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2023-10-27-La grande histoire-Joseph devient raillayer

Le train s’en vient à Chicoutimi, pas vraiment le train mais plutôt le chemin de fer. C’est quasiment pareil mais avant que la locomotive à vapeur vienne faire siffler son sifflet, il faut poser des rails. Joseph a maintenant 17 ans et depuis qu’il a entendu parler du train qui arrivait au Lac St-Jean, il a toujours senti que ce train allait changer sa vie. En fait, il veut aller travailler en ville sur la voie ferrée. Cette nouvelle voie de communication est prometteuse de développements.

 

1-Locomotive du train du lac saint jean.png


Oui, c'est bien la locomotive à vapeur no 5

de la Quebec Lake St-John. C'est écrit dessus.

 

 

Oui le train s’en vient et la voie ferrée est rendu à Jonquière. C’est tout proche et c’est un travail payant. C’est pour ça que Joseph (qu’on appelle maintenant Jos dans la famille) trépigne plus qu’un cheval sur le plancher de la cuisine et essaie de convaincre son père  de le laisser partir pour aller gagner du bel argent.

 

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Trépigne, mon Jos.

 

 

Épiphane est hésitant. Il a besoin de son plus vieux pour l’aider sur la ferme. D’un autre côté, un revenu supplémentaire en beaux « bills » du Dominion pourrait adoucir la vie des Desmeules d’autant plus que Jos n’aime pas trop le travail de la ferme. La famille est rendue assez grosse, Marguerite a fait ses devoirs de bonne chrétienne et elle vient d’enfanter son douzième, elle qui a déjà perdu son petit Edmond à 6 mois. En y réfléchissant bien et en pesant le pour et le contre, Épiphane croit pouvoir s’arranger avec  Thomas et David et donne son accord à Jos.

 

3-accord.jpg

 

L'affaire est conclue

 

 

Au printemps de 1893, la construction du chemin de fer entre Chambord au Lac Saint-Jean et Chicoutimi progressent très bien. En avril,  Jos devient « raillayer » et se joint aux mille ouvriers qui travaillent à la pose des rails entre Jonquière et Chicoutimi. Les travaux progressent à la cadence de deux à trois kilomètres par jour. En ce temps-là, il y avait beaucoup de mots en anglais dans le vocabulaire technique. Précisions qu’un « raillayer » c’est un « rail track layer » et en français, c’est un poseur de voie ferrée.

 

4-raillayer.png


Où est Jos?

 

 

 

Aparté pas vraiment théatral

Dans cette histoire de train, il faut raconter l’histoire du train de la bonne Sainte-Anne qui aurait sûrement intéressé maman et du train de Charlevoix qui aurait tout autant intéressé Épiphane, originaire de cette région, faut-il le rappeler.

 

Le train de la bonne Sainte-Anne a été inauguré quelques années auparavant en 1889. Ce train à vapeur permettait aux pèlerins de se rendre à la Basilique de Sainte-Anne de Beaupré. Peut-être même que maman, à partir de sa Beauce natale, est venue à Québec pour prendre ce train de pèlerins. C’est possible, car si le troisième lien n’est toujours pas en place, le premier lien, le pont de Québec, l’est depuis son inauguration en 1919 alors que maman a 6 ans.

 

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Maman, vous êtes donc où?

 

 

Sainte-Anne de Beaupré, c’est encore bien loin de Charlevoix. La construction de la voie ferrée nécessite des fonds importants. C’est grâce à Rodolphe Bourget, riche homme d’affaires de Montréal et premier millionnaire canadien français (québécois n’étant pas encore utilisé) que le train va se rendre dans la région originaire des Desmeules.

 

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Qui n'a pas déjà entendu parlé du Domaine Forget?

 

 

Amoureux de la région de Charlevoix, Rodolphe se rend en Europe pour solliciter les banquiers. Il promet à sa femme, qu’à son retour, ils partiraient tous les deux en croisière. En 1912, juste avant leurs vacances, le montage financier est bouclé et monsieur Forget doit annuler la croisière promise. Pauvre madame Forget, elle qui se faisait une joie d’embarquer sur le Titanic.

 

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Ça ne sera pas pour une autre fois, madame Forget.

 

Le couple Forget s’est fait construire un domaine à Saint Irénée de Charlevoix où monsieur Forget était député. Nourrissant de idées très avant-gardistes, il a joué un rôle important dans l’implantation d’un tramway électrique tant à Montréal qu’à Québec. Il a inspirée la dernière de ses filles, Thérèse. C’est elle, une des premières féministes, qui s’est battue pour le droit de vote pour les femmes au Québec qui, soit dit en passant, est la dernière province à obtenir ce droit en 1940. Thérèse est mieux connue sous le nom Thérèse Casgrin.

 

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Une grande dame, cette Thérèse Casgrain

 

 

Retour à l'histoire principale

Finalement, le 2 août 1893, Jos invite toute sa famille à venir assister à l’arrivée du train à Chicoutimi et il tient à payer la traverse. Tout notre beau monde se rend au quai de la traverse en bas de la côte Saint-Anne et on embarque dans le traversier nouvellement motorisé avec un engin à vapeur. Ce bateau, appartenant à Alphonse Gagnon de Sainte-Anne, est un vulgaire chaland dont les chevaux ont été remplacés par des chevaux vapeur. Monsieur Gagnon lui a donné le nom de Sainte-Anne.

 

9-traversier SS. Tremblay-Paul remplacement.png


Lui, c'est le Tremblay qui a remplacé le Sainte-Anne.

 

 

C’est en envoyant des saluts à la Croix de Sainte-Anne que les Desmeules traversent le Saguenay sans se préoccuper des caprices de la marée car le moteur à vapeur est puissant. Ils débarquent au nouveau quai construit dans le bassin, à l'extrémité ouest de la rue Racine. C’est dans la bonne humeur qu’ils arrivent à la toute nouvelle gare de Chicoutimi après une marche de vingt minutes.

 

10-traversier au bassin.jpg


Un magnifique débarcadère

 

 

11-marche vers la gare.jpg

 

Ils ont marché jusqu'à la gare près de la rivière Saguenay

en bas de la côte qui mène à la cathédrale.

 

 

C’est un jour de fête et c’est une foule de près de deux mille personnes qui assistent aux festivités. Le premier convoi de passagers réguliers, d'environ 800 personnes, arrive à la gare. Pour l'occasion, les organisateurs de ce moment historique ont pris soin de monter une tribune à proximité du quai. De nombreuses personnalités provinciales et régionales ont été officiellement invitées. Jos est vraiment fier de son travail et euphorique en voyant pointer la fumée noire sortant de la cheminée de la locomotive. Que d’émotions en entendant le sifflement de la vapeur s’échapper des cylindres et freiner le train juste au pied de la côte Salaberry.

 

12-1893 arrivée du train.jpg


Le train arrive, le monde est énervé.

 

 

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Le train est en gare, c'est l'euphorie.

 

La fête bat son plein et un grand nombre des passagers du train se dirige maintenant vers la cathédrale en haut de la côte Salaberry pour assister à la bénédiction de son nouveau carillon. Il est possible que la bénédiction ait transformé l’eau bénite en eau-de-vie et ait attiré les foudres de l’enfer car la cathédrale et son carillon furent détruits par le feu la même année que le naufrage du Titanic.

 

14-1893-Côte Salaberry et cathédrale.jpg


Il faut maintenant monter la côte Salaberry pour la bénédiction.

 

 

Au terme de ce si beau projet, Jos n’a pas le choix de retourner vivre à la ferme. Quand même, son cœur est resté avec la confrérie des travailleurs de la construction du chemin de fer. Le chemin de fer représente l'ouverture du Saguenay sur le monde.

 

1893-Le train à Chicoutimi-photo 7.jpg


Une ouverture sur la rue Jacques-Cartier et sur le monde

 

 

 



27/10/2023
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