pharamen

Il y a deux ans, lors d’un voyage au Luxembourg, j’ai accepté de séjourner cinq jours au monastère de Clervaux, dans le nord du pays. Ceux qui me connaissent étaient surpris et même abasourdis étant donné mon aversion pour la religion.

Le Luxembourg est un petit pays

Ceux qui, comme moi, ont connu la révolution tranquille des années 1960, ont vécu le déclin de la religion catholique et son emprise sur la société québécoise. Les plus jeunes ne comprendront pas toujours certains termes religieux. Je vais essayer de les définir pour une meilleure vulgarisation et non pas par condescendance. Ce sera la même chose pour d’autres termes vieillis ou issus du vocabulaire populaire.

La religion se définie par un ensemble de croyances qui relie les humains avec des dieux. Pour la religion catholique qui nous concerne, la Bible est l’histoire de cette religion.

La Bible raconte l'histoire de la religion catholique

Ancien testament

Testament est un mot provenant du latin testamentum qui signifie témoignage. L’ancien testament, le premier testament, est la partie de la Bible des chrétiens qui se rapporte à la période qui précède la venue de Jésus parmi nous. Par analogie, ce blogue, qui raconte l’histoire de mon séjour au monastère, sera ma bible. Ainsi, l’ancien testament est la partie qui se rapporte à la période qui précède mon entrée au monastère et le nouveau testament se rapporte à la période pendant laquelle je serai en retraite au monastère.

C'est une vielle histoire

 Dans le titre de ce bloque, un "gang" est un mot anglais qui signifie un groupe ou une bande souvent criminalisée. Ça peut être aussi un groupe social qui partage des points communs. Pour les gens du monastère, ce sera une des deux définitions ou les deux, on verra. Un "motté" est un terme québécois qui décrit une personne étrange et marginale. C’est un mot coloré qui s’apparente bien aux gens du monastère. "Évangélisé" veut dire que les adeptes possède la foi chrétienne, c’est-à-dire qu’ils croient en leur dogme avec une crédulité presque totale. La ressemblance du titre avec « gang de motards criminalisé » n’est pas fortuite.

Pas criminel à ce point-là, quand même.

Un monastère est un endroit où vivent des moines. Si les gars sont des moines, les filles sont des moniales et ils ne cohabitent pas. Une moniale ne peut pas enfanter car elle a fait le vœu de chasteté et doit garder le moine loin d’elle. Tout comme les mules et les mulets, les moniales et les moines ne peuvent pas se reproduire. Ils doivent donc recruter dans la société pour se perpétuer.

Tu serais mieux de ne pas te reproduire, Mona.

Les moines, du grec monos qui veut dire seul, sont des personnes qui vivent en solitaire et qu’on appelle ermites. Ils peuvent aussi vivre en communauté. De nos jours, ils sont presque toujours en communauté car la vie solitaire était trop difficile à supporter.

Près de chez-nous, on connait le monastère des Augustines à Québec, organisme à but non lucratif réputé pour sa richesse monétaire et le monastère des Augustines de l’Hôpital de Chicoutimi où les moniales étaient cloitrées jusqu’au feu de 1963. Il y a aussi l’abbaye de Saint-Benoît-du-Lac dans les Cantons de l’Est (on dit Estrie maintenant) sur le bord du lac Memphrémagog. Une abbaye (prononcer A.B.I. pour ceux qui connaissent l’aluminium ou abbé-i pour les autres) est un monastère qui a un chef. C’est le « père » symbolique de la communauté qu’on appelle abbé, d’où le terme abbaye. Les religieux qui vivent à l’abbaye de Saint-Benoît-du-Lac sont des Bénédictins, des moines qui font partie de l’ordre de Saint-Benoît dont la règle est « Ora et labora » expression latine qui veut dire : louange divine et travail manuel quotidien. C’est pareil pour l’abbaye de Clervaux.

Les bénédictins s'aiment beaucoup entre œufs

Avec toutes ces informations, nous voilà au vif du sujet et moi devant les portes du monastère de Clervaux. Comment me suis-je retrouvé ici? C’est à cause de mon frère Jean-Luc qui, rendu à un âge vénérable de 81 ans, voulait visiter les vieux pays. Moi, rendu à un âge tout aussi vénérable de 70 ans, je suis son accompagnateur. Comme il est du genre dévot et passionné de monastère, de vie de moine, de vie d’ermite et de vie de pèlerin, il voulait se retrouver dans cette vie là; pas moi, mais pas pantoute. Comme je suis plutôt attiré par la science, j’ai décidé que mon séjour dans ce milieu ecclésiastique serait une expérience qui me permettrait de voir sans croire. Ecclésiastique est un mot très payant au Scrabble. Il le sera si vous réussissez à le former en le combinant avec le verbe astiquer, conjugué à la troisième personne du singulier au présent de l’indicatif (écclési-astique). C’est un adjectif pour désigner ce qui se rapporte à l’Église (avec un É majuscule) et qui se définit comme étant une assemblée de croyants.

Ça plus que 7 lettres, ça !

Un des rôles sociaux d’un monastère est d’offrir l’hospitalité aux pèlerins, ces personnes qui font un voyage spirituel vers des lieux saints. Enfant, je montais la côte pour aller à l’église Sainte-Anne, c’était un peu ça.  Jean-Luc et moi, utilisant notre plus grande hypocrisie et ayant troqué notre bâton de pèlerin pour une petite valise à roulettes, on nous ouvre les portes du monastère. Nous sommes accueillis par le père Bernard qui, prosterné sous le poids de la prière, nous conduit jusqu’à nos cellules de dévotion. Pour un seul « tap » du téléphone cellulaire sur le terminal monastique, nous profitons d’un bon lit, d’un lavabo, d’un pupitre, d’une grande fenêtre ouverte sur un décor magnifique de montagnes et de trois repas par jour.

Trois p'tits coups, Jean-Luc.

Une partie du village de Clervaux

Nouveau testament

Si Jean-Luc s’est fondu dans la parole liturgique du monastère, j’ai conservé toute mon hypocrisie pour pouvoir jouir de l’abondante hospitalité monastique, hypocrisie m’obligeant à m’afficher comme un humble dévot. Dans mon rôle de pèlerin, demandant l’hospitalité monastique, il m’a fallu d’abord apprendre les règles du jeu et ensuite m’y conformer. Les jours se suivent et se ressemblent et elles commencent tôt. Voici la répartition des activités qui débutent à 5h15 et se termine vers 21h : vigiles, laudes, petit déjeuner (en silence), messe, sexte, déjeuner (en silence) suivi du café, none, goûter, vêpres, repas du soir (en silence) et complies.

Les règles du jeu

Oui, moi aussi, je n’y comprenais pas grand-chose mais il suffit de savoir, qu’hormis les repas, les autres activités sont des prières. Ah oui, la none n’est pas une moniale, c’est la prière de la neuvième heure du jour. Comme le jour d’un moine commence à 6h, par une gymnastique mathématique, on déduit que la none est la prière de 15h soit 6h plus 9h. Croyez-moi ou croyez les mathématiques, sinon ayez la foi. Ainsi, les vigiles sont les prières récitées avant que le moine commence sa journée. C’est comme du surtemps avant son « shift ». Ensuite, ce sont les laudes, des prières récitées pour débuter la journée. La sexte, vous l’avez compris, est la prière de midi, soit 6h plus 6h, ce qui fait 12h. Les vêpres sont la prière de fin de journée, avant d’aller souper. Finalement, les complies sont les prières de fin de soirée juste avant d’aller se coucher.

C'est un peu fort comme prière

(sortez-moi d'ici)

J’ai décidé de tricher sur ma dévotion et j’ai commencé ma première journée par le petit déjeuner. Pas besoin de prier le seigneur, mon pain quotidien était déjà dans le grille-pain. Le café était excellent et la machine me le coulait dans une tasse sans limite de réchauds. Et me voilà parti pour cinq jours dans un monastère. Quelle vie trépidante. J’en ai encore des frissons.

C'est parti !

À suivre...