne sont pas pour le bien commun du peuple mais pour servir de puissants intérêts financiers comme le Grand Tronc.

 

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Il y a de l'argent à faire avec ça

 

 

John A. Macdonald souhaite un gouvernement central fort. Sans grands débats, en Angleterre, le 1 juillet 1867, la Constitution canadienne est votée. Ce qui s'est passé n'est pas digne des règles démocratiques : 20 députés conservateurs furent élus par acclamation, les candidats libéraux ayant été soit « achetés », soit enlevés le jour de l'assermentation.

 

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On s'est encore fait voler

 

 

C’est un lien colonial qui sera maintenu jusqu’à ce que Pierre Éliot Trudeau rapatrie la Constitution en 1982 en se foutant du Québec et de sa nation.

 

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1982

 

 

Autrement dit, le Canada qui nait en 1867 est un « Dominion » qui, par définition,  est un état indépendant membre de l'Empire britannique, point final. Ce nouveau pays a été formé sous la forme d'une fédération avec un régime de type monarchie. Ainsi, bien que le terme « confédération » (qui veut dire des états souverains) soit souvent employé, le Canada est bien une fédération (qui veut dire des états qui partagent leur souveraineté avec un état fédéral). La fédération canadienne est la négation systématique de la nation Québécoise comme le voulait Lord Durham. On aurait pu s’appeler Boréalia ( qui signifie Nord) comme Australia (qui veut dire Sud). L'Australie est aussi une fédération de six colonies anglaises.

 

Et qu'on se le dise:

 

Le Canada n'est pas une confédération

Le Canada est un dominion

Le Québec est un État conquis assujetti aux lois de l’Angleterre

Et c’est ainsi qu’à partir du 1 juillet 1867, Victoria est devenue la reine du Canada.

 

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Victoria, la reine du Canada.

"God Save the Queen"

 

 

Chère Victoria, tu es ma reine. Pour ceux qui ont vu la série Victoria à Radio-Canada, sachez que la représentation de la reine est quelque peu embellie. C’est normal, la série a été écrite par une anglaise et produite en Angleterre. L’actrice principale est anglaise et est jolie.

 

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Oups, mé trompé

 

 

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La reine Victoria à Radio-Canada 

Jenna-Louise Coleman, l'actrice anglaise

 

 

Je ne voudrais pas  dénigrer la reine mais je vais le faire quand même. Victoria était physiquement peu attrayante ; elle était corpulente, inélégante et ne mesurait qu'un mètre cinquante. La reine détestait être enceinte, considérait l'allaitement avec dégoût et pensait que les nouveau-nés étaient laids. Elle a eu quand même 9 enfants.

 

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Victoria et les enfants

 

 

Lorsque l’Irlande vécut une grande famine, Victoria est surnommé la « reine famine ». En quatre ans, un million d’Irlandais meurent de faim. Comme vous le savez, le sultan ottoman déclara son intention d'envoyer 10 000 £ pour les paysans irlandais, mais la reine Victoria demanda que le sultan n'envoie que 1 000 £, car elle-même avait donné seulement 2 000 £. Le sultan envoya donc 1 000 £ et trois navires remplis de nourriture. Eh bien les soldats anglais tentèrent de les bloquer.

 

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Victoria, surnommée "la reine famine"

 

Quelques années plus tard, Victoria séjournera en Irlande. La reine avertit de sa visite six ans à l'avance, le temps que la demeure soit redécorée. Elle y arrive avec son propre lit et une suite de plus de 100 personnes, rien de moins.

 

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Son lit, sa suite et sa décoration

 

 

Les révolutions de cette époque (à travers le monde), sous son règne, ont toutes été réprimées et les rebelles sévèrement punis (pendaison, exil, torture, saisie des terres et des biens. Et quand sir John A. Macdonald est arrivé avec ses 72 propositions de « fédération », il assure Victoria que le but de l’union est « de déclarer de la manière la plus solennelle et emphatique notre volonté d’être sous la souveraineté de Votre Majesté et de la Famille royale pour toujours ». Elle le félicita et signa en haut, en bas et partout partout. John A. Macdonald devient ainsi le 1er premier ministre du Canada.

 

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Ah ma reine, comme vous êtes majestueuse !

 

 

Puisque la reine demeure en Angleterre, elle a quelqu'un qui la représente à Ottawa souvent quelqu’un de parachuté de l’espace.  Le gouvernement canadien adopte une loi en 1901 faisant de la fête de Victoria un jour férié permanent en l’honneur du rôle de Victoria en tant que « Mère de la Confédération ». Le lundi précédant le 25 mai de chaque année, les Anglos du Canada fêtent la reine Victoria et les Québécois fêtent les Patriotes.

 

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C'est écrit en anglais, bien sûr.

 

Maintenant Épiphane, il faudrait que tu penses à te faire une meilleure vie au Saguenay.



01/02/2021
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