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2019-02-14-La Grande Histoire-Appendice C- Une histoire d’amour

Mon grand-père paternel est né le 5 avril 1876 à Ste-Anne juste en face de Chicoutimi. En ce temps-là, il n’y avait pas de pont pour traverser la rivière Saguenay. La ville de Chicoutimi était centrée autour du bassin à l’embouchure de la rivière Chicoutimi. Juste en face, il y avait le canton Tremblay qui est devenu le village de Ste-Anne, alors qu’en amont de la rivière c’était le canton Simard où est situé Terres-Rompues, mon lieu de résidence et en aval, le canton Harvey qui est maintenant St-Fulgence. Son nom est Joseph (Épiphane) mais on l’appelait Jos. Mon père, lui, s’appelle Joseph aussi et pour les différencier, on l’appelait Ti-d’Jos.

 

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Le canton Tremblay au centre, en face du bassin de Chicoutimi,

le canton Simard à gauche et le canton Harvey à droite

 

 

Mon grand-père est une personne simple, sans beaucoup d’instruction comme ses concitoyens mais il était fier de dire qu’il savait écrire. Le métier qu’il pratiquait était menuisier comme il l’a mentionné au recenseur de 1911. D’ailleurs, il est un des trois gaillards qui ont construit la chapelle de Valin au bout de la route Desmeules en 1913.  Il était aussi bûcheron pour arrondir son année. Ce n’était pas une personne riche car l’année précédant le recensement, il avait déclaré un salaire annuel de 600 $ comme menuisier et 800 $ comme bûcheron. Avec ce salaire, il réussissait à faire vivre sa famille.

 

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La petite chapelle Desmeules construite en 1913

 

 

Il vivait avec ses enfants et sa deuxième femme, Marie Anne Hélène Tremblay, qu’on appelait tout simplement Marie. Plus tard, il est déménagé à St-Honoré mais quand on dit St-Honoré, on ne parle pas du village, on parle du rang des Desmeules. Cet endroit était la terre ancestrale de son père Épiphane. Ça, c’est une autre petite histoire d’une grande propriété.

 

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C'est lui pepére Joseph

 

 

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Memére Marie

 

 

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La terre des Desmeules partait de la rivière Valin jusqu'au lac Docteur

et du haut de la photo jusqu'à la maison ancestrale

  

 

Le temps passe et ses enfants se marient. Pendant ce temps-là, Joseph vieillit avec sa Marie. Il va s’installer dans une belle petite maison sur la rue du Pont appelée ainsi parce qu’alors le pont St-Anne est construit. Ses garçons, pour la plupart mariés, se sont construit des maisons tout près de lui. Ses filles ont pris maris, sauf la petite dernière, Marie-Thérèse, qui demeure encore avec ses parents.

 

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Les maisons ont bien changé mais elles sont toujours là.

 

Un jour, un malheur arriva : Henriette, la femme de mon père meurt à 28 ans lui laissant mes deux sœurs Gilberte et Gisèle et mon frère Jean-Luc qui n’a qu’un an et demi. Elle emporte dans sa grippe espagnole son petit bébé de 1 mois, Bibiane. Mon père est dévasté et désemparé.

 

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La famille, 1 an avant la tragédie

 

 

Sans discussion et sans aucune hésitation, Joseph, cet homme si bon et doux, et Marie, sa compagne de vie, femme de clan ayant des origines indiennes, prennent les enfants avec eux. Mais la maison est un peu petite et malgré leur grand cœur, il faut se résigner à séparer les deux filles. La famille de monsieur Charles Gravel vivant dans une belle maison cossue à Chicoutimi s’offre de s’occuper de Gilberte. Henriette, leur femme à tout faire, travaillait chez eux depuis un certain temps. Marie-Thérèse, à 21 ans, aidera memére Marie pour prendre soin de Jean-Luc. Et c’est pepére Jos qui veillera sur Gisèle. Cette dernière a du caractère et le matin au déjeuner, quand elle dit qu’elle ne veut pas manger ses croûtes, elle est prête à l’affrontement. Sauf que pepére, cet homme à la grosse moustache blanche, n’est pas du tout un rival. Plutôt que de la disputer, il s’approche d’elle et d’un signe complice en se cachant de memére, il lui chuchote de mettre les croûtes dans le tiroir de la table. C’est le souvenir heureux que Gisèle gardera toute sa vie : le tiroir à croûtes. À toutes les semaines, memére Marie faisait de la pouding au pain avec les croûtes à Gisèle, des raisins secs, de la cassonade, du lait chaud et un peu de cannelle. Hum, quel délice c’était avec un peu de sirop d’érable.

 

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Une table moderne avec tiroir à croûtes

 

 

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La poudigne au pain

 

Combien de temps a duré ce séjour chez pepére et memére? Pas top longtemps, en fait, car Gilberte est allée vivre chez matante Florence à Bagotville et on trouva qu’il était mieux pour Gisèle d’aller vivre chez matante Flore, aussi à Bagotville. Donc elles sont ensembles? Non parce que Flore n’est pas Florence. Flore est mariée à Épiphane Desmeules le frère de papa d’une autre maman et Florence est la sœur de papa, mariée à Adjutor Trudel. Finalement, la famille se retrouve réunie avec maman Antoinette, deux ans après la mort de maman Henriette.

 

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Ma tante Florence

 

 

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Une nouvelle maman réunit la famille

 

Même si pour pepére et memére, la présence des enfants donnait un peu plus de travail,  ils ont eu le bonheur de chérir leur petits enfants pendant une période définitivement trop courte. Et pepére, malgré son âge avancé continue de travailler. Il est maintenant « cook » dans le bois. Il s’est fait embauché par Jos Bergeron sur La Lièvre. Dans ce temps-là, on disait que c’était une rivière dans le nord, probablement dans le bout du lac Onatchiway. Il aimait cette vie dans le bois, mais il s’ennuyait de sa Marie. Un jour, memére est allée le visiter là-bas dans son camp de bûcherons et ils ont passé des heures heureuses de tendresse et de bonheur simple.

 

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Joseph et Marie sur La Lièvre

 

 

En 1948, il a 72 ans et subitement, il sent que sa fin est proche. Il sait aussi qu’il n’aura pas le temps de rejoindre sa compagne. Alors il lui écrit une lettre :

 

23 mai

 

Chère Marie,

 

J’ai reçu ta lettre. J’étais ben content de savoir des nouvelles et que vous êtes tous bens. Pour moi, ça va ben. J’ai changé de job. Je fais la couquerie pour Jos Bergeron roteux. Je suis ben. J’ai seul’ment 10 hommes. J’ai de la vesite. On est seulement à un mille de l’écluse de « Normandin » et le commis mange souvin. Le foreman cé un gendre à Ti-Jos je cois. Alle  aime pas la nourriture hein ou elle aime mieux ma table.

 

Dis salut à toute la famille et surtout à ma tite brue. Tu me diras si elle engraisse.

 

Bonjour,

 

Jos Desmeules

 

 

 

Ce jour-là, c’était un beau dimanche de mai. Il est mort le dimanche suivant.

 

Papa a envoyé une lettre au foreman, monsieur Jos Bergeron, quelques jours après, afin de connaître les circonstances de sa mort. C’est probablement sa nouvelle femme, maman Antoinette, qui l’a écrite. Elle avait déjà été maîtresse d’école après tout. Et la lettre de réponse ne tarda pas :

 

La Lièvre 17 / 6 / 48

 

 

 

M. Jos Desmeules

 

Ste-Anne

 

 

 

Monsieur,

 

En réponse à la votre du 8 juin dernier, il me fait plaisir de faire suite à votre demande, et de vous raconter les derniers moments de votre père, qui nous ont plongé dans un deuil bien cruel. Vous présenterez l’expression de mes plus sincères condoléances, à votre mère, à vous-mêmes, ainsi qu’aux autres membres de votre famille.

 

                Et voici maintenant les quelques faits qui précédèrent sa mort.

 

-2-

 

Tout premièrement, rien ne laissait prévoir en sa personne, aucun malaise, au contraire, la veille et le matin même on le trouva très jovial quoiqu’il laissa entendre qu’il avait plus ou moin bien dormis la nuit et qu’il avait plus ou moin chaud, qu’il s’était même levé, mais qu’il se sentait très bien le matin. C’était probablement, mon manger nous déclarait-il.

 

                C’est alors qu’après avoir déjeuner vers 6 ½ hrs il sortis dehors et fit un peu de plaisanteries avec nous tous avant d’aller travailler et voilà que vers 9 ½ hrs il dit, toujours avec la même humeur, on dirait que je suis

 

-3-

 

 chaud ce matin, me voilà que je marche en branlant. Voyant que cela ne revenait pas, on lui proposa de se coucher un peu.

 

                C’est ce qu’il fit, et quelques moments après il avait mal au cœur, c’est alors qu’on demanda le médecin et entre ce temps car cela prit environ deux heures il fit, comme s’évanouir, on le lava avec de l’eau froide et il revint, mais ne parla aucunement ni de l’un ni de l’autre et à personne de nous qui lui posait des questions.

 

                Et voilà que le médecin arriva, et nous déclara après un exament, qu’il était fini.

 

-4-

 

Transportez le immediatement à l’hopital du dépôt, nous dit-il.

 

                Mais hélas, peu de temps après, il rendait son âme, en homme généreux et confiant, à Celui qui promêt sur terre, mais qui assure éternellement dans son paradis, « le bonheur parfait ».

 

                Puissent ces quelques détails, vous réconforter et adoucir un peu le fardeau de votre deuil.

 

Bien à vous, par ?

 

Jos Bergeron

 

P.S.

 

Pour ses lunettes, je vais m’en occuper en passant au dépôt.

 

 

 

Où était réellement située cette rivière La Lièvre? Quel était le nom exact de l’écluse? Qui était ce foreman gendre à Ti-Jos? Qui était celle qui n’aimait pas la nourriture? Qui était sa petite brue qu’il souhaitait qu’elle engraisse? D’après moi, c’est ma tante Jacqueline qui s’était mariée avec mon oncle Yvan moins d’un an auparavant.

 

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Ma tante Jacqueline, la petite

 

 

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Lettre de pepére à memére.jpg

 

La lettre originale de pepére à memére

 

 

Lettre de Jos Bergeron à papa-1.jpg

 

La lettre originale de Jos Bergeron 1 de 2

 

 

Lettre de Jos Bergeron à papa-2.jpg

 

La lettre originale de Jos Bergeron 2 de 2

 

 



14/02/2019
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