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2019-11-25-La grande histoire – La variole d’Isaïe et les Patriotes

Non Isaïe, 1837, l’année de tes dix ans, n’a pas été facile ni pour toi ni pour les canadiens-français du Bas-Canada. Cette année-là, toi le souffreteux, tu as attrapé la variole. On ne savait pas trop ce que tu avais : mal à la tête, vomissement, faiblesse extrême et l’apparition de picots rouges. Tu étais toujours malade alors comment savoir que tu avais attrapé un virus.

 

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Bon, il est encore malade

 

Tu sais qu’à ton époque, on ne se lavait pas régulièrement : le savon antiseptique, connait pas. On trouvait normal aussi d’avoir un petit pot dans chaque chambre parce que sortir dehors pour aller à la bécosse, ce n’était pas plaisant. Alors les maladies virales étaient fréquentes et comme tu as toujours été d’une petite nature, le méchant virus t’a sauté dessus. On a eu peur de te perdre, cette fois-là.

 

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C'est ça, un virus?

 

Par chance le curé est venu faire des séances de prières. Ça chasse les mauvais esprits mais pas les virus.

 

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Pas certain que ça marche

 

 

Après le curé, il y a eu la sorcière aussi. Les deux ne faisaient pas bon ménage. La sorcière, c’est la mystérieuse dame qui vivait dans la cabane tout au fond du village et qui préparait des décoctions. On ne lui parlait presque jamais sauf lorsqu’on avait besoin de ses potions préparées à partir des plantes de la forêt. En désespoir de cause, ta mère est allée la chercher.

 

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T'étais vraiment désespérée, maman !

 

Elle a recommandé un traitement avec une infusion d’annedda. Il fallait te faire ingérer une bonne cuillérée trois fois par jour. C’était très mauvais et tu refusais de la prendre. Je te comprends, j’ai connu le Wampole et le Pennecolor (Pain Killer pas paint killer même si ça goûtait la térébenthine).

 

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Une bonne cuillerée de Wampole

 

 

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Ça. c'est mauvais pour mourir

 

Mais finalement, tu t’en es sorti grâce à la potion d'annedda de la sorcière. Sais-tu ce que c’est l’annedda? Bon je vais t’expliquer tout ça parce que c’est une belle histoire. Et c'est une histoire vraie. Ça va te reposer.

 

Il était une fois, il y a de cela trois cent ans, un explorateur français du nom de Jacques Cartier. À bord de son bateau à voiles et de son équipage de joyeux marins, il traversa l’océan Atlantique pour venir découvrir le Canada. À la fin de l’été, ils allèrent s’installer près de la rivière St-Charles dans le coin de Québec pour y passer l’hiver.

 

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Les joyeux marins en costume d'époque

 

Mais ils n’ont jamais pensé que la température et la neige seraient si difficiles à supporter. Eux, ils ne connaissaient que St-Malo, beau port de mer et aller sur l’eau, aller se promener et aller jouer dans l’île. Dans la grande froidure, ils ont attrapé le scorbut, maladie terrible qui leur faisait perdre les dents et saigner des gencives. Plusieurs en sont morts.

 

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Un joyeux marin infecté

 

Heureusement, pas loin de là vivait Donnacona, le chef des indiens de Stadaconé, aujourd’hui appelé quartier Limoilou à Québec. Dans leur grande bonté, les indiens et leur chef Donnacona offre à Jacques Cartier un remède miracle fait à partir des feuilles et de l’écorce d’un arbre appelé « annedda ». On fait bouillir les ingrédients dans de l’eau et on recueille le liquide.

 

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Il faut attendre que la potion frémisse

 

Grâce à ce breuvage, Jacques Cartier et ses moins joyeux marins retrouvèrent rapidement leurs forces. Pour le remercier, Jacques Cartier emmène de force Donnacona en France où il meure quelques années plus tard.

 

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T'as pas le choix, Donnacona,

on est comme ça, nous.

 

Aujourd’hui on connait l’arbre annedda sous un autre nom : cèdre. Ben oui, le cèdre blanc d’Amérique qui pousse partout chez nous. Mais avec le temps, on a utilisé le pin blanc pour faire le pycnogénol bien connu par les homéopathes.

 

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Dans une pharmacie près de chez vous

 

Belle histoire, n’est-ce pas? Mais la tienne n’est pas finie. Tu as guéri mais pas à cause de la sorcière avec sa potion d’annedda, c’est de l’homéopathie ça. Pas plus à cause du curé avec ses prières, c’est de la religion ça. Non, tu as guéri parce que tes anticorps ont pris le dessus sur le virus. Il n’y a pas de remède pour un virus, seul le temps arrange les affaires sinon tu meurs. T’aurais pu attendre Pasteur. C’est un chimiste français qui a mis au point différents vaccins dans les années 1880 et cent ans plus tard, en 1980, la variole a été déclarée officiellement éradiquée. Si tu avais été vacciné, Isaïe, tu n’aurais même pas attrapé la variole.

 

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Louis, de son prénom, Pasteur a peut-être

réparé la faute de Jacques Cartier ?

 

Revenons aux patriotes de cette même année 1837. Les 10 résolutions de Russel en réponse aux 92 résolutions de Papineau ont provoqué une révolution et pas rien qu’à Montréal. La Société des Vingt et Un risque de ne jamais exister parce qu’avec Russel et ses résolutions, c’est la région des Cantons de l’Est avec ses maudits loyalistes qui est mise en valeur. Ça fait que le dimanche 25 juin, il y a une assemblée patriote qui se tient devant l'église de Saint-Étienne-de-La-Malbaie juste après la messe.

 

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On les voit pas mais ils sont là

 

C’est Louis Tremblay qui préside l’assemblée, le propre frère d'Alexis Tremblay dit Picoté. Eux autres aussi ils prennent des résolutions, pas 10 mais 14 qui expriment autant la détresse matérielle que l'indignation des habitants envers le joug britannique. On appelle au boycott des produits britanniques comme le thé, le tabac, le vin et le rhum importés d'Angleterre. On va même jusqu'à rendre légale la vente de produits de contrebande. C'est Joson qui l'a proposé et il est mort de rire. On donne aussi un appui inconditionnel à Louis-Joseph Papineau. 

 

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Joson est mort de rire et fuck l'Angleterre !

 

On ne sait pas si ce sont les gens de La Malbaie qui ont commencé la révolution mais il y a d’autres assemblées des Patriotes qui se tiennent dans la région de Montréal et celles d’octobre sont très agitées. Évidemment il y a aussi des assemblées par les loyalistes qu’on appelle maintenant les Loyaux. Ils reprennent leurs griefs contre le Parti canadien et présentent Papineau comme un démagogue dangereux. Les Patriotes, eux autres, crient à l’indépendance et il y a des orateurs très convaincants qui se succèdent à la tribune.

 

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Très agitées, les assemblées

 

Bon, tout comme vous, je m’aperçois que ça ressemble aux discours de la Révolution tranquille des années 1960 et que la cause est exactement la même : l’indépendance du peuple canadien-français. Pour la suite de l’histoire, il faut faire une mise en garde.

 

Avertissement

Tous les événements relatés à partir de maintenant ayant une quelconque ressemblance avec la crise d’Octobre ne sont attribuables qu’à la pure répétition de l’histoire. Seuls les noms des acteurs ont été changés. Le RIN (Rassemblement pour l’Indépendance Nationale) sera le parti Canadien, le FLQ (Front de Libération du Québec) sera le parti Patriote, Pierre Bourgault sera Louis-Hyppolite Lafontaine, Paul Rose sera Chevalier de Lorimier, René Lévesque sera Louis-Joseph Papineau et Pierre-Eliott Trudeau, premier ministre du Canada sera Archibald Acheson, comte de Gosford, gouverneur du Bas-Canada.

 

Et maintenant, place à la répétition de l’histoire :

 

 

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Sans commentaire

 

Nous sommes en octobre. La phase politique se termine et maintenant c’est l’affrontement. Les Patriotes n’ont pas de véritables chefs militaires. Les Loyaux, quant à eux, sont appuyés par l’armée de l’Empire britannique. Les deux camps s’affrontent à Montréal sur la rue St-Jacques. La maison de Papineau est attaquée.

 

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La rue St-Jacques avant l'affrontement

 

Peu après les forces armées britanniques, mandatées par le gouverneur Gosford, passent à l’offensive. La loi martiale est décrétée : plus besoin de mandat pour emprisonner quelqu’un. Le gouverneur Gosford lance plusieurs mandats d’arrestation contre les principaux chefs du Parti canadien et promet même une récompense substantielle à quiconque mettra la main au collet de Papineau. Durant ces semaines d’affrontements, plusieurs chefs du Parti canadien se réfugient aux États-Unis, dont Louis-Joseph Papineau.

 

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Loi martiale: pour votre sécurité, vous n'aurez plus de libertés

 

 

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Mise à prix de Louis-Joseph Papineau

 

Le 28 février 1938, le chef du gouvernement provisoire des Patriotes lit une déclaration unilatérale d’indépendance du Bas-Canada. Comme les troupes patriotes sont écrasées en novembre, cette déclaration n’entrera jamais en vigueur, mais le rêve d’une république libre restera bien vivant.

 

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Oui je sais, ce n'est pas la même année.

C'est qu'elle avait été écrite l'année d'avant sa lecture.

 

Le gouvernement britannique cherche une solution durable à cette crise et Lord Durham est choisi pour faire un rapport sur la situation. Au début de février 1839, il le remet avec la conclusion suivante : « Peuple sans histoire et sans littérature, les francophones du Bas-Canada devraient être assimilés à la culture anglaise pour devenir d’authentiques sujets britanniques ».

 

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Maudit fendant de Durham

 

Durant l’année de la répression, 855 personnes sont arrêtées, 12 seront pendus à la prison du Pied-du Courant de Montréal. Juste après le rapport de Durham,  le 15 février 1939, cinq patriotes sont pendus et Chevalier de Lorimier, l’un des condamnés à mort, laisse un testament politique bouleversant qui se termine par « Vive la liberté, vive l’indépendance ».

 

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La pendaison

 

 

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Les Patriotes

 

 

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Le mouvement indépendantiste a été écrasé.

 

La prison du Pied-du-Courant est située sur la rue De Lorimier, à Montréal. Le dernier homme à y être pendu est Francesco Grevola, en 1911. L’ancienne prison est aujourd’hui occupée par la Société des alcools du Québec.

 

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À gauche, l'avenue de Lorimier,

À droite, la rue Notre-Dame

près du port de Montréal

 

 

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Aujourd'hui, c'est la SAQ

 

 

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Marie-Ève a demeuré sur l'avenue de Lorimier,

au coin de la rue Sherbrooke,

au troisième étage



25/11/2019
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