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2021-11-12-La grande histoire – De Saint-Alexis à Saint-François-Xavier

Pendant que son oncle Julien travaille à la fromagerie de la ferme Price, Épiphane et son cousin Joseph sont envoyés aux champs pour la moisson. La fin du mois de septembre est magnifique. Il fait assez chaud et il ne pleut presque pas. Les cousins ont la chance de travailler avec une moissonneuse mécanique tirée par des chevaux. Cette machine moderne permet de couper les tiges d'avoine à l’aide d’une faux mécanique actionnée par les roues. Une grande roue à palettes couche les tiges d'avoine sur une toile qui les amène à la lieuse. Les tiges sont aussitôt attachées en paquets et déposées sur le champ en arrière de la machine.

 

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C'est moderne, cette machine là !

 

 

Cette superbe machine s’appelle une moissonneuse-lieuse et a été inventée en 1872. Je sais, je sais. On est seulement en 1869 mais c’est Épiphane et Joseph qui ont contribué à son développement à la ferme modèle Price. Lorsqu’elle fut au point, on déposa la demande de brevet en 1872. Voilà, c’est ça la vraie histoire.

 

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C'est ça, une patente ?

 

 

Après que les paquets d’avoine soient transportés à la grange, ils sont passés dans la batteuse à grains (communément appelé moulin à battre). Et ça c’est la spécialité d’Épiphane. Il en connait un chapitre là-dessus car il a fait partie de l’équipe qui est allée à Québec chercher la première machine pour Saint-Agnès. Rappelez-vous la fameuse batteuse-trépigneuse (voir Épiphane dans la grande ville).

 

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Le moulin à battre et la trépigneuse qui est en dehors de la photo

 

 

Mais il n’y a pas que le travail sur la ferme. Et il n’y a pas que la famille Price à Saint-Alexis de la Grande Baie. Il y a une autre grande famille : les Maltais. François qui est arrivé à la Baie des Ha Ha avec la Société des Vingt-et-Un est un homme d’affaires presqu’aussi puissant que William Price. Presque, parce que les affaires ont un peu mal tourné pour lui et finalement c’est William qui a acheté tous les moulins à scie de la Société des Vingt-et-Un.

 

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La famille Maltais

 

La famille Maltais a quand même conservé quelques actifs et surtout une grande influence sur la famille Price. Madame Justine a été la première maitresse d'école de Saint-Alexis; ben oui la fameuse madame Boivin (voir Appendice K-Délisca et son piano), celle qui s’est mariée avec le beau Alexandre Maltais, le fils ainé de François, qu'elle appelait affectueusement "son bichon".

 

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Elle était un tantinet autoritaire, n'est-ce pas?

 

 

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C'est toi, Alexandre ?

 

 

Madame Boivin a conservé tout sa vocation de maitresse d'école pour exiger de la direction de la ferme Price qu'elle envoie les jeunes travailleurs poursuivre leurs études. Elle a été la première institutrice du village jusqu’à son mariage en 1848 et elle a contribué à établir la première école modèle à la Grande-Baie une dizaine d’années plus tard. Après une fermeture temporaire par manque d’instituteurs, une deuxième école modèle ouvre en 1865 et c’est là qu’Épiphane ira passer une ou deux heures par jour pour étudier. 

 

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Elle est belle, son école.
 

Il apprend les matières scolaires, certes, mais aussi l’histoire du village. S’il est arrivé à la Grande-Baie, c’est parce qu’il vient de Saint-Agnès de la Malbaie. S’il était venu de Baie-Saint-Paul, il serait plutôt arrivé à Bagotville. Ben oui, déjà une petite guerre de clochers. Tout a commencé avec les scieries. La Société des Vingt-et-Un qui vient de la Malbaie s’est établie près de la rivière Ha Ha qui devient la paroisse de Saint-Alexis. Mars Simard et son acolyte se sont établis près de la rivière Vasigamenke qui deviendra la rivière à Mars et la paroisse Saint-Alphonse. Ainsi on a les deux clochers: Grande-Baie et Bagotville.

 

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Attends ben que Port-Alfred arrive

 

 

Épiphane, qui pensait être rendu au bout du monde devant cette Grande Baie, apprend qu’au-delà de cette vaste étendue d’eau, il y a une rivière qui remonte jusqu’à un autre village : Chicoutimi. C’est là que monsieur Price a ouvert une scierie avec Peter McLeod, un métis qui régnait en roi et maitre dans la région. La scierie est construite près de Chicoutimi sur la rivière qui s’appelle dorénavant : Rivière-du-Moulin. Mais la plus grosse scierie que le duo Price-McCleod possède est celle située au « Bassin » à l’embouchure de la rivière Chicoutimi. Elle produit plus du double de madriers que celle de la Grande-Baie.

 

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1853-Embouchure de la rivière Chicoutimi, le "Bassin".

En haut, à gauche, un voilier jette l'ancre au pied du cap Saint-François.

En bas, les installations de la grosse scierie.

 

Qui dit industrie florissante, dit migration des populations. C’est comme ça que l'oncle Julien, sa famille et même Épiphane ont pu travailler à Grande-Baie pour remplacer les travailleurs qui déménageaient à Chicoutimi. Même si monsieur Price et monsieur McLeod sont morts, les frères Price ont repris l'entreprise familiale. La "William Price and sons" porte maintenant le nom de "Price Brothers and Company".

 

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C'est quoi un repas de cheval?

De l'avoine ou du gruau?

 

 

Pendant tout l’automne de 1869, Épiphane travaille à la moisson de l’avoine. À la fin du mois de novembre, la ferme aura produit plus de 10 000 minots de grains d’avoine mais aussi de blé et d’orge.

 

Un minot? C'est quoi un minot?  J’aurais aimé mieux ne pas en parler mais tout le monde veut savoir. Bon, c’est un peu mêlant, je vous avertis. Un minot, c’est une mesure pour les matières sèches. Il équivaut à la moitié d’une « mine » qui est une unité de masse en Grèce antique qui équivaut elle-même à 606 grammes. Mais le minot équivaut aussi à trois « boisseaux » qui équivaut lui-même à 13 litres. Donc un minot pèse 606 grammes divisé par 2, soient 303 grammes et contient 13 litres multiplié par 3, soient 39 litres. Or, il faut 3 boisseaux de blé et 5 boisseaux d’avoine pour faire 1 minot. Avez-vous bien compris? Moi, non plus.

 

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Cinq boisseaux de même, c'est un minot.

 

 

Après la moisson, c’est la préparation de l’étable pour loger le troupeau de vaches laitières pour l’hiver. Justement, les premières neiges sont arrivées. La troisième bordée devrait rester et Noël sera blanc. L’écurie, aussi, a besoin de main-d’œuvre car il faut s’occuper de la centaine de chevaux. Après Noël et le Nouvel An 1870, Épiphane et le cousin Joseph, partent dans le bois pour aller couper les arbres qui alimenteront le moulin à scie de la Rivière des Ha Ha. Évidemment, ce moulin appartient aux frères Price qui sont les maitres incontestés des destinées économiques de la région. Dans les chantiers, Épiphane est bien loin de l’école. Au lieu d’apprendre les grandes choses de la vie, il apprend à sacrer.

 

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On est loin de l'école

 

 

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Ça s'apprend

 

 

En avril, aux premiers gros rayons du soleil qui annoncent la fin des chantiers et le début de la drave, les cousins reviennent au village de Saint-Alexis. Épiphane, à 18 ans, est un homme, un vrai. Il a les cheveux longs, la barbe hirsute et il sent le musc.

 

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Mon Dieu, que tu ressembles à Charles.

 

À peine arrivé à la ferme, le « superintendant » de la scierie, monsieur Robert (Bob) Blair, annonça à Épiphane qu’il était envoyé à la scierie de Rivière-du-Moulin à Chicoutimi. Hein? Ébranlé par cette nouvelle, il ne savait plus comment s’adresser au « superintendant » : monsieur roberblère ou monsieur boblère? Quoiqu’il en soit, il n’avait que deux jours pour se préparer car le Saguenay l’attend. Ici, on ne parle pas de la rivière, là, là, on parle du "Saguenay", le bateau à vapeur qui fait la navette entre Québec, Charlevoix, Anse-Saint-Jean, Grande-Baie et Chicoutimi.

 

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De l'autre côté du bateau (son tribord), c'est l'Anse à Benjamin.

 

 

Le Saguenay est un magnifique bateau de croisière de la compagnie Canadian Steamship Lines fondée en 1845 au Canada-Est; avant la « Confédération de 1867, on disait Bas-Canada. C'est drôle, ça me rappelle un premier ministre. Épiphane se trouve tellement chanceux. Il a peine à croire qu'il va faire une telle croisière jusqu'à Chicoutimi. Il a hâte de voir sa chambre car on lui dit qu'il restera dans la "boiler room".

 

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Il ne croyait pas avoir un foyer dans sa chambre.

 

 

Joseph ne vient pas, il reste avec sa famille. C’est ainsi qu’Épiphane quitte le village de Saint-Alexis de Grande-Baie pour s’établir à Saint-François-Xavier de Chicoutimi. Parti pendant la nuit, il arrive au quai de Chicoutimi vers midi.

 

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Le quai est au pied de la côte Salaberry.

En haut, à droite, c'est le cap Saint-François.

 



12/11/2021
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