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2020-01-04-La grande histoire – Joson fait face à la justice

Bonne et heureuse année. L’année 1839 est terminée et il faut essayer de l’oublier celle-là. Les Patriotes ont été pendus, les canadiens français ont été écrasés et lord Durham a fusionné le Haut-Canada et le Bas Canada en un seul état appelé « The province of Canada », en anglais parce que le français a été aboli dans ce nouveau gouvernement.

 

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Bye Bye 1839

 

Alors bonne et heureuse année 1840 et bienvenue dans cette nouvelle décennie. Est-ce qu’on dit dix-huit ... quarante comme vingt ... vingt (2020)? Non, ça ne se dit pas. Il faut dire deux mille vingt. Par contre, on peut dire dix-huit cents quarante car c’est du vieux français qui vient de nos ancêtres bretons. Ces derniers utilisaient le système vigésimal, c’est-à-dire sur la base de 20 comme 20 doigts (10 doigts de la main et 10 doigts de pied). C’est pour ça qu’on dit quatre-vingts. Ils allaient jusqu’à dire six-vingts au lieu de cent vingt. Pour ceux qui s’adonnent à la construction, vous pouvez acheter de la planche cinq quarts qui est de 1 1/4 pouce d’épais. C’est du vieux français mais nous y reviendrons.

 

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Je le sais maintenant

 

 

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Ça c'est six vingts

 

 

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Et ça, c'est un Sicard

 

Elle ne sera pas bonne ni heureuse pour la famille Desmeules, l’année 1840. Et voici pourquoi :

 

Vous vous rappelez que Joson est fortuné car il fait le commerce de l’alcool et il exploite une maison de jeux à Pointe-au-Pic. Cette fortune, il en fait profiter tous les membres de sa famille et même celle restée à l’Isle-aux-Coudres. D’ailleurs, c’est là qu’est installée la fameuse distillerie produisant l’Aquavit et l’Alcool fin que Jean-Claude, le fils, opère clandestinement.

 

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Roue de fortune de la maison de jeux

 

 

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L'alambic de l'Isle-aux-Coudres

opéré par Jean-Claude, le fils

 

 

Vous vous rappelez aussi que lors des conflits entre les Patriotes et le British Party, on avait proposé un boycott des produits britanniques comme le vin et le rhum allant même jusqu’à rendre légale la vente de produit de contrebande. Ben oui, c’est Joson qui l’avait proposé et il était mort de rire en faisant un doigt d’honneur aux anglais.

 

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Fuck les anglais !

Joson, t'es un maudit baveux.

 

Ce que vous ne pouvez pas vous rappeler, c’est qu’à l’imposition de l’Acte d’Union, euh! Union Act, sorry, l’Église catholique regagnait un statut légal. Qui dit statut légal, dit « pouvoir ». Comme c’était plus facile de s’enivrer que de se nourrir, le clergé a donc créé un mouvement pour tourner le dos aux alcools forts. En septembre 1840, Mgr de Forbin-Janson, qui préside aux premières missions paroissiales à Québec, bénit un monument de tempérance à Beauport. Ainsi commence la première campagne antialcoolique de l'épiscopat.

 

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Ce qu'on voit en avant de l'église

 

 

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Ce qu'on ne voit pas en arrière de l'église

 

 

Un adepte de la secte, féru de tempérance, dénonça le commerce lucratif de Joson. Les représentants de la justice, faut-il préciser qu’elle était britannique, se rendirent sur l’Isle-aux-Coudres et démantela l’alambic des Desmeules. Pour protéger les membres de sa famille, Joson en prit toute la responsabilité et il fut arrêté et emprisonné à Québec. C’est John Molson qui était content, lui qui distillait sa bière pour en faire du whisky.

 

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Allô la police

 

En ce temps-là, la justice n’était pas comme aujourd’hui. Lord Durham trouvait que les lois de l’ancienne France qui régissaient l’administration de la justice du Bas-Canada étaient démodées. Il préconisa l’adoption du droit anglais pour uniformiser un droit qu’il jugeait hybride, disparate, incohérent et contradictoire.

 

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Le droit anglais

 

Mais Joson est chanceux malgré tout car selon l’article 46 du « Union Act », le droit de chacune des provinces demeurait en vigueur. Ça fait que Joson a été interrogé et relâché selon la loi de l’ancienne France. La loi anglaise aurait été pas mal plus sévère pour un petit canadien-français.

 

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Tu l'as échappé belle, Joson

 

 

Comme il était à Québec et ne pouvait rentrer chez lui avant quelques jours, il alla visiter ses amis du Séminaire pour les informer qu’il ne pourrait plus les fournir en Aquavit et bien sûr pour leur demander de « prier » pour lui. On se rappelle que les amis du Séminaire avaient un petit penchant pour le nectar de l’Isle-aux-Coudres.

 

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Priez pour moi, mes amis

 

 

Le 1er décembre 1840, la juridiction civile de la Cour des plaidoyers communs, nouvellement entérinée, entend sa première cause, celle de Joson le contrebandier, sous la présidence d’un des neuf juges en tournée sur le territoire du Bas-Canada. Les procureurs firent leur travail et accumulèrent les preuves contre Joson.

 

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La cour est ouverte

 

Pendant ce temps, les prières des amis du Séminaire permirent de trouver un défenseur de bonne foi pour Joson : Frédéric Côté. Il avait fait une bonne partie de ses études au Séminaire pour devenir prêtre mais il a finit notaire. À cette époque, la profession de notaire et d’avocat était à peu près la même. C’est d’ailleurs à partir du printemps que les avocats réussissent à fonder une association qui deviendra en 1849, le Barreau du Bas-Canada.

 

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Frédéric Côté, notaire

 

Après l’arrestation de Joson, les procureurs de la Cour préparèrent les dépositions et requêtes, les pièces à convictions et tout ce qui pouvait incriminer l’accusé. Dans ce temps-là, tous ces documents étaient déposés dans un sac en toile de chanvre et, pour qu’il ne soit pas détruit par les rongeurs, était suspendu à une poutre dans le cabinet de l’avocat. D’où l’expression « une affaire pendante ».

 

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Une affaire pendante

 

 

Lorsque tous les documents furent rassemblés et le sac scellé, le dossier judiciaire de Joson était prêt pour la cour. C’est à ce moment-là qu’on disait que « l’affaire était dans le sac ». Le jour de l’audience arriva et Joson comparut devant le juge. L’avocat de la Cour fit sa plaidoirie en présentant toutes ses pièces à convictions. Il a « vidé son sac ». C’est après que Frédéric Côté, avec sa formation bien spéciale au Séminaire, a « vidé son sac » lui itou. Il réussit à faire prononcer un non-lieu car il « avait plus d’un tour dans son sac ».

 

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Oui mais ...

 

 

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Je n'ai pas dit mon dernier mot

 

 

Joson ne fut accusé de rien car l’alcool de contrebande n’était pas un gros méfait en ces temps anciens mais il a dû renoncer à son alambic et à son commerce. De même, il a dû abandonner sa maison de jeux car la police de l’époque gardait un œil sur lui.

 

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L'alambic de Joson est allé au musée

 

 

Joson est retourné travailler la terre et faire du bois. C’est ainsi que la famille Desmeules n’a pas fait partie des riches de ce monde. Constance, pour encourager son homme, lui rappela qu’elle lui avait tricoté des bas de laine et qu’elle les gardait dans l’avant-toit de la bergerie, endroit bien sec et bien ventilé. Constance ne faisait pas confiance aux banques pour ses économies surtout que les banques étaient anglaises. Depuis cet événement, on fait plus confiance à son bas de laine qu’à La Caisse Populaire Desjardins pour mettre ses économies en sécurité. Ainsi naquit l’expression « avoir un bas de laine ».

 

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Non ce n'est pas un 20 dollars,

C'est un 20 livres sterling

 



04/01/2020
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