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Hélène me propose une idée; non mais quelle idée : une table triangulaire. On ne voit pas ça souvent et ça ne peut pas être bien pratique que je lui dis. Pour le jardin, ok, mais pour une salle à dîner, alors là, il faut me convaincre. Si vous la connaissez, vous savez qu’elle est très convaincante. Elle me fait son argumentaire de vente et quand elle me montre quelques photos, je me dis que ce n’est pas si fou que ça.

Cet table blanche m'inspire vraiment

Les années passent car je ne suis pas convaincu. L’idée me trotte dans la tête mais je ne sais pas comment je peux réaliser ça. Et voilà que l’hiver me donne envie de relever un défi. En partant, j’aime bien la trigonométrie, cette branche des mathématiques qui se rapporte aux triangles. Les triangles se retrouvent partout et permettent de faire des structures très solides. Pensez au pont de Québec ou à la tour Eiffel et la structure géodésique? En gros, c’est un assemblage de triangles qui reproduit la forme de la terre. À l’Expo 67, les États-Unis ont construit leur pavillon avec cette technique.

Oups ! Encore de quoi pour inspirer ma belle !

Le pavillon des États-Unis

En février, je laisse mon cerveau travailler en paix. Normalement, c’est juste après minuit ou après quelques heures de sommeil. Il me garde réveillé et je dois récupérer le jour en faisant une sieste après dîner. J’allume mon ordinateur de bureau et je vais faire quelques croquis de temps en temps. Évidemment, le premier croquis est un triangle; il est équilatéral ce qui veut dire que ses trois côtés sont égaux. Le triangle est le plus petit polygone qui permet d’obtenir une surface. Si ses trois côtés sont égaux, les trois angles intérieurs sont égaux aussi et correspondent à 60 degrés. Cette trinité n’est pas sainte.

Une première inspiration

Je choisis le bois comme matériau de fabrication et le chêne sera l’essence qui ira avec le plancher. Déjà, dans la tête de la convaincante, le bois sera teint en blanc, une idée à discuter quand nous serons à l'étape de la finition. On verra car ce sera dans les dernières étapes. Je veux une table massive et solide. Un problème se pose et il est là depuis longtemps. Faire une surface de bois massif de forme triangulaire qui aura un côté dans le sens du bois et les deux autres à contresens à angle de soixante degrés ne me plait pas. Je préfère la symétrie. Alors je pense à faire un triangle avec des planches de bois. C’est comme ça que je pense à des marches d’escalier toutes prêtes comme pour l’escalier de meunier déjà réalisé. Les marches d’escalier de chez Canac sont prêtes à l’emploi et mesure 10 pouces de large par 1 et 1/16 pouces d’épaisseur et de différentes longueurs de 48, 42 et 36 pouces. J’en achète trois de 48 pouces pour commencer et, par prudence, de ne pas s’embarquer trop loin dans le projet.

Marche par ci, marche par là.

La conception va bien et il faut penser à l’étape fabrication. D’abord je dois ajuster ma scie avec un angle précis de trente degrés sur l’horizontale et de quatre-vingt dix à la verticale. Je coupe quelques pièces de rebus pour m’assurer que l’angle est bon sinon ce sera un désastre. Ensuite je coupe les premiers trois morceaux. Je place tout ça sur le plancher et nous réalisons rapidement que la table ne sera pas assez grande; juste bon pour faire une table à café pour deux. Je continue la conception et je pense qu’il faut rajouter une autre rangée de huit pouces mais comme les marches sont de 10 pouces aussi bien tout prendre et c’est une bonne idée.

Trop petit

Comme les planches pour cet ajout ne sont pas assez longues, il faut faire un joint bout à bout. J’essaie de placer le joint au centre de la table et ça se fait bien avec une longueur de 42 pouces et une autre de 36 pouces. Pour l’assemblage, la forme triangulaire ne permet pas de faire du laminage sur le chant de la planche. Alors j’opte pour un assemblage par tenons et mortaises. Ainsi, avec de la colle ce sera solide et je pourrai mettre des serre-joints à quelques endroits pour solidifier le tout.

Assemblage par tenons et mortaise

Puisqu’il est pratiquement impossible de faire des joints parfaits, j’ai décidé de faire un petit chanfrein sur tous les joints. En plus de camoufler l’imperfection du joint, le chanfrein permet de garder une forme de mosaïque qui fait ressortir l’assemblage des planches de bois. Pour la continuité du triangle équilatéral de la table, le chanfrein est fait avec un angle de soixante degrés. C’est surtout que j’avais ce couteau parce que même à quarante-cinq degrés, on n’aurait pas vu la différence.

C'est pas fou

Pour les joints bout à bout, je visse des morceaux de bois sous la table et je referme le joint avec des vis. Après séchage de la colle, je peux retirer ces morceaux de bois. Pour donner encore plus de rigidité et de volume, j’ai vissé et collé une planche pleine longueur sous la table sur chaque côté. La planche chevauche les joints de bouts et renforce la liaison du joint. 

Morceaux de bois en guise de serre-joints

et planches de renforcement

L’étape suivante est de faire l’arrondi sur chacun des côtés et sur chacune des pointes. Le défi est de scier à la scie sauteuse une épaisseur de bois franc de 1 et 13/16 de pouces. Ma petite scie Makita m’a regardé de travers et elle m’a vite fait comprendre qu’elle n’était pas une géante. J’ai alors décidé d’acheter une scie à la hauteur : une magnifique Dewalt du pays voisin.

Ils l'ont l'affaire, les Américains !

Je réussis, sans aide, à coucher la table sur l’établi et à faire tenir la partie dans le vide avec une patte coupée sur mesure. Pour tracer l’arrondi sur les côtés, je retourne au dessin et à l’aide de l’équation du cercle x² + y² = r², je trace l’arc de cercle. Pour les pointes, c'est facile, je prends le couvercle d’un poêlon de 12 pouces de diamètre. Ensuite je coupe avec la super scie sauteuse, étape qui se fait en même temps qu’un arrondi de 1/2 pouce à la toupie sur le dessus et le dessous. Il faut plusieurs passes pour arriver au résultat final.

Je dirais la trianglature du cercle

Tout est bien arrondi

J’obtiens ainsi un grand triangle avec une ouverture au centre que je peux fermer avec deux planches collées et coupées en triangles. Elles sont vissées à l’aide de morceaux de contreplaqués par en dessous de la table. Le défi dans cette étape est de couper le triangle à la perfection. Pour ce faire, il faut couper précisément à la scie en mettant la tolérance sur le positif et terminer par sablage pour une insertion parfaite.

Voilà, c'est fait !

Pendant que la table est en position, un sablage avec la sableuse à bande permet d’égaliser tous les joints et les courbures. Après cette étape, je visse une autre planche à la verticale sur les côtés toujours pour la rigidité mais surtout pour donner un effet massif. Maintenant, la table est vraiment pesante. Je ne peux plus la manipuler tout seul.

Pour faire les pattes, j'achète des poteaux de garde d’escalier carrés de 2 et 1/2 pouces. Mais je veux un peu plus de volume. Alors je colle, dans la partie supérieure, des pièces de bois de 3/4 pouce d'épaisseur pour lui donner une section de 3 et 1/4 pouces. Tout doit être passé à la toupie pendant les étapes de collage car impossible de le faire après. Pour fixer les pattes, je prépare des pièces métalliques qui ne paraissent pas et que seul celui qui se penche sous la table pourra constater la façon de faire.

Elle ne tombera pas sur quatre pattes

Je dois faire appel à mon fils, Simon-Mathieu, pour transporter la table de l’atelier à la maison. Elle est vraiment très lourde. Je fixe les trois pattes et la table est prête pour la finition. L’avantage de trois pattes est que jamais la table ne peut galocher. La teinture blanche a été acceptée par ma douce et elle était toute heureuse de faire ce travail délicat. Pour le vernis, elle en pose 3 couches que je ponce légèrement à chaque fois. Je redonne encore 3 à 4 couches supplémentaires au rouleau. Après une huitaine de couches de vernis et 1 et 1/2 litres de vernis plus tard, la douceur est palpable. La madame est bien contente.

Ça se voit qu'elle est contente

L’achat de 6 chaises complète le projet et le résultat est à notre satisfaction. L’inauguration est faite lors d’un bon souper en famille et pour le côté amusant, le repas est servi dans des assiettes triangulaires.

Résultat final

Inauguration avec assiettes assorties

Bonne appétit !