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Joson poursuit sa vie de mousse avec le capitaine Sivrac. La navigation se termine en novembre de cette formidable année 1790. Il  aura fait trois voyages à Chicoutimi dans ce fjord plein de mystères. Justement, lors du dernier voyage, le capitaine Sivrac va mouiller une dernière fois à l'Isle-aux-Coudres pour y laisser le mousse et il terminera sa saison de navigation à Beauport, sa ville natale,  où il mettra la Madeleine en cale sèche.

Joson n'est jamais débarqué sur l'Île depuis son départ en juillet. Il lui faut retourner à la maison et on l'informe d'un nouveau moyen de transport très moderne qui s'est développé sur l'Île: une voiture à traction hippomobile. En fait, c'est simplement un calèche tirée par un cheval. Ce qu'il y a de surprenant, c'est que le cocher s'appelle Uber pas de H. Tiens, tiens, espérons que ce genre de service ne sera pas interdit sur l'Île par un esprit de cocher.

Hippomobile en attente, Uber prend la photo.

Après un bon 20 minutes de route par le chemin de la traverse, Joson arrive enfin à la ferme de ses parents. Quelle joie de retrouver son chez soi et quel bonheur pour les parents de revoir leur fils ainé.

Le poêle à bois chauffe la maison, il y a une bonne odeur de repas, les enfants font la fête autour de leur grand frère. Théotiste, la dernière, née le 6 octobre dort dans le berceau. C'est la neuvième enfant de la famille.

Enfin, Joson est chez-nous.

À la ferme familiale, c'est une confortable routine qui occupe tout ce beau monde. Joson, de son côté a mille choses à raconter. Il leur parle de ce merveilleux fjord du Saguenay qui mène dans une grande Anse (la future baie des Ha Ha) et à Chicoutimi où de belles rivières viennent se jeter. Il leur annonce déjà que le capitaine Sivrac veut le ravoir pour la saison prochaine. Il a fait une bonne paye car les fourrures, c'est payant.

C'est payant ces petites bêtes là

C'est ainsi que la vie s'écoule dans la famille Desmeules jusqu'au printemps 1791. Joson a 16 ans, un an de plus, et il est prêt pour sa deuxième saison de navigation. Il se rend souvent au quai des pilotes pendant le mois de mai espérant y trouver le capitaine Sivrac et son bateau. Mais ce n'est qu'à la mi-juin qu'il peut reprendre son travail de mousse.

La Madeleine qui arrive, l'Isle-aux-Coudres à gauche et 

Petite Rivière St-François en arrière.

Tout est bien calme pendant cette période de paix en Nouvelle-France, mais n'oublions pas que nous sommes des sujets britanniques. Nous sommes des colons de l'Angleterre et le roi George III, depuis l'indépendance américaine et l'immigration des loyalistes, doit revoir l'organisation de ses colonies d'Amérique du Nord.

Une fête de colons anglais (nous) en 1791

autour d'une table de pique-nique à l'Isle-aux-Coudres.

Une fête de colons anglais (nous) en 2015

autour d'une table de pique-nique à l'Isle-aux-Coudres.

Ce n'est pas la même table.

Alors que Joson a terminé sa deuxième saison de navigation et que le bébé Théotiste a commencé à marcher, en plein au lendemain de Noël, soit le 26 décembre 1791, une loi est officiellement proclamée, c'est l'Acte Constitutionnel. Le gouvernement anglais avait envisagé d'unir toutes les colonies au sein d'une confédération mais l'idée n'a pas passé. Ne nous inquiétons pas, cette idée reviendra dans quelques décennies (en 1867 peut-être?).

C'est l'organigramme de la nouvelle constitution.

Ainsi, avec l'Acte constitutionnel, le Canada est divisé en deux parties: le Haut-Canada et le Bas-Canada. On commence maintenant à parler de division: d'un côté il y a les loyalistes, les anglais, situés à l'ouest de la rivière des Outaouais et de l'autre côté il y a les canadiens, les français, situés à l'est de la rivière des Outaouais dans toute la vallée du St-Laurent. C'est comme ça que la province de Québec est devenue le Bas-Canada. On avait des seigneuries, maintenant on a des townships ou en français, des cantons. Les Cantons de l'Est, ça vient de là. Les Cantons de l'Ouest sont tombés en désuétude peut-être à cause de Simcoe. Il fut le premier lieutenant-gouverneur de la nouvelle province, le Haut-Canada, qui ne regroupe que des loyalistes. Il ne s'embarrasse pas des questions linguistiques et s'organise pour faire disparaître toute trace française et même amérindienne. Même Toronto fut appelée York. C'est vraiment là que les anglais deviennent les maudits anglais.

Les hauts et les bas de notre histoire

Malgré cela, la réaction est enthousiaste aussi de l'autre côté. On dit même que 1792 est la première année libre de ce pays. Les canadiens français vont pouvoir s'exprimer par un Conseil législatif. Contrairement au Conseil des ministres d'aujourd'hui, ses membres sont choisis et nommés par le gouverneur, et non choisis parmi la majorité des élus. Même si les pouvoirs sont très limités, les élites du Bas-Canada célèbrent l'adoption de l'Acte constitutionnel (il me semble reconnaître nos dirigeants fédéraux québécois de souche d'aujourd'hui).

Personnage à deux faces de l'élite du Bas-Canada

qui a tendance à célébrer un acte constitutionnel

imposé par les envahisseurs anglais.

Et la vie continue dans la paix. Les saisons se suivent et se ressemblent. Joson devient de plus en plus marin. Il est encore une fois revenu passer l'hiver 1792-1793 avec sa famille. Cette fois, il remarque que sa mère a une belle grosse bedaine et juste après le jour de l'an, elle accouche d'un beau garçon le 3 janvier. On voulait l'appeler Claude mais c'est un nom plus populaire qui fut choisi: Étienne. Et c'est en février que la terrible nouvelle arrive sur l'île:

Le roi est mort.

Je ne savais même pas qu'il était malade.

Bof, comme on dit: "le roi est mort, vive le roi". Non pas cette fois. Quand on dit "le roi est mort, vive le roi", ça veut dire qu'après la mort du roi, le fils du roi devient le roi. Mais, là, c'est pas ça pantoute. Ce n'est pas George III, roi d'Angleterre qui est mort, c'est Louis XVI, roi de France. Et il n'est pas mort du cancer de la prostate, il a été guillotiné, c'est-à-dire décapité, c'est-à-dire qu'on lui a coupé la tête. Bon nous y voilà: c'est la Révolution Française. Joson n'y comprend rien. Écoute bien mon ti-mousse, on va te l'expliquer.

Mais que s'est-il passé? Qui a perdu la tête?

La France et l'Angleterre sont toujours en train de se chicaner. D'ailleurs c'est comme ça que l'Angleterre nous a conquis et nous a mis son roi Georges dans les pattes. La France a voulu continuer la chicane en allant aider les américains. Elle leur avait envoyé le marquis de La Fayette avec 8000 soldats pour aider Washington à faire son indépendance et à envahir la "province de Québec". Tu t'en rappelles là hein? Bien ça, ça coûté très, très cher à la France. Et qu'est-ce que ça fait un roi dans son royaume pour renflouer les coffres? Bien ça fait la même chose qu'un gouvernement démocratique, ça augmente les taxes.

Mieux vaut perdre des plumes que la tête

Ah ouais, c'est la classe moyenne qui paye? Oui mais pas dans ce temps-là. Dans un royaume, il y a trois sortes de monde: les nobles,  ceux qui tournent autour du roi et de la reines, les téteux, les membres du clergé, ceux qui tournent autour du roi et de la reine, les religieux téteux et le tiers état, ceux qui ne sont ni nobles, ni membres du clergé, les gueux, ceux de la classe moyenne. On les appelait les "sans-culotte". Ouais, parce que les nobles portait la culotte, une espèce de grosse couche qu'on mettait par-dessus les vêtements. Comme l'histoire se répète pour qui ne la connait pas, François Hollande, président français de nos jours appellent les pauvres, les "sans-dents", car les dents sont la dernière chose à s'occuper quand on est pauvre.

Nobles en culotte

Un vrai sans-culotte

Un président français sans-dent

Ça fait que quand Louis a décidé d'augmenter les taxes, le tiers état a dit: non, c'est assez. Ce ne sont pas des québécois, eux-autres, ni des colonisés. Ils se sont révoltés et sont partis en gang vers la prison royale de la Bastille à Paris et ont assassiné le gouverneur. C'était le 14 juillet 1789. Suite à cet événement, les français n'ont plus jamais accepté d'être dirigés par la noblesse. C'est pour cette raison, que les français fêtent leur indépendance le 14 juillet. On se rappelle aussi que les américains fêtent leur indépendance le 4 juillet et finalement, les québécois, ... euh!  Bon!

Les français fêtent leur indépendance le 14 juillet

Les américains fêtent leur indépendance le 4 juillet

Les québécois fêtent leur ... euh!

Le roi a essayé de s'enfuir mais il a finalement accepté de prêter serment à la nouvelle constitution. Mais ça continue de brasser en France. Après quelques années, la royauté fait place à une république et on a plus besoin du roi. On lui reproche toutes sortes de choses et le 21 janvier 1793, il est guillotiné. Ah oui, mon ti-mousse, comment on appelle ça tuer un roi? Un régicide. Ce n'est pas une question d'examen mais c'est bon à savoir.

C'est lui, Louis XVI

En dessous de sa robe, on voit bien la culotte

Après la mort du roi, c'est un avocat, Maximilien Robespierre, qui devient l'homme fort du régime. La France se transforme en république révolutionnaire et déclare la guerre à plusieurs monarchies européennes, dont l'Angleterre. Encore les Français contre les Anglais.

C'est lui Maximilien Robespierre

On ne voit que le buste car il ne porte pas de culotte

Ok Joson, tu peux retourner sur ton bateau. La France, c'est quand même pas mal loin de ton Saguenay. Mais quand tu reviendras en novembre pour passer l'hiver 1793-1794, tu apprendras que la reine de France, Marie-Antoinette, la femme de Louis XVI, a été guillotinée, elle aussi, le 24 octobre passé.  Et ça continuera, même Robespierre sera guillotiné à l'été et Napoléon jeune militaire, fera des conquêtes. Avec sa Joséphine, ils seront les remplaçants de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Et ça ne sera pas facile pour les rois et reines de l'Europe. Mais ça, c'est une autre histoire. Restons dans la nôtre.

Une représentation de l’exécution de Marie-Antoinette

par Charles Monnet

Une représentation des Deux Meules 

par Claude Monet

Il y a deux Monnet, le premier a deux "n" et le deuxième a un "n".

Le premier est né avant le deuxième et le deuxième est mort après le premier.