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2019-11-12-La grande histoire – Mon pauvre Isaïe

Nous y voilà. Le douzième enfant et le dernier de Joson et Constance est né le 14 septembre 1827. C’était le temps qu’il vienne au monde sinon on existait pas, c’est notre ancêtre. Ils l’appellent Isaïe. Tu parles d’un nom. Joson a été influencé par son ami et voisin Alexis Tremblay Picoté qui avait appelé un de ses enfants Isaïe, le jumeau de 7 ans d’Henriette. D’après le curé, Isaïe, un personnage biblique, est un vieux prophète qui écrivait un livre sur le futur. Au chapitre 9 verset 5, il écrivait : « Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné ». Franchement Joson, c’est ton douzième, on est loin de la prophétie.

 

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En tout cas, Isaïe n’est pas né à une belle époque. Tout va mal à Pointe-au-Pic, à la Malbaie, pis dans tout le Bas-Canada. Les anglais deviennent de plus en plus forts économiquement à cause de la croissance rapide du commerce du bois (William Price, tsé). Les canadiens-français veulent garder le contrôle sur leur gouvernement et revendiquent leurs droits. C’est là que Louis-Joseph Papineau est arrivé avec son Parti Canadien qui devient le Parti Patriote (le Parti Québécois, c’est bien plus tard). Malgré tout, la situation continue de se détériorer.

 

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En plus de ces problèmes politiques, tout le Bas-Canada est plongé dans un marasme économique généralisé et une crise agricole sans précédent. Beaucoup de canadiens-français sont au bord de la famine. En même temps, il y a beaucoup d’immigration des îles Britanniques, si bien que la minorité anglophone forme presque la majorité anglophone dans les grandes villes comme Montréal et Québec. Tiens donc, c’est pas d’aujourd’hui, ça.

 

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Ça va mal en maudit

 

 

Pendant ce temps, à Tadoussac, James McKenzie fait sa valise. Bien oui, cet écossais qui fait partie de notre famille et de la famille de la North West Company s’en va à Québec comme représentant de la Hudson Bay Company. Ici, une explication s’impose. James travaillait pour la North West Company mais la chicane était pognée avec la Hudson Bay Company. Dix ans avant qu’Isaïe ne vienne au monde, James a décidé de quitter la North West Company pour s’installer à Tadoussac comme marchand indépendant. Pas fou le bonhomme, il sentait la soupe chaude parce que pas longtemps après, la Hudson Bay Company à avalé sa rivale et il perdait son emploi pareil.

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T'étais mieux de partir, James

 

Mais ce n’est pas rien que pour ça. Soyons romantiques. James était en amour avec Adélaïde, une indienne de Tadoussac et il lui avait fait une petite fille, Alexandrienne. Alors il vivait avec sa petite famille montagnaise et il était heureux. D’ailleurs, deux ans auparavant, il avait reconnu officiellement sa liaison, ce qui n’était pas courant à l’époque. Bon, maintenant qu’il n’y a plus qu’une seule compagnie de fourrures et qu'elle fait une offre à James, il s’en va travailler pour la compagnie au pouvoir, à Québec. C’est aussi comme ça en politique. Et Adélaïde et Alexandrienne? Bof, il n’y a pas que l’amour, il y a la carrière.

 

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Il faut faire des choix

 

 

Pendant ce temps au Saguenay, Thomas Simard brasse la cage. Qui est ce Thomas Simard? Avant de parler de lui, il faut savoir que le Saguenay n’est connu que pour la traite des fourrures. La Hudson Bay Compagny a désormais le contrôle des terres du Saguenay. Pour garder son contrôle, elle a à son emploi des hommes forts, très forts, qu’on appelle les « boulés ». C’est un peu comme une police de fiers-à-bras. Thomas Simard en fait partie, de même que son frère, Michel, Peter McCleod, le père et Peter McCleod, le fils.

 

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Une boulay

 

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Thomas Simard ?

 

Tout ce beau monde seront parmi les pionniers qui coloniseront le Saguenay. En attendant, Thomas et Michel demeurent à La Malbaie et les conditions sont minables. On est en situation de famine et les terres agricoles se font rares. La population de Charlevoix a triplé surtout à La Malbaie. Les familles de quinze, voire vingt enfants ne sont pas rares. La vie est difficile et l’espoir presque nulle. Ce qui provoque une ruée vers les terres encore disponibles vers Saint-Fidèle et Saint-Agnès.

 

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Mais oui, mais arrêtez de faire des enfants

 

Face à la demande populaire dont Thomas Simard est une des figures dominantes, l’Assemblée législative du Bas-Canada mandate, en 1828, une commission chargée d’étudier le potentiel du Saguenay pour la colonisation. Le rapport est clair : les terres du Saguenay sont fertiles, le climat est adéquat pour les colons et la région regorge de belles forêts. On veut bien y aller mais on peut pas à cause de la Hudson Bay Company qui détient tous les droits et elle ne veut pas de colon.

 

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Les terres sont fertiles au Saguenay

 

 

Et c’est dans cette misère qu’Isaïe va faire les premières années de sa vie. Par chance, Joson est relativement riche. Son argent n’apporte pas le bonheur mais il rend le malheur plus facile à supporter.  Et la vie continue. Isaïe grandit mais il est plutôt chétif. Il est souvent malade et pleure souvent. Il préoccupe ses parents tout le temps. Il faut s’en occuper continuellement.

 

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                     Qu'est-ce que t'as?

 

Mais là, Isaïe, il faudra que tu attendes un peu. Ça brasse à Montréal et les anglais nous font de la misère. En plus, il faut fonder le Saguenay. Alors écoute l’histoire, tu as cinq ans, c’est assez vieux pour comprendre.

 

En 1832, à Montréal, il y a des élections qui opposent le Parti patriote et le British Party. En gros, le Parti patriote veut les terres pour la colonisation et ses droits politiques et le British Party veut renforcer le système colonial et économique. Pendant cette soirée d'élections, on annonce que si la tendance se maintient, le Parti patriote prendra le pouvoir. Sans perdre de temps, des partisans commencent à fêter dans la rue. Il y a bousculade et les forces de l'ordre, des anglais évidemment, doivent disperser la foule. Si on connait bien les Canayens, on ne connait pas le poivre de cayenne. Alors on tire au fusil et on tue trois canadiens-français. Louis-Joseph Papineau est vraiment peiné et outré.

 

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Les canayens, ils connaissent ça

 

 

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Le poivre de cayenne, ils connaissent pas ça

 

 

Papineau veut convaincre Londres de l’écouter. On rédige 92 résolutions au sein du Parti mais ça fait pas l’affaire de tout le monde. Quelques pissous quittent le Parti patriote et le 17 février 1834, les résolutions sont envoyées à Londres. La réponse arrive trois ans plus tard le 6 mars 1837 : tout est refusé en bloc. Pour joindre l’insulte à l’injure, on envoie à Papineau les 10 résolutions de Russel. Les patriotes les plus radicaux en profitent pour appeler la population à prendre les armes. Bon on devine la suite mais attendons.

 

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Non, ce ne sont pas des résolutions du Jour de l'An

 

Pendant ce temps à la Malbaie, Thomas Simard devient un homme d’affaires et l’un des principaux marchands de La Malbaie. Il possède des embarcations de tout genre comme des barques, des barges et même des goélettes. Alexis Tremblay Picoté, lui, le voisin de Joson, a délaissé la terre pour faire du bois. Pour écouler sa production sur les marchés, il doit faire affaire avec Thomas Simard qui lui-même fait affaire avec William Price.

 

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C'est lui, Picoté

 

Les trois hommes décident qu’il est temps d’aller exploiter les forêts du Saguenay. Sans attendre la permission du gouvernement qui est propriétaire des terres de la Couronne, mais en ayant toutefois obtenu la permission de Peter McCleod, le père, qui est l’agent de la Hudson Bay Company qui exploite les terres de la Couronne, ils s’en vont bûcher des beaux billots de pin au Saguenay.

 

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Des beaux billots de pin blanc

 

Et nous voilà au même point que les patriotes. Face aux 10 résolutions de Russel, sentant le climat socio-politique se détériorer, la Hudson Bay Company décide de se départir de son droit de coupe de bois au Saguenay et offre le permis à Thomas Simard. Mais pour l’acquérir, il doit former une compagnie. Le 23 septembre 1837, il s’associe donc avec Alexis Tremblay Picoté et d’autres citoyens aisés de La Malbaie (mais pas Joson) pour former la Société des Vingt et Un. Et on apprend de source fiable que c’est William Price qui la finance secrètement.

 

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Les 21, ils sont tous nommés

 

Tu vois Isaïe? Tu as maintenant 10 ans. Tu ne le sais pas encore mais ta descendance s’en ira s’établir au Saguenay grâce aux vingt et un. Il y a Alexis Tremblay Picoté que tu connais bien, Thomas Simard et son frère Alexis et aussi François Maltais, dont le fils François junior va marier Alexandrienne, la petite métisse.

Tu as 10 ans et tu commences à comprendre qu’il y a des choses terribles qui se passent très loin à Montréal. Les patriotes viennent juste de former une petite armée : les Fils de la liberté. Il y aura une guerre, c’est sûr.

 

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Ça va barder



12/11/2019
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