pharamen

Vive la mariée. Eh oui, la mariée était bien contente mais pour le marié, ce n’était pas la même affaire. Quel drôle de bonhomme. Personne ne réussissait vraiment à le comprendre. Pour Isaïe, son mariage à Marguerite Desbiens était un événement comme tous les autres qu’il a vécus.

Où est-il passé, Marguerite?

Il y a eu la variole qu’il a attrapée à 10 ans, son confinement à la maison suite à cette maladie pendant lequel il a étudié dans les livres de Florine, sa sœur de dix ans son aînée, ses études au Séminaire de Québec jusqu’au spectre de la tonsure et finalement son poste de professeur à l’école du village pendant deux ans. Et maintenant le mariage, comme s’il se laissait porter dans les méandres de la vie telle une feuille d’érable dans un ruisseau.

Il est rêveur, que veux-tu?

Le jeune couple va s’installer à Sainte-Agnès, un petit village non loin de La Malbaie. On se rappelle que la seigneurie de Murray Bay devient vite surpeuplée au début de 1830. Tous les nouveaux arrivants se cherchent des terres à cultiver et il y en a beaucoup qui se dirigent dans l’arrière-pays, dans les hauteurs de Charlevoix. Le monseigneur Panet de l’époque décide de fonder une nouvelle paroisse en 1830 : Sainte-Agnès de Murray Bay.

C'est dans l'arrière pays mais aujourd'hui on passe tout près

La sœur d’Isaïe, Florine, y a vécu quelques années mais elle est morte l'année précédente lors de son accouchement. Il a un frère, vieux garçon, qui y exploite une ferme. Joson, qui veille sur son petit-dernier, conseille fortement à Isaïe et Marguerite d’aller donner un coup de main au vieux garçon. Bien sûr, il y avait le Saguenay qui était intéressant. La plupart des habitants de La Malbaie émigraient dans cette région depuis que la Société des Vingt et Un y avait commencé le peuplement. Mais Joson préférait garder son rêveur de garçon pas trop loin de lui de peur qu’il ne fasse trop de bêtises dans ces terres nouvelles et sauvages.

Et dans un autre méandre de la vie, Isaïe, sans trop y croire, fit un enfant. Pas tout de suite après le mariage, non, non. Il a du se faire prier un peu. C'est Marguerite qui fit les premiers pas:

Elle l’amena jusqu’à la rivière, par le petit chemin sur le bord de l’eau.

Ce n’était pas pour pêcher la truite qu’elle s’étendit sur son radeau.

Elle lui dit je voudrais être mère, fais comme il se doit, fais comme il faut.

Paroles tirées de « Marie-Claire », une chanson de Jean-Pierre Ferland, 1988.

Et c’est ainsi que cette nouvelle mère commença sa maternité. Elle apprit à connaître son Isaïe. Il était sensible, certes, mais n’était pas porté sur la chose. Il aimait d'une amour respectueux mais elle d'un amour impossible. Il illuminait sa vie d’autant plus qu’il lui avait transmis une autre vie dans son ventre. Un jour, comme Archimède lorsqu’il s’écria Eureka, elle a eu son épiphanie. Un jour, elle a eu son épiphanie. Elle comprit toute la personnalité de son mari.

Elle a compris

Isaïe, il s’appelle Isaïe,

Elle est folle de lui.

C’est un garçon pas comme les autres,

Mais elle l’aime, c’est pas d’sa faute

Même si elle sait qu’il ne l’aimera jamais.

Tiré de la chanson « Ziggy » de Starmania écrite par Luc Plamondon et Michel Berger, chantée par Fabienne Thibeault.

C'était en 1979

Consternation dans la famille Desmeules! On apprend que le mariage d’Isaïe est annulé. Mais que se passe-t-il donc? Selon les grands livres de l’église, il y a consanguinité au quatrième degré entre les époux. Que faire alors? Facile, il s’agit de verser une certaine « contribution » pour réhabiliter le mariage. Ce qui fut fait le  30 juillet de la même année.

J'ai tu le même sang que ma cousine?

Le registre de l'église de Sainte-Agnès

Voici ce qu'on y lit:

Le trente juillet mil huit cent cinquante un, le mariage de Isaie Demeule, fils majeur de Joseph Demeule, cultivateur et de Constance Bouchard avec Marguerite Desbiens, veuve majeure de François Tremblay de la Malbaie ayant été reconnu nul à raison d’un empêchement de consanguinité du quatre au quatrième degré et la dispense du susdit empêchement ayant été accordée par le père A Chauvin, vicaire général en date du vingt huit du courant, nous, curé de cette paroisse soussigné avons reçu de nouveau leur mutuel consentement de mariage et leur avons accordé la bénédiction nuptiale en présence de François Tremblay, de Jules Boily et François Gavreau amis des époux qui avec l’épouse ont déclaré ne savoir signer. L’époux a signé avec nous.

Isaie Demeules

A Tremblay ptre

À la fin du premier hiver, le 23 mars 1852, le premier enfant de Marguerite vient au monde. C’est madame Adélaïde Couturier, la sage-femme qui est aux côtés de Marguerite. Isaïe n’est pas là. Il ne sera pas là non plus à la naissance des ses deux autres enfants. C’est son choix, c’est son karma.

C'est son choix

L’accouchement se passe très bien. C’est un petit garçon et Marguerite a déjà trouvé son nom depuis longtemps. Il s’appellera Épiphane et elle seule sait pourquoi. Il est baptisé dans l’église de Sainte-Agnès et on inscrira dans le registre de l’église que le père est absent.

Il est où Isaïe, il est où?

Encore le registre de l'église de Sainte-Agnès

Voici ce qu'on y lit:

Le vint mars mil huit cent cinquante deux nous curé soussigné avons baptisé Épiphane né le même jour du légitime mariage de Isaie Demeule, cultivateur et de Marguerite Desbiens de cette paroisse. Parrain Octave Gadreau marraine Madeleine Boudreau qui ne savent pas signer. Le père absent.

A Tremblay ptre

1852, mon arrière grand-père vient d'arriver

cent ans avant moi