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2018-01-30-La grande histoire - Joson le marin

Résumons-nous un peu. Les américains qui vivent au sud du Canada ont obtenu leur indépendance et le proclament officiellement le 4 juillet 1776. Le petit Joson a alors 1 an et demi et marche partout dans la maison.

 

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Joson à un an (il ressemble à son père)

 

Washington (officier américain) qui a essuyé une défaite à Québec (par les anglais) abandonne l'idée de La Fayette (officier français) d'envahir la "province de Québec". Il en a plein les bras à combattre les anglais de la mère-patrie qui refusent l'indépendance de leurs colons en terres d'Amérique. Avec La Fayette, il va continuer la guerre des Français contre les Anglais dans son propre pays jusqu'en 1783. C'est alors que le Traité de Paris met à la guerre entre les Français et les Anglais  et rend officiel l'indépendance des États-Unis. Joson a 8 ans et court partout sur la terre des Desmeules.

 

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Joson à 8 ans (il ressemble à sa mère)

 

Joson peut maintenant grandir dans la paix avec ses frères et sœurs. Malgré la guerre qui se termine, Jean-Marc et Constance ont continué leur vie amoureuse dans la quiétude de leur île et ont fait des petits. Jean-Marc continue la production de patates et il s'adonne également à la pêche commerciale. C'est ainsi qu'il peut subvenir aux besoins de sa famille croissante. Il n'y a plus beaucoup de projets d'envergure sur l'Isle-aux-Coudres si bien que les défis d'ingénierie sont rares.

 

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Pêche commerciale à la fascine

 

Pendant ce temps, Alexander McKenzie travaille pour une compagnie de traite de fourrures qui œuvrait dans l'ouest. Il a 19 ans et fait venir d'Écosse, son cousin Roderick McKenzie qui a 22 ans, le fils d'Alexander McKenzie qui lui demeure en Écosse. Après fusion de différentes compagnies, ils travailleront pour la prestigieuse North West Company, compagnie de traite de fourrures qui est établie en Athabasca dans l'ouest du Canada. Les deux auront un autre membre de la famille qui travaillera pour la même compagnie. C'est Alexander McKenzie qui n'a que 16 ans, pas le fils d'Alexander McKenzie qui demeure en Écosse mais le neveu d'Alexander McKenzie qui travaille pour la grosse compagnie de traite de fourrures. Il suit mon oncle comme une tache. Ça fait beaucoup d'Alexander McKenzie et on s'y perd. Mais pourquoi parle-t-on de ces McKenzie? C'est qui eux? Soyez patients, nous y reviendrons. Laissons durer le suspense.

 

 

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L'Athabasca est dans le nord de l'Alberta et dans l'ouest du Canada

Ça fait que c'est la North West (facile)

 

 

Toujours en cette même année 1783, sur l'Isle-aux-Coudres, on célèbre le mariage de Marie-Charlotte Dallaire, la fille de François Dallaire. La belle enfant a 17 ans. Son père, tout comme notre premier ancêtre canadien de souche Charles, notre héro, est parti de l'Île d'Orléans pour venir s'établir sur l'Isle-aux-Coudres à la même période.

 

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La belle Marie-Charlotte

 

 

Mais pourquoi parle-t-on de cette Marie-Charlotte? Parce que son petit mari est Jean-Marie Maltais, le fils de Jean-Baptiste Maltais venu de St-Malo en France à l'âge de 14 ans pour travailler dans une maison sur l'Isle-aux-Coudres en 1740. Et Jean-Marie, toute comme notre premier ancêtre canadien de souche Charles, notre héro, est un canadien de souche issu d'un français de France. Ouais, pis? C'est qui lui? Soyez patients, nous y reviendrons. Laissons durer le suspense.

 

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Son petit mari Jean-Marie

 

Nous voilà rendus en 1790. Toute l'île est occupée. Toute? Oui, toutes les terres ont été concédées. Joson a 15 ans et il devra s'exiler car il n'y a pas d'avenir, les terres ne sont pas assez vastes pour faire vivre tout le monde. L'exode est là. La plupart des habitants de l'Isle-aux-Coudres s'exilait vers La Malbaie (St-Étienne), Ste-Agnès, St-Irénée, Les Éboulements, St-Hilarion.

 

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J'ai quitté mon île quand on m'a envoyé

L'ai quittée tranquille sans chanter ou pleurer

 

 

À 15 ans, Joson est un peu jeune pour se marier et fonder une famille mais il ne voit pas beaucoup son avenir sur l'île à cultiver des patates avec son père. Il est plutôt rebelle et a soif de liberté. Il se sent à l'étroit dans la maison familiale, il y a maintenant 9 enfants autour de Jean-Marc et Constance.

 

Joson aime bien se lever tôt et partir à l'aventure dans l'Île. Son itinéraire de prédilection est la traverse de l'île vers le mouillage des Français. En fait, il part de la terre des Desmeules, traverse la piste d'aviation (où son père a fait voler un cochon) et arrive sur la rive nord de l'île à l'endroit où on a construit un quai pour les pilotes: pas des pilotes d'avions car ils n'existaient pas encore mais bien des pilotes de bateaux. En ce temps-là, pour faire face aux dangers qui ne cessent d'augmenter avec le trafic maritime, les autorités coloniales anglaises ont constitué un groupe de pilotes. Ces derniers étaient des capitaines expérimentés qui connaissaient très bien le fleuve St-Laurent et leur fonction étaient d'assister les navires remontant le fleuve à partir du Bic près de Rimouski et de l'Isle-aux-Coudres. Joson passait la plus grande partie de la journée à flâner sur le quai et à rêver de partir sur une de ces goélettes.

 

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Le mouillage des Français est identifié par une ancre

 

 

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Le mouillage des Français

 

 

Justement, un jour que la Madeleine (les anglais prononçaient Mandline) faisait escale à l'Île, son capitaine, l'illustre Louis Sivrac remarqua le petit Desmeules qui s'émerveillait devant le bateau. Il aborda de jeune curieux et les deux se mirent à discuter de bateau. Il n'en fallu pas plus pour que le jeune Joson se découvre une passion maritime. Selon le capitaine, il pourrait travailler comme mousse sur le bateau à condition qu'il obtienne l'autorisation formelle de son père. Le capitaine lui donne rendez-vous dans deux semaines après son voyage au Saguenay pour aller y porter des  vivres et rapporter des ballots de fourrures de la North West Company pour qui travaille Alexander McKensie.

 

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La Madeleine

 

Louis Sivrac, natif de Beauport, est un marin qui a grandi sur la goélette de son père. Il a fait ses apprentissages comme matelot et est devenu capitaine en 1786. Il a embauché un bon nombre des meilleurs matelots venant tout droit de l'Isles-aux-Coudres, de l'Île d'Orléans, de Baie St-Paul et de La Malbaie. Il est bon ici de préciser ce qu'est un matelot. En ce temps-là, quand on parle de matelot, on parle vraiment de l'homme du mât. Les goélettes comme La Madeleine, étaient des bateaux à voiles. Le matelot est donc responsable de tout ce qui se rapporte aux voiles au mât et aux vergues. Et le mousse? Le mousse est un jeune garçon qui fait toutes les pires besognes sur le bateau. Inutile de préciser ces besognes mais disons que le lavage de la vaisselle et des planchers en font partie. Cependant, il est plutôt au service du capitaine et se rapporte directement à lui. Au moins il occupe les meilleurs locaux.

 

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Un mousse, ce n'est pas une pipe mais un sifflet

 

 

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Un matelot, ce n'est pas un vrai c'est un manequin

 

 

Depuis qu'il est capitaine, Louis Sivrac travaille pour la North West Company, la même compagnie des McKenzie qui a décidé de s'étendre jusque dans l'est du Canada. Il a été choisi pour naviguer sur le Saguenay, une rivière mystérieuse qui conduit à un poste de traite appelé Ichkoutimi, mot indien qui signifie: "jusqu'où, c'est profond". En fait c'est plutôt jusqu'où les indiens naviguaient avec leurs grands canots, car dépassé la baie de Ichkoutimi, on arrivait dans les rapides de Shipshaw, autre mot indien qui veut signifie: "rivière enfermée". C'est donc à Ichkoutimi (qui deviendra Chicoutimi, on s'en doute) que la North West Company a établi son poste de traite pour récupérer les fourrures.

 

 

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Ichkoutimi, poste de traite

 

 

Lorsque Joson revient à la maison tout enthousiaste à raconter son histoire à ses parents, il frappe un mur d'incompréhension. Pour sa mère, il n'est pas question que la mer prenne son fils. Pour le père, la réaction est moins un peu moins violente. La famille de Jean-Marc grossit et une bouche de moins à nourrir peut représenter un certain soulagement. Et l'enthousiasme de Joson est contagieux chez le père. N'a-t-il pas le même sang dans les veine que son propre père Charles qui ne pensait qu'à se faire un plus gros canot pour parcourir le fleuve St-Laurent? N'y aurait-il pas du sang de marin dans ces veines de Desmeules depuis Joseph, l'aïeul français qui a traversé l'océan?

 

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Enthousiasme contagieux

 

 

Les deux semaines ont été vraiment difficiles pour la petite famille. Constance est dans tous ses états. Son visage n'exprime qu'inquiétude et colère. Jean-Marc essaie de la raisonner et de lui faire comprendre que le Saguenay n'est pas  l'océan et n'est pas si loin. À 15 ans, Joson n'est plus un enfant. En ce temps là, on devenait adulte avant d'avoir la majorité. Devant les arguments de son mari et le bonheur contagieux de l'ainé de la famille pour son rêve, Constance a dû lâcher prise quelque peu. Oui mais les tempêtes? Les naufrages? Le froid? Les accidents? Les marins, ces hommes rustres? Oui mais maman, l'eau bleue? Le soleil couchant? Les nuits étoilées? L'aventure? Les découvertes?

 

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Mais maman, l'aventure... 

 

 

Finalement, Joson réussit à convaincre sa mère et par conséquent son père. Tel qu'exigé par le capitaine Sivrac, Constance rédigea le consentement écrit qui autorisait le capitaine à embarquer son fils sur la Madeleine. Comme bien des mamans du monde maritime, elle pensait qu'un enfant qui s'embarque est un enfant perdu. C'est avec beaucoup de peine et de résignation qu'elle laissa Jean-Marc signer le papier.

 

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La signature

 

 

Et les jours passèrent et Joson ne tenait plus en place. Dix jours après sa rencontre avec le capitaine Sivrac, il partait à tous les matin, à l'aube et traversait son Île pour se rendre au quai des pilotes. Le mois de juillet 1990 est particulièrement beau. Son bonheur décuple à chaque fois qu'il voit le fleuve du côté nord de l'île et aperçoit un bateau dans le mouillage des français. La Madeleine n'est pas là. Mais au dix-septième jour, au plus fort du soleil du midi, alors que la marée est montante et ,comme on dit sur l'Île, que la mer s'est "endimanchée", il voit poindre à l'est, du côté de la pointe d'en bas, un deux-mâts qui ne fait aucun doute est son bateau. Il est heureux et rempli d'émotion. Il se passe quelques heures avant que la Madeleine ne mouille son ancre dans le mouillage des Français. Les canots sont mis à l'eau et c'est Joson qui accueille le capitaine Sivrac sur le quai des pilotes. Ce dernier est bien content de le voir et lui annonce que s'il accepte toujours son offre, le bateau part dans deux jours pour Tadoussac. Le capitaine l'attendra jusqu'au soleil couchant car le bateau partira dans la nuit à la marée descendante. Joson lui promet de revenir.

 

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Le capitaine Sivrac arrive sur l'Île

 

Ce soir, c'est un jeune garçon rempli de rêves qui retourne d'un pas alerte vers la maison familiale. Il lui tarde de préparer son sac et de partir à l'aventure. La nuit est tourmentée par des rêves plus fous les uns que les autres.

 

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À suivre...



31/01/2018
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