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2014-08-12-La grande histoire-Charles et Scholastique, habitants de l'Isle-aux-Coudres

Si Joseph Savard et Marie-Joseph Morel ont formé la première famille à vivre sur  l'Isle-aux-Coudres, Charles Demeulle qui est devenu leur gendre en mariant leur fille Scholastique, est certainement l'un des tous premiers habitants de l'île. Malgré que Jacques Cartier eût vanté la beauté de ses arbres et l'excellente qualité de son sol, l'Isle-aux-Coudre demeure inhabitée pendant près d'un siècle et demi, depuis son deuxième voyage en 1535. Personne ne songea d'abord à en obtenir la concession du gouvernement. C'est en 1677, bien avant que le premier Demeulle ne vienne en Nouvelle-France, que le comte de Frontenac la concède en fief à Étienne Lessart (genre de cadeau pour services rendus), à condition qu'il enregistre son bien auprès du roi de France, Louis XIV, le roi Soleil (ah oui, on s'en rappelle de celui-là). Étienne de l'Essart (il aimait la particule) est français et il vient de Chambois à 200 km de Paris. Essart signifie une lieu défriché. Avec le temps, son nom "de l'Essart" est devenu "Lessard". Il est l'ancêtre des Lessard de Chicoutimi qui ont ouvert le magasin Lessard en bas de la côte où maman aimait bien nous acheter du linge. Mais ce pleutre laissa traîner les choses pendant 10 ans. Croyant qu'il ne pouvait plus recevoir la bénédiction du roi après tant d'années sans remplir ses obligations et surtout croyant qu'il pourrait faire une passe d'argent, il s'adressa aux messieurs du Séminaire de Québec qui semblaient intéressés par cette île. Le Séminaire de Québec était une société des prêtres diocésains qui venait tout juste d'être fondée en 1663.

 

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Le gouverneur Frontenac et le pleutre Lessart

 

Il céda donc ses droits ou ses prétendus droits sur le fief de l'Ile-aux-Coudres aux messieurs du Séminaire de Québec, par un contrat passé devant maître François Génaple, notaire, le 19 octobre 1687.  Quelques temps après, ils obtinrent du roi, les documents officiels de propriété. Ce n'est qu'en 1710, toutefois, que l'autorisation d'établir des habitants leurs fut accordée et ce n'est que 10 ans plus tard que Joseph Savard décida de s'y établir. Et il se passa encore 24 ans avant que Charles n'arrive en 1744.

 

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C'est gros un séminaire

 

Après son mariage avec Scholastique, et pendant qu'il faisait pousser ses patates à la Baleine, Charles était un squatteur. Son beau-père avait beau le couvrir, sa situation n'était pas légale. Rusé, Charles se décida enfin de rencontrer les gens du Séminaire de Québec non sans leur apporter une poche de patates. Ceux-ci, fort impressionnés du résultat de Charles, lui accordèrent un lot gratuitement à condition qu'il leur fournissent les patates pour leur prochaine tourtière. C'est ainsi que le 22 juillet 1749, un contrat officiel attribue à Charles une partie de terre située à la Baleine. Comme les gens du Séminaire étaient très érudits, ils écrivirent dans le contrat le nom Des Meules ou Desmeules sans la particule selon le degré de snobisme. Et, comme Charles ne savaient pas écrire, ça ne lui faisait aucune différence.

 

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Les prêtres diocésains après la prière et avant la tourtière

 

Il était temps que la famille Desmeules légalise leur occupation sur l'île car ils sont maintenant quatre et bientôt cinq. Et oui, Rosalie a maintenant 3 ans et Jean-Marc 1 an. Ce bébé, né le 21 janvier 1748, est celui qui continuera notre lignée. Retenez bien son nom. Scholastique est enceinte et accouchera bientôt de Marie-Marthe. De plus, Charles, aidé de son beau-père, avait construit sa maison sans permis de construction. Par chance, à cette époque, les inspecteurs en bâtiment n'existaient pas, de même que l'homologation du bois de construction, le cadastrage des lots, les certificats de localisation, les plans d'implantation, les fermes de toit approuvées par les ingénieurs, les permis d'excavation, les certificats du services de l'environnement, et j'en passe. Pourquoi faire d'ailleurs? Cette maison est encore debout aujourd'hui, et je peux vous la montrer.

 

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La maison de Charles

 

Avec ce contrat, Charles Desmeules devenait officiellement un des trente habitants de l'Isle-aux-Coudres. Il continua à cultiver ses patates, mais sa passion pour les canots ne le quitta jamais. Les habitants de l'Isle-aux-Coudres utilisaient des canots de bois, très lourds, pour se rendre sur la côte à Baie-St-Paul. Charles leur proposa des canots d'écorce de sa fabrication qui leur facilitaient les passages sur le fleuve. Il démarra sa petite entreprise et devint le président-directeur-général de la  "Canots de l'IAC-Bibi design inc" pour diriger une équipe de "un" technicien certifié, soit lui-même.

 

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L'usine de canots a bien changé et l'écorce aussi

 

La tradition rapporte que les habitants de l'Isle-aux-Coudres devinrent très habiles à conduire au milieu des flots soulevés par les tempêtes ces fragiles et petites embarcations. Le père Mailloux lui-même a connu un capitaine Bernier, l'ancêtre du capitaine Bernier dont l'histoire est racontée au musée de Pointe-au-Père, père de l'ancien curé de Saint-Anselme où Antoinette Nolet qui a aidé son père Adélard pour la sépulture de Joseph Demeulle, le père de Charles, a vécu, qui, qu'elle que grande que fut la tempête, ne craignait pas plus la houle soulevée par le vent que s'il eut été embarqué dans une grosse goélette. Jamais la violence du vent ne l'a empêché de faire le trajet entre le Cap et les Ilets-Rompus, ce nom qui reviendra des générations plus tard désigner un coin de pays d'un des descendants Desmeules et son bateau, où il allait faire la chasse aux loup-marins. (C'est un peu ardu à lire, je sais.)

 

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Le capitaine Bernier dirigeant un canot de Charles : yahoo !

 

Pendant que Charles construisait ses canots, Scholastique faisait des enfants: Joseph-François et Scolastique, sa dernière enfant. Alors que Scholastique enfant avait 1 1/2 an et Scholastique mère avait 32 ans, l'année 1755 connut une épisode d'une grande maladie: la picote. Ils n'en mourraient pas tous mais beaucoup en étaient atteints. Scholastique mère, de même que son père Joseph Savard, en moururent à quelques jours d'intervalle au mois de novembre. D'autres personnes et plusieurs enfants en moururent également.

 

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Scholastique enfant, fille de Scholastique mère

 

Ce fut une grande période de découragement pour Charles et pour plusieurs de ses concitoyens. Après quelques temps, il a fait ce que n'importe qui aurait fait. Il a pris ses enfants et est allé vivre chez sa belle-mère, elle-même en deuil de son mari. En unissant leurs forces, ils ont pu continuer leur vie jusqu'à ce que le destin les ramène sur une vie plus normale.

 

Ainsi, le premier habitant de l'Isle-aux-Coudres Joseph Savard est mort. Les gens de l'Île ont voulu honorer sa mémoire en donnant son nom au bateau qui fait la traverse sur l'Île. Aujourd'hui, si vous venez faire un tour sur l'Île, remarquez le nom du bateau et demandez aux matelots s'ils savent d'où vient ce nom.

 

 

 

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Le traversier "Joseph Savard"

 

Un an plus tard, après un triste hiver, le beau temps revient et le soleil d'été sur l'île regaillardit notre intrépide Charles. Il travaille sur ses canots et ses patates. C'est justement en allant vendre ses patates au jeune marché de Québec, qui deviendra plus tard le vieux marché de Québec, qu'il fut interpellé par une jeune femme en ces mots: "C'est-ti ta couleur de cheveu naturelle ça?" Charles rougit comme un coucher de soleil, tellement que, comme lui disait Bibi, le concepteur de canots, les peaux-rouges ne sont pas tous indiens. Cette jeune femme avait un côté insolent que Charles, malgré sa gêne, appréciait. Il s'approcha d'elle et avec toute sa témérité, lui dit qu'elle pouvait les toucher pour s'en convaincre. Et de petits gestes en petits gestes, l'amour s'installa comme une pointe de flèche qui reste prisonnière de sa cible. Cécile, à son premier tir, avait accroché le cœur du rouquin.

 

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Beau bonhomme, mon Charles

 

Il y eut peu de rencontres avant qu'elle ne lui propose d'aller vivre avec lui sur l'Isle-aux-Coudres. Elle était déterminée la petite, malgré ses 25 ans. Charles n'espérait pas plus beau cadeau que d'avoir une seconde mère pour ses 5 enfants. Elle se retrouva avec Charles dans la maison qu'il avait construite pour Scholastique. Elle était une battante et accepta avec bonheur le rôle de mère en attendant qu'elle le devienne elle-même. Ce qui arriva peu de temps après, par la naissance de sa fille et pour la dernière fois par la naissance de son garçon le 4 avril 1759. Vous saurez pourquoi dans le prochain chapitre.

 

Allez! Au lit maintenant.



13/08/2014
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